En moins d'une semaine, près de 200 signataires issus de différents établissements du supérieur rejoignent ainsi un nouvel élan de contestation initié par le CNESTO. La section de Tizou Ouzou réclame «une dynamique de redressement de l'Université algérienne» et s'oppose au «projet de révision du statut de l'enseignant-chercheur préparé en catimini par la tutelle», comme le précisent les rédacteurs du texte. Ces derniers se fixent quatre lignes de combat, à savoir : la protection de la dignité de l'enseignant-chercheur, la valorisation de l'expérience professionnelle par la séparation des grades de la recherche et de l'enseignement, la valorisation des diplômes de Magister et de Doctorat ès Sciences, ainsi que l'amélioration du pouvoir d'achat de l'enseignant-chercheur. Ce qui s'apparentait au départ à un mouvement de contestation local – une grève illimitée a été initié dès le 11 février -, prend, à travers ces revendications, une dimension nationale. Cette dimension est confirmée par des signataires issus d'horizons aussi divers que Naâma, Tébessa, Tiaret, Blida, Sétif, Batna, Constantine, Jijel, Ouargla, ou encore l'USTH Bab Ezzouar et l'école Polytechnique d'Alger. Le malaise dénoncé par les enseignants de Tizi Ouzou est donc ressenti par leurs collègues des autres régions. Il suffisait simplement d'un déclic pour que la larve qui bouillonnait en silence fasse irruption. Pourtant, la promulgation en 2008 du statut particulier de l'enseignant-chercheur avait donné espoir aux concernés quant à l'amélioration de leurs conditions socioprofessionnelles. L'impact médiatique fut tellement imposant que l'enseignant universitaire était perçu par le commun des citoyens comme un salarié huppé. Or, la réalité est tout autre. Sur les quelque 47 000 enseignants du supérieur, 60% touchent moins de 50 000 DA de salaire. Soumis à la précarité de la vie, aux pressions de l'administration et à celle des étudiants «engaillardis» par une double politique de gestion des flux et de laxisme complice, ces enseignants ont durant toutes les années qui ont suivi la promulgation du statut, ravalé leurs frustrations de peur de subir le désaveu de la société. Dans une Université à la dérive, et qui connaît les mêmes travers que ceux rongeant tous les autres secteurs de l'Etat – irrespect de la législation, clientélisme, violence, précarité et autres -, cette élite de la nation où chaque membre se sentait isolé et esseulé, s'est soumise. Elle s'est assujettie – par intérêt personnel ou nihilisme – soit au diktat de l'administration ou encore aux promesses de leur représentation syndicale. Mais aujourd'hui, la base du CNES commence à prendre l'initiative en prenant de court son bureau national. Cette base porte via ses sections locales les mêmes revendications que le CNES, mais avec une ferveur plus combative. Ce que le coordinateur national du syndicat assimile à des problèmes d'ordre organique avec la section de Tizi Ouzou semble en fait beaucoup plus profond. C'est la base du syndicat qui pousse vers un changement du cap, que certains démissionnaires ont qualifié de «normalisation» avec la tutelle. «On n'a pas de problèmes avec le bureau national du CNES. Il s'agit juste de certaines personnes qui bloquent les initiatives alors qu'elles gagneraient à encourager ce mouvement de contestation. Cela serait préférable pour le salut de notre profession et celui de toute l'Université», soutient l'un des enseignants-chercheurs présent au rassemblement de lundi devant le ministère de l'Enseignement supérieur.