Le ministre des Finances, Karim Djoudi, a présidé, avant-hier à Alger, une cérémonie consacrée au lancement de la mise en œuvre du guide de management des grands projets d'infrastructures économiques et sociales conçu par la Caisse nationale d'équipement pour le développement (CNED). Le département dirigé par Karim Djoudi a expliqué, dans un communiqué rendu public le même jour, que ce manuel a pour objectif notamment d'aider les maîtres d'ouvrage à mieux structurer, préparer et conduire les études de maturation et la réalisation des grands projets dont ils ont la charge. Ce guide, précise-t-on, s'inscrit dans le cadre de la politique générale du gouvernement visant à accroître l'efficience de la dépense publique. Même si le gouvernement ne le dit pas explicitement, il est toutefois facile de deviner pourquoi il a décidé de prendre une telle initiative. Les décideurs du pays laissent transparaître, du moins en apparence, une certaine volonté d'éviter de reproduire, à l'avenir, les mêmes erreurs que celles commises durant la réalisation de ce qui est maintenant appelé communément les grands chantiers du Président. Les arrière-pensées du ministère des Finances Des projets qui, d'ailleurs, tardent encore à voir le jour malgré les dizaines de milliards de dollars mobilisés pour leur construction. C'est le cas particulièrement du métro d'Alger, des projets de tramway dont devaient bénéficier les grandes villes du pays et, enfin, de la fameuse autoroute Est-Ouest que les responsables des travaux publics avaient promis de livrer en 2009. L'opinion attend aussi que le gouvernement tienne sa promesse faite en 2004 de mettre sur le marché un million de nouveaux logements avant 2010. Tout le monde l'aura compris et signalé, le principale enjeu pour l'Etat consiste à contraindre les maîtres d'ouvrage à respecter autant les coûts que les délais de réalisation des projets initiés sous sa coupe. Comme les pouvoirs publics ne reconnaissent que très rarement leurs erreurs et leurs échecs, il n'est pas interdit de supposer aussi que l'arrière-pensée à l'origine de l'élaboration de ce guide de management des grands projets d'infrastructures repose aussi sur une certaine volonté de moraliser davantage la gestion des affaires publiques. Autrement dit, cela signifie tenter de couper les vivres aux innombrables réseaux de corruption qui se nourrissent des nombreux chantiers publics lancés ces dix dernières années. Même si elle n'en est qu'à ses débuts, l'enquête ouverte par les services de sécurité sur les conditions dans lesquelles s'est déroulé l'octroi du marché de l'autoroute Est-Ouest confirme, si besoin est, l'ampleur du phénomène de la corruption en Algérie. Et ce n'est sans doute là que la face apparente de l'iceberg. De nombreuses sources assurent que d'autres affaires toutes aussi scabreuses et impliquant d'autres responsables de l'Etat vont bientôt éclater au grand jour. Au-delà du vœu pieux qui consiste à essayer de mettre l'ordre dans le secteur des travaux publics dont la gestion a été jusque-là caractérisée par une totale opacité, faut-il maintenant vraiment croire que les problèmes rencontrés dans le management et à la réalisation des grands projets vont être réglés grâce à la publication d'un simple manuel ? Inutile de dire qu'il est difficile de dénicher un expert capable de se hasarder à répondre par l'affirmative. Incongrue. C'est sans doute la seule manière qu'il y a de qualifier la trouvaille de la Caisse nationale d'équipement pour le développement. En se lançant tête baissée dans la promotion d'une telle chimère, le gouvernement tente, lui aussi, de faire accréditer l'idée que le gros des problèmes du pays tient au fait qu'il n'y a pas de managers capables de gérer correctement un projet. Ce qui est bien entendu un argument irrecevable. Mais plutôt que de susciter de la déception, cette attitude fournit surtout la preuve qu'il n'y a aucune volonté politique de lutter contre la corruption et d'imprimer à la gestion des affaires publiques davantage de transparence. L'initiative aurait été peut-être acceptée si la mesure annoncée en grande pompe par le ministère des Finances avait été accompagnée par la réactivation de tous les organismes chargés de lutte contre la corruption, la mise en place de lois claires concernant l'octroi des marchés publics et l'adoption des critères universels en matière de réalisation des projets devant bénéficier à la collectivité. Mais ce n'est présentement pas le cas. C'est la raison pour laquelle il est difficile de voir le guide de la CNED autrement que comme de la poudre aux yeux.