Malgré une production agricole suffisante, la mercuriale, qui connaît une certaine accalmie depuis quelques semaines, est menacée par d'éventuelles hausses inopinées, souvent motivées par les conditions climatiques de cette saison hivernale. Entre les assurances du ministère de l'Agriculture, les accusations des commerçants et la réalité du terrain pour les agriculteurs, le citoyen, avec son pouvoir d'achat érodé, reste le dindon de la farce. Il continue à remplir son couffin difficilement. En effet, en surchauffe depuis plusieurs mois, la mercuriale connaît enfin une baisse. Les experts expliquent cela par la fin de la période de transition entre la saison d'hiver et celle d'été. D'après El Hadj Tahar Boulenouar, président de l'Association nationale des commerçants et artisans algériens (ANCA), la baisse globale, qui a touché la plupart des produits agricoles de saison, avoisine les 30 DA/kilo. Fluctuant d'une région à une autre, les prix tournent autour de 45 et 50 DA pour la pomme de terre et entre 60 et 70 DA pour la tomate. Les prix de la viande blanche, selon M. Boulenouar, ont également connu une baisse de près de 100 DA, pour atteindre 250 et 300 DA. Ils dépassaient les 450 DA ces derniers mois. Cette baisse devrait rester stable jusqu'en mars. Toutefois, les prix pourraient regrimper d'un moment à l'autre. Notre interlocuteur l'explique par l'impossibilité de récolte en temps de pluie. Ceci influe directement sur la disponibilité des produits et de facto sur les prix. Ces derniers reviennent à la normale une fois que les intempéries se dissipent. El Hadj Boulenouar considère que le plus grand défi du secteur de l'agriculture est de stabiliser la production afin de maintenir les prix. Pour ce faire, il faut absolument combler les différents déficits constatés dans les filières agricoles. Par des données chiffrées, il cite plusieurs filières qui n'arrivent pas à l'autosuffisance. «Notre production nationale en viande, tous types confondus, tourne autour des 800 000 tonnes par an. Nos besoins sont d'environ un million de tonnes, soit un déficit de 200 000 tonnes à combler. La filière fruits et légumes accuse un déficit estimé à 5 millions de tonnes. La production nationale ne dépasse pas les 15 millions de tonnes. Tant que nous n'avons pas atteint 20 millions de tonnes, besoin annuel national, les prix resteront instables. Les spéculateurs auront toujours un vide dans lequel ils pourront jouer avec les prix», détaille-t-il. Régler ce problème repose, selon ses propos, sur deux solutions. La première est d'encourager l'investissement dans l'industrie agroalimentaire. Rassuré sur la destination de sa production, l'agriculteur est ainsi encouragé à exploiter le maximum de sa parcelle. Ceci influera, selon M. Boulenouar, sur les prix et sur les variétés dans les étalages. La deuxième solution est d'encourager avec force la culture sous serre. En plus de combler le déficit en produits agricoles en période de transition, elle diminuera l'impact sur le marché lors des intempéries. Lever l'embargo sur les importations Dans un autre volet, M. Boulenouar réitère son opinion quant à la politique de restriction des importations. Il estime que le but de cette démarche, qui est d'encourager la production nationale et réduire la facture d'importation, n'a pas été atteint. Selon lui, la facture liée à l'importation des produits alimentaires est restée la même. Elle tourne toujours autour de 8 et 9 milliards de dollars. Pire, la production nationale n'a pas évolué pour combler l'absence des produits importés. Par contre, les prix des produits dont la qualité a stagné, voire chuté, ont augmenté. «L'absence de concurrent lourd, comme celui des produits importés, a eu un résultat contraire. Les quantités n'ont pas augmenté, mais les prix si. Cette mesure a encouragé le monopole. C'est la raison pour laquelle nous demandons de lever la restriction à l'importation des produits alimentaires, mais en augmentant leurs taxes», ajoute M. Boulenouar, avant d'inviter les membres des différents patronats à lancer de vrais investissements. Pour lui, il est impératif de préserver la valeur actuelle du dinar et d'avoir des zones d'activité spécialisée. Il annonce, à la fin de son interview, que l'ANCA organisera, fin 2019, le 1er Salon des produits algériens à Paris.