Jeudi 30 octobre 2014, l'avant veille de la soixantième commémoration du 1er novembre 54, et quelques minutes après les informations sur la chaîne 1 de la radio nationale, une voix coutumière, au ton si particulier annonce : «Min el idaa el watania… Cinérama…». Monte alors en volume la musique du générique, si prenante, œuvre du chanteur Djamel Allam, très inspiré. La naissance du cinéma algérien au maquis est le thème dominant de ce premier numéro du retour de «Cinérama» au rythme bien réglé et à l'excellent montage sonore. Des milliers d'auditeurs et d'auditrices fidèles ont du pousser un ouf de soulagement En effet, durant plus de deux ans, l'émission avait cessé sans que ne soit connues les raisons de cette suspension. «Cinérama» est sans doute la plus ancienne émission de radio en Algérie, avec quelque chose comme vingt-trois ans au compteur. Née à Constantine, avec peu de moyens, elle a créé un lien fort entre les cinéphiles de l'ensemble du pays, y compris durant sa période la plus terrible où, malgré la situation sécuritaire catastrophique, Djamel-Eddine Hazourli et sa petite équipe, ont gardé le cap pour faire «entendre le cinéma» chaque vendredi, tard le soir. Après une parenthèse inexpliquée, revoilà donc «Cinérama», à la grande surprise et joie de son nombreux public qui n'a pas manqué de réagir sur Internet et par téléphone. Un public passionné par cette émission ancrée dans sa mémoire grâce à l'aisance verbale et la culture cinématographique de son créateur, animateur et réalisateur qui a connu le meilleur du cinéma mondial à Tébessa, sa ville natale, où foisonnent les ruines romaines. Enfant, il confondait ce patrimoine avec les décors des péplums, croyant que c'était une continuité naturelle. Avec ses petits camarades, ils reprenaient les scènes vues dans «Les Titans», «La Chute de l'Empire romain» ou «La Reine des Barbares», à l'aide d'épées en bois, dans les ruines du Temple de Vénus, de la basilique ou de la muraille, tout près de la salle de cinéma. Dans son émission, Djamel-Eddine Hazourli utilise la musique pour assurer la fluidité des différentes séquences. Il laisse toujours ses invités terminer leurs phrases et, s'il intervient, c'est pour souligner ou clore un propos. La richesse de son contenu et son animation agréable a permis à l'émission de gagner la ferveur de cinéphiles de plusieurs générations qui tendent l'oreille avec plaisir à cet «écran des ondes», équivalent radiophonique de ce que fut «Télé-Ciné-Club» de Ahmed Bejaoui. Portant le nom d'un procédé cinématographique connu, «Cinérama» est une émission sur un art que les Algériens aiment, depuis qu'ils l'ont découvert sur des écrans de fortune, murs ou drap fripés… Cinérama défend mordicus le septième art, ce rite menacé de disparition chez nous, mais qu'il faut, selon le grand critique Italien Franco Quadri, «défendre jusqu'au bout car il reste une des seules possibilités de nous réunir à plusieurs, en communiant». Que dire enfin ? Bonne écoute ou bonne «radiovision» !