Avec un patrimoine phœnicicole de plus de 18 millions de palmiers dattiers, l'Algérie tient une bonne place parmi les pays producteurs et exportateurs de dattes, mais elle pourrait indéniablement s'imposer encore plus sur ce marché lucratif qu'elle partage avec l'Arabie Saoudite, l'Egypte, le Maroc, la Tunisie, l'Irak et les Etats-Unis qui ont importé, vers les années 1900, des variétés algériennes, en particulier la Deglet Nour, et des variétés irakiennes croissant actuellement en Californie. Depuis une quinzaine d'années, l'Etat tente, à travers la mise en œuvre de multiples plans de soutien technique et financier aux agriculteurs, de dynamiser le secteur agricole dans son ensemble et de redonner vie à la phœniciculture en particulier. Dans le souci d'arriver à une autosuffisance alimentaire, de fixer les populations et de stimuler un essor économique, des milliards de dinars ont été débloqués pour encourager les producteurs de dattes, les conditionneurs, les transformateurs et les exportateurs. Ses efforts ont permis, il est vrai, de voir la production de dattes augmenter d'années en années, l'arrivée sur les étals de nouveaux produits issus de cette miraculeuse baie des oasis et le retour de centaines de personnes vers le travail de la terre, faut-il le reconnaître. En coordination avec les services agricoles, fiscaux, bancaires, du commerce et des douanes, plusieurs mesures ont été initiées et des facilitations accordées aux opérateurs et investisseurs dans le secteur phœnicicole : accès au foncier agricole, raccordement au réseau électrique, aménagement de pistes et forages de puits, crédits bancaires à long termes, crédits Rfig, accompagnement technique, «couloir vert» (accès rapide aux ports et allégement des procédures douanières) pour les exportateurs et prise en charge gratuite du traitement phytosanitaire contre les ravageurs du palmier dattier par les techniciens de l'lNPV. Un immense territoire phœnicicole en jachère Rappelons que la célèbre Deglet nour, variété de dattes recherchée et très appréciée par les consommateurs du monde entier est issue de la seule région des Ziban dans la wilaya de Biskra, où elle trouve les conditions climatiques et édaphiques idéales. Neuf communes des Ziban productrices de cette variété, devaient bénéficier d'une indication géographique localisée (IGL), mais force est de constater que le marché de la datte subit encore les archaïsmes et les lourdeurs administratives. En dépit des bonnes intentions de l'Etat, la situation de la phœniciculture nationale est préoccupante et loin de répondre à la vision que s'en font les spécialistes et les chercheurs en botanique et développement durable cantonnés dans leurs laboratoires de l'INRA, du CRSTRA, de l'ITDAS et autres. Leur constat est sans appel : l'Algérie peine à mettre en œuvre une véritable stratégie nationale afin de bonifier et faire fructifier ses atouts dans le secteur de la datte et de ses produits dérivés et ainsi s'affirmer comme leader du marché internationale dans ce créneau à forte plus-value. «L'Etat devrait garder la main dans un secteur aussi vitale que celui de la datte et mettre en place une stratégie ambitieuse pour exceller dans ce secteur, car notre pays possède un encadrement techniques de qualité, un immense territoire phœnicicole laissée en jachère, des ressources hydriques mal exploitées et des producteurs de dattes recelant d'inestimables connaissances sur les palmiers dattiers, lesquelles connaissances sont en voie de perdition», pense Nadjet Dakhia, chef de la division de recherche sur la conservation des dattes au Centre de recherche scientifique et technique sur les régions arides (CRSTRA) de Biskra. Alors que d'autres personnes militent actuellement pour la fondation d'un musée national de la datte, Mme Dakhia préconise la réalisation d'un institut technologique national de la datte qui aurait pour mission de réunir toutes les disciplines et les compétences nationales pour donner à ce fruit national l'envergure qu'il mérite et lancer une exploitation raisonnée du territoire phœnicicole national. Ne pas se focaliser sur la seule Deglet Nour Sachant que des dattes, on peut tirer un nombre incroyable de produits tels que des carburants, des huiles de tables, des jus et sirops, de la farine, du sucre, de l'alcool, du vinaigre, de la pâte, des médicaments et des cosmétiques ainsi que des aliments pour le bétail. Elle pense que c'est une aberration que les enfants algériens ne savent plus rien de la datte. Avec cet éventail de denrées extraites des dattes que l'Algérie peut produire à partir de son patrimoine phœnicicole, il est triste de constater que notre alimentation est pour sa grande part importée. «Il faut doubler, voire tripler la production nationale de dattes en encourageant les agriculteurs à diversifier les variétés au lieu de se focaliser sur la seule Deglet nour, mettre en place un réseau de PME-PMI spécialisées dans la transformation des dattes et prévoir des lignes de crédits pour les chercheurs et tous les intervenants dans ce secteur vital car pourvoyeur de postes d'emplois, de richesses et de préservation du mode de vie des gens du sud algérien», préconise-t-elle en spécialiste de la question ayant 30 ans d'expérience. Comme pour l'élevage ovin, la culture des oliviers et l'énergie solaire, l'Algérie continue de se contenter de mesures dispersées et ponctuelles en faveur de la phœniciculture. Axant sa préférence vers l'exploitation des hydrocarbures et l'importation des denrées alimentaires, alors qu'elle peut mettre en place une véritable industrie agroalimentaire appuyée sur la phœniciculture, elle est encore une fois à la traîne dans ce secteur et cela en dépit de la disponibilité de formidables potentialités ne demandant qu'à être utilisées.