Jamais discours n'avait suscité autant d'intérêt que celui prononcé hier par le chef de l'Etat syrien devant le Parlement de son pays. Et pour cause, le président Bachar El Assad devait au moins une réponse à tous ceux qui le sommaient de retirer du Liban l'armée de son pays ou encore s'engagent dans un jeu géostratégique à peine voilé, mais dans lequel la Syrie apparaît comme un maillon essentiel, ou encore un verrou. El Assad et ses ministres l'ont déjà dit, mais voici le temps des menaces, car cette fois il y a l'ONU et le Conseil de sécurité. Le président syrien a toutefois proposé une réaction en deux temps. Pour dire d'abord que son pays n'était pas l'obstacle à la paix, mais en soulignant que celle-ci était irréalisable sans le retour des terres syriennes occupées par Israël. « Nous avons affirmé que la paix ne pourra se réaliser dans la région si nous ne récupérons pas nos terres occupées » par Israël, a-t-il dit. « Nous avons affirmé que nous étions prêts à reprendre les négociations sans conditions, mais cela ne signifie pas que les règles et les résolutions ne devaient pas être appliquées », a poursuivi M. Assad. Rappelons qu'Israël occupe depuis 1967 le plateau syrien du Golan. Les négociations de paix syro-israéliennes sont gelées depuis janvier 2000. En ce qui concerne le Liban ensuite en déclarant que la Syrie ne rejette pas le retrait de ses troupes du Liban, comme indiqué dans la résolution 1559 de l'ONU, car elle l'a déjà entamé en quatre phases depuis 1999. « Notre retrait (du Liban) n'entame en rien la cohésion du Liban et notre départ ne veut aucunement signifier la fin de notre rôle au Liban », a souligné M. Assad qui a ajouté que le retrait des troupes syriennes se fera graduellement en collaboration avec les Libanais selon des mécanismes à déterminer. En s'adressant au Parlement, ce qu'il fait rarement, le président syrien entendait entourer d'une solennité particulière sa décision concernant le Liban, alors que son pays est sous une pression internationale qui s'est accrue depuis l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, le 14 février à Beyrouth. Vendredi, un ministre libanais a déclaré sous le couvert de l'anonymat que M. Assad devrait annoncer un redéploiement vers la Békaa (est du Liban) « qui aurait lieu avant le sommet arabe » censé s'ouvrir le 23 mars à Alger. Le vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Walid al-Mouallem, a pour sa part révélé à Moscou l'annonce prochaine d'un plan de retrait des troupes syriennes du Liban et s'est dit optimiste sur le fait que ce plan serait « bientôt approuvé par tous les membres du Conseil de sécurité de l'ONU ». M. Mouallem a déclaré à Moscou avoir informé le chef de la diplomatie russe d'un plan syrien précis pour la mise en œuvre de l'accord de Taëf décidé « en accord entre les gouvernements syrien et libanais et dans le cadre de notre respect de toutes les résolutions de la légalité internationale ». Les accords de Taëf prévoient un repli des troupes syriennes sur la plaine libanaise de la Békaa. Les craintes de l'escalade Ils sont toutefois flous quant à un retrait total des troupes syriennes du Liban, démarche qui doit être décidée, selon ces accords, par les gouvernements syrien et libanais. Et maintenant dira-t-on ? A Damas, de nombreux observateurs se demandent effectivement si l'annonce syrienne sera jugée suffisante et, dans le cas contraire, si l'escalade des pressions va se poursuivre. Depuis hier, la position américaine à l'égard de la Syrie a franchi un autre palier, allant bien au-delà de la présence militaire au Liban et de la résolution 1559 du Conseil de sécurité ordonnant son retrait. C'est une accusation en règle qu'a lancée à son endroit hier le président américain en déclarant rien de moins que la Syrie représentait un obstacle à la paix dans le Grand Moyen-Orient en raison de son soutien au terrorisme ou ce que les Etats-Unis considèrent comme tel s'agissant des mouvements palestiniens partisans de l'action armée et du Hezbollah, principale organisation de la résistance libanaise à l'occupation israélienne. « La Syrie est une puissance occupante au Liban depuis près de 30 ans et le soutien apporté par la Syrie au terrorisme reste un obstacle important à la paix dans le Grand Moyen-Orient », a affirmé M. Bush dans son allocution radio-diffusée hebdomadaire. Des propos lourds de sens, puisque rien n'exclut le recours à tous les moyens pour lever l'obstacle en question, même si l'appareil diplomatique américain et occidental, d'une manière générale, excluait jusqu'à un temps récent un recours à la force. Mais les propos ont changé avec cette montée en cadence dans l'accusation. Les données ont véritablement changé, elles ont même connu un profond bouleversement par rapport à une période récente.