Il a été tué sauvagement pour la simple raison qu'il a convolé en justes noces avec une femme originaire d'un autre village. Arborant chacun un air effacé, C. Houari, âgé de 31 ans, et son frère Kadda, 28 ans, s'avancent à la barre d'un pas nonchalant, comme des justiciables ayant hâte d'expédier une obligation administrative. Ces deux accusés, des paysans au teint basané, bâtis en athlète, ne jouissant d'aucun niveau d'instruction, comparaissaient sous le principal chef d'inculpation d'assassinat le 30 novembre dernier devant le tribunal criminel siégeant au niveau de la cour d'Oran. Selon les faits relatés à travers la lecture de l'arrêt de renvoi, dans la soirée du 12 décembre 2006, ils ont dressé un guet-apens à leur victime, A. Karim, alors âgée de 28 ans, à quelques pas de son domicile, sis au village Ayaïda, situé sur le territoire de la commune de Aïn El Bya, à quelques encablures de la ville d'Arzew, dans la contrée est d'Oran. Il s'apprêtait à stationner son véhicule lorsque ses assaillants l'ont surpris en surgissant des ténèbres. Vraisemblablement, la présence de sa mère à ses côtés ce soir-là ne figurait pas dans leur plan diabolique, mais cela ne les empêcha pas d'attaquer leur voisin à coups de couteau. Les lames acérées ont transpercé une dizaine de fois le corps de la victime et ce, devant le regard horrifié de sa mère, qui a perdu conscience à la vue du sang. Une blessure profonde contractée au niveau des poumons a été à l'origine de la mort. Cette vendetta a été décidée après que la victime eut convolé en justes noces avec une femme originaire d'un autre village. Aussi insensé que cela puisse paraître, la décision de laver l'affront avec le sang a été prise à l'issue d'un conclave ayant regroupé l'ensemble des membres de la famille des accusés, notoirement connus pour des faits de violence. « C'est moi qui l'ai tué, mon frère n'a pas participé dans cette affaire », glapit C. Houari en roulant les épaules. « Vous paraissez en être très fier ? », fait remarquer le président du tribunal quelque peu décontenancé par son attitude ostentatoire. Un rictus vacille sur les lèvres de l'accusé qui balbutie avec un air canaille des mots intelligibles avant de baisser la tête. Son frère, Kadda, le fustige d'un regard embarrassé comme pour lui expliquer qu'il vient de faire tout foirer : « Je ne l'ai pas touché », ergote-t-il avec une note de nervosité. Le président sollicite le témoignage de la mère de la victime. Assistée par l'un des ses fils, l'octogénaire se présente devant les membres du tribunal sans aucun regard pour les accusés, occupés de la contemplation de leurs bouts de souliers. « Il l'ont tué de sang froid, Monsieur le juge ! Ils se sont mis à deux pour le faire. Je ne leur pardonnerai jamais. Que Dieu les punisse », clame-t-elle à travers des phrases entrecoupées de sanglots. Le représentant du ministère public a mis en évidence l'acharnement des accusés sur leur victime en insistant sur le fait qu'ils l'ont assassiné devant sa mère. Les hurlements de douleur de leur victime et les cris de sa mère n'ont suscité aucun effet sur eux. Ils étaient déterminés et ils sont doublement coupables. L'avocat général a conclu son réquisitoire en requérant la peine capitale pour chacun d'eux. Le défenseur a plaidé le bénéfice des circonstances atténuantes en invoquant le crime d'honneur. Au terme des délibérations, C. Houari et son frère Kadda ont été condamnés chacun à une peine de 15 années de réclusion criminelle.