Par son discours ambigu sur la coopération de son pays avec la commission d'enquête Mehlis, Bachar al Assad pousse vers un bras de fer avec les Etats-Unis. Davantage de pressions sur Damas sont attendues lors des prochains jours après la sortie de jeudi du chef de l'Etat syrien au cours de laquelle il s'en est violemment pris aux Etats-Unis, l'Europe, l'ONU et le Liban. C'est un véritable discours de confrontation qu'a prononcé Bachar al Assad alors que la marge de manœuvre de la Syrie est réduite après l'adoption de la résolution 1636 au Conseil de sécurité de l'ONU qui exige une coopération totale du régime de Damas dans l'enquête du magistrat allemand Mehlis sur l'assassinat de l'ancien chef du gouvernement libanais. Cela n'a pas manqué de raviver les pressions. Il suffit de prendre connaissance des vigoureuses réactions des responsables occidentaux, à l'instar de la France et des Etats-Unis, pour mesurer la gravité des conséquences qui pourraient découler de l'option choisie par Bachar al Assad. En effet, pour Condoleeza Rice les propos de M. Assad ne reflétaient pas une coopération de la Syrie. “On attend d'eux qu'ils répondent par l'affirmative, de façon positive, qu'ils disent oui à tout ce dont Mehlis aurait besoin pour achever son enquête”, a-t-elle insisté. Plus ferme, le président français a tout simplement menacé la Syrie de sanctions internationales. “Si M. Assad persiste à ne pas vouloir écouter ni vouloir comprendre, alors il faudra bien passer à un autre stade qui est celui des sanctions”, a affirmé Jacques Chirac. Les déclarations d'al Assad sont perçues “comme un défi à l'égard des résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU”, a estimé un porte-parole du ministère américain des Affaires étrangères, Adam Ereli. En annonçant sa décision de ne pas se plier aux pressions occidentales, le maître de Damas donne naissance à beaucoup de pessimisme de voir cette enquête sur le meurtre de Rafic Hariri bouclée sans incidents. En effet, il donne l'impression de vouloir gagner du temps en faisant référence à des possibilités de compromis sur le lieu d'interrogations des personnalités syriennes que veut auditionner Detlev Mehlis. Les analystes prédisent un durcissement des positions des Etats-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne, déterminés à faire plier le régime al Assad. D'ailleurs, Washington a sommé le pouvoir syrien de libérer “sans condition” l'opposant syrien Kamal Labouani, fondateur du Rassemblement libéral, arrêté mardi à son arrivée à l'aéroport de Damas en provenance des Etats-Unis, ainsi qu'à celle d'autres prisonniers politiques. “Nous aimerions voir la fin des détentions arbitraires de militants des droits de l'Homme et pour la démocratie, y compris Kamal Labouani et tous les prisonniers de conscience arrêtés pendant le Printemps de Damas”, a déclaré hier Condoleeza Rice à l'ouverture du second forum de l'avenir à Bahreïn. C'est la troisième fois en cinq jours que Washington vole au secours de M. Labouani, fondateur du Rassemblement libéral syrien, arrêté mardi à son arrivée à l'aéroport de Damas en provenance des Etats-Unis où il avait été reçu à la Maison-Blanche. Le porte-parole de la Maison-Blanche, Scott McClellan, a déclaré que le gouvernement syrien devait “cesser le harcèlement des Syriens qui cherchent de façon pacifique à promouvoir des réformes démocratiques dans leur pays”. Il ne fait aucun doute que la Syrie est appelée à vivre des moments difficiles, si jamais elle persiste à refuser de coopérer avec la commission d'enquête des Nations unies. K. ABDELKAMEL