Arrivé en fin de vie fin 2011 et maintenu en vie grâce à de petites opérations de rafistolage, le haut-fourneau n°2, cœur du complexe sidérurgique d'ArcelorMittal Algérie (AMA), est à l'arrêt total voilà plus de deux mois. «le HF n°2 était, si je puis dire, en état de mort clinique depuis début 2012. Il a été mis hors service à la fin du premier semestre 2014. Dans toutes les usines du monde, la vie d'un haut-fourneau ne peut aller au-delà de 12 à 14 ans. Celui d'El Hadjar a battu tous les records de longévité. Les maintes tentatives pour le remettre en état ont échoué, car ses installations vitales se sont gravement détériorées», a souligné, dans un entretien téléphonique, le député et ancien SG du syndicat de l'usine d'El Hadjar, Smaïl Kouadria. En l'absence de toute opération de réhabilitation et de rénovation, ses installations telles que le briquetage des Cowpers qui servent à réchauffer l'air pour la combustion du HF, sont aujourd'hui obsolètes, explique notre interlocuteur. Pis, ajoute-t-il, «la vétusté très avancée du HF a entraîné de sérieux dégâts au niveau du trou de coulée ainsi que des briques. Il faut souligner que le HF n°2 est l'une des unités névralgiques de l'usine, car c'est là même que le minerai est transformé en fonte liquide destinée aux deux aciéries à oxygène». Pour pallier cette situation lourdement pénalisante, il a été convenu du lancement d'un programme d'importations de brames et de billettes : «Pour satisfaire les besoins des deux laminoirs en brames et en billettes, le recours au marché extérieur s'est avéré irréversible. Les brames seront transformées au niveau du laminoir à chaud pour fabriquer des bobines. Pour le rond à béton de différents diamètres, produit phare de l'usine, il sera fabriqué à partir des billettes importées transformées au laminoir rond à béton (LRB)», indique la même source. Répercussions sur Sonatrach Outre celles subies au plan social, entre mise au chômage technique et réaffectation de plus de 350 travailleurs vers d'autres installations et structures de l'usine, les retombées résultant de l'arrêt du HF n°2 ont porté atteinte à la compagnie pétrolière Sonatrach, suscitant déjà de vives inquiétudes. Et pour cause, «la filiale ArcelorMittal pipes and tubes Algeria (Ampta), avec laquelle Sonatrach TRC (Transport par canalisations) est liée par un contrat portant fourniture de 420 km de tubes en acier sans soudure (TSS) pour les besoins d'un projet hautement stratégique – gazoduc appelé à alimenter en gaz naturel les villes d'Illizi et Djanet -, risque de faillir à ses engagements contractuels en termes de planning de livraison», prévient un groupe de syndicalistes et de cadres rencontrés, mardi dernier, au complexe, précisant au passage que le HF n°2 était le principal pourvoyeur d'acier nécessaire à la production de TSS. Qu'attend-on donc pour mettre sur les rails le «fameux» plan de développement industriel (763 millions de dollars) dont devrait bénéficier le complexe et où il est surtout question de «ressusciter» le HF n°2 et son agglomération, une enveloppe totalisant 102 millions d'euros étant retenue ? «Le déploiement du plan de développement industriel a été ajourné. A cela une cause majeure : cette période de transition, à hauts risques, que traverse le complexe depuis la conclusion, il y a tout juste une année, de l'accord relatif au rachat – suivant la formule 51/49 – par l'Etat des actifs de l'usine d'El Hadjar. Le géant mondial ArcelorMittal ayant renoncé, pour un dinar symbolique, à 21 sur les 70% de parts au profit du groupe public Sider et le Fonds national de l'investissement (FNI)», rétorquera le député Smaïl Kouadria. Et d'insister : «Tant que les procédures afférentes à ce nouvel actionnariat ne sont pas achevées et les mécanismes définitivement fixés, au plan administratif et juridique, rien ne pourra, pour l'instant, être entrepris. La mise en œuvre du plan industriel et les montages financiers s'y rapportant en sont tributaires.» A défaut d'une volonté politique réelle d'agir avec célérité et plus de fermeté, c'est l'ensemble des objectifs assignés à cet accord stratégique qui risque de partir en fumée : les propriétaires d'ArcelorMittal Algérie ont pour ambition de porter, à partir de 2017, la capacité de l'usine à hauteur de plus du double : de 1 million à 2,2 millions de tonnes/an. Car depuis la reprise de l'usine en 2001 à ce jour, le numéro un mondial de l'acier peine à franchir le seuil des 700 000 tonnes d'acier. Mieux, le million de tonnes, réalisé par la défunte Sider, avant sa privatisation en 2001, est un challenge qu'il n'a jamais pu relever.