J'ai fait le lycée Emir Abdelkader à Alger. Albert Camus avait fréquenté le même établissement, mais à son époque, il s'appelait lycée Bugeaud. En seconde, notre prof de français nous avait emmenés visiter les ruines romaines à Tipaza. Nous étudions, à cette époque, Noces à Tipaza de Camus. Un jour, alors que je me baladais à la rue Didouche Mourad, un bouquin de Camus à la main, je croise un de mes oncles. Il me demande : « C'est quoi ce livre ? ». Je réponds : « C'est Camus ». Il me rétorque : « Mon fils, il faut faire attention à ce que tu lis ! ». Interloqué, je lui réponds : « Tu sais, c'est une première expérience, donc laisse moi faire mon expérience de Camus. » J'ai compris mon oncle quelque années plus tard : Camus n'était pas en odeur de sainteté, car il n'avait pas soutenu la guerre d'indépendance de notre pays. Certains parlent aujourd'hui de Camus l'Algérien, mais l'Algérie a été libéré par le sang de son peuple, par une guerre, pas grâce à Camus. Au contraire, dans ses Chroniques algériennes en 1958, Camus a clairement dit qu'il n'était pas pour l'indépendance de l'Algérie, même si Camus a loué sa terre natale, l'Algérie, sa lumière. Il était un humaniste qui n'avait pas choisi la justice, la justice était du côté de ceux qui voulaient libérer leur pays après 130 ans d'une des pires des colonisations. Pour moi, qui suis un enfant de 1954, cela ne passe pas. Camus l'Algérien c'est une expression que je ne partage pas du tout. Je préfère la dénomination « Camus écrivain français d'Algérie » !