Maintenant que la Présidence de la République et le tout-puissant DRS se regardent en chiens de faïence, la vie politique en 2010, comme en 2009, ne tournera plus qu'autour du président : congrès du FLN, révision de la Constitution, etc. D'où, à nouveau, retards, blocages et absence d'alternative politique. FLN : Un congrès anti-Belkhadem ? Le 19 mars s'ouvrira à Alger le 9e congrès du PFLN. Un rendez-vous organique qui marquera le vieux parti avec le retour aux anciennes appellations des structures (bureau politique, comité central, etc.), l'économie des instances dirigeantes et un possible changement d'un secrétaire général, Abdelaziz Belkhadem, attaqué – en public ou en coulisses – de toutes parts par les ténors du parti. D'abord, c'est Abderrezak Bouhara qui le charge dans son document lors du dernier conseil national : « Clivages claniques, sectarisme, culture de l'allégeance, phénomène d'inhibition » au sein du parti ! Plus discrets, d'autres cadres reprochent à Belkhadem l'éloignement du FLN des centres de décision au profit d'un RND discipliné par la machine Ouyahia. Sur les starting-blocks pour remplacer Belkhadem : des rumeurs avancent le nom de l'actuel ambassadeur d'Algérie au Caire, Abdelkader Hadjar. Algérie-France : Querelle en sourdine Du débat sur l'identité nationale à l'inscription de l'Algérie sur la liste des pays à risque par Paris : rien n'est fait pour détendre les relations entre les deux pays. Déjà avec les affaires des moines de Tibhirine et celle du diplomate Hasseni du côté français, et les dispositions économiques protectionnistes du côté algérien ainsi que les réserves d'Alger sur l'UPM, le climat semble de moins en moins serein. D'autant que la réticence de l'Algérie au projet d'Union pour la Méditerranée n'arrange rien. L'ajournement de la visite du président Bouteflika à Paris – qui pourrait avoir lieu en juin 2010 – surplombe le tout. Or, des dossiers restent en suspens, dont le plus emblématique concerne la volonté française d'amender l'accord de 1968 sur la circulation des personnes entre l'Algérie et la France. Paris tente depuis des années de rattacher les ressortissants algériens au droit interne alors qu'Alger tient au système dérogatoire. Un silencieux bras de fer s'est engagé sur la question. Et chacun, des deux côtés de la Méditerranée, mobilise les pressions… et les symboles. MSP : Les frères ennemis Combat entre idéologues et politologues ou course au pouvoir ? La dissidence au sein du MSP entre les fidèles de Bouguerra Soltani et Abdelmadjid Menasra marquera l'année 2010 : les militants de la dissidence, confortés par leurs résultats lors des sénatoriales du 29 décembre 2009 (50% des voix des élus face au bloc Soltani rien qu'à Alger), comptent montrer leur véritable poids au niveau des instances et des élus MSP. L'enjeu : se placer sur l'échiquier électoral dans la perspective des législatives et des locales de 2012. Mort de l'Alliance présidentielle ? Quel avenir pour l'Alliance présidentielle ? Avec un RND en puissance, un FLN « inhibé » par la mainmise de son président d'honneur, Abdelaziz Bouteflika, et un MSP qui accuse ses deux coéquipiers de « corruption » lors des sénatoriales, l'Alliance semble en mauvais état. Le vieux parti est agacé par le pacte RND-PT lors des sénatoriales, Belkhadem allant même à qualifier le RND de parti « né avec des cheveux blancs ». Le 9 février 2010, le FLN étudiera le rapport d'une commission interne sur le bilan de l'Alliance. Le danger Sahel Découverte sur les terres de la commune isolée de Tarkint, à 150 km au nord de Gao, au Mali, de la carcasse brûlée d'un Boeing 727, vraisemblablement arrivé d'Amérique latine, et qui aurait pu transporter plusieurs tonnes de cocaïne et sans doute des armes, assassinat en mai de l'otage britannique Edwyn Dyer, enlèvement d'un ressortissant français, Pierre Camatte, dans un petit hôtel de Menaka, à 1500 km au nord-est de Bamako, kidnapping, quatre jours plus tard, côté Mauritanie, de trois membres espagnols de l'ONG Barcelona Accio Solidaria : 2009 a été marquée par l'activisme des groupes armés dans la bande sahélienne. Dans cette région que le groupe de Droukdel désigne comme sa « 9e région », les Etats limitrophes tentent de s'entendre pour faire face aux groupes se réclamant d'Al Qaîda du Maghreb. Les deux figures de cet « émirat » du Sahara seraient Mokhtar Belmokhtar connu pour ses accointances avec la contrebande sahélienne et son « rival » Abid Hammadou, alias Abdelhamid Abou Zeid (remplaçant Yahia Djouadi, alias Yahia Abou Amar, éliminé en 2006) plus affilié à l'ex-GSPC de Droukdel. Les deux pratiquent activement le kidnapping, devenu source quasi principale de leurs revenus. Leurs zones d'activité couvrent le Sud algérien et le nord du Mali et du Niger ainsi que des enclaves en Mauritanie. Une région présentée par plusieurs analystes comme un des importants fronts potentiels de la « global war », doublée d'une zone de fusion de plusieurs trafics et réseaux criminels. « Une des prochaines sources de préoccupation est la bande du Sahel, indique l'ONUDC, l'agence onusienne chargée de la lutte contre la criminalité. » Agenda chargé Après la fièvre des sénatoriales fin 2009, les partis entament 2010 avec un agenda chargé. Le RCD de Saïd Sadi, pour sa part, compte investir lourdement dans la commémoration du 30e anniversaire du Printemps berbère le 20 avril. Le FFS, lui, s'attellera, fin mars, à examiner ses stratégies face aux défis nationaux et mondiaux lors de la conférence nationale d'évaluation du parti, qui sera suivie deux mois après par la convention nationale thématique sur des sujets socio-économiques. Une année qui verra aussi surgir le potentiel successeur à Karim Tabbou dont le mandat expire en 2011. Pour AHD54 du candidat malheureux à la présidentielle Fawzi Rebaïne, l'année s'annonce décisive. Le parti organise, fin janvier, un congrès extraordinaire exclusivement consacré à faire face à la dissidence menée par Aliane Bachir et qui mine AHD54. 2010 marquera aussi le retour sur la scène de Abdallah Djaballah : fin janvier une commission créée par ses soins établira le programme et le dossier d'agrément d'un nouveau parti. Grosse année pour le ministre de l'Intérieur Nourredine Yazid Zerhouni que l'on annonce pourtant fatigué par son poste. Parmi ses chantiers qui devront se concrétiser cette année : les nouveaux codes communal et de wilaya, la loi électorale, la loi sur les partis, le nouveau découpage administratif, le lancement du passeport biométrique fin avril et la poursuite de la numérisation du fichier de l'état civil qui devra s'achever en 2013. Pour son subordonné, le patron de la police, Ali Tounsi, 2010 est l'année de la couverture sécuritaire 100%. De 1 policier pour 400 Algériens, Tounsi veut atteindre un quota de 1 policier pour 300 citoyens. Ce qui nécessitera le recrutement de 40 000 policiers. 2010 sera aussi une année de test pour Farouk Ksentini, président de la CNCPDDH (officielle). C'est effectivement début mars que le Comité international de coordination des institutions nationales des droits de l'homme dépendant de l'ONU devra statuer sur la réaccréditation de la CNCPPDH. En mars dernier, l'accréditation a été suspendue pour cause de « manque d'autonomie » de la commission Ksentitni. Cette dernière a bénéficié fin 2009 d'une nouvelle loi organique qui devrait l'adapter aux normes internationales. Révision de la Constitution : acte 2 Une révision plus profonde de la Constitution, déjà amendée en novembre 2008, aura lieu cette année. L'amendement partiel de 2008 avait pour seul objectif de supprimer la limitation des mandats présidentiels à deux. La prochaine révision touchera l'ensemble de la Loi fondamentale de 1996 qu'Abdelaziz Bouteflika a toujours critiquée. Fin décembre 2009, le FLN, qui a mené campagne pour la révision de la Constitution qui devait assurer à Bouteflika le maintien au pouvoir, a appelé à une révision « approfondie et qualitative » . Bouteflika, qui n'a plus de « grands » projets politiques à défendre, pourrait bien être amené à revoir de fond en comble la Constitution pour consacrer le pouvoir présidentiel qu'il veut avoir depuis 1999 et se doter, comme les autres présidents, de sa propre Constitution. Celle-ci devra clarifier le rôle des différentes institutions, préciser le rapport avec le Parlement, la répartition des pouvoirs, la place de la justice, le contrôle de l'action gouvernementale mais également donner plus de place aux femmes dans les institutions politiques. Khalifa : Bombe ou pétard mouillé ? Après plusieurs reports, la justice britannique devra statuer le 29 janvier sur l'extradition de Abdelmoumen Khalifa vers l'Algérie où une série de procès l'attendent. Condamné par contumace en mars 2007 à la réclusion à perpétuité pour faillite frauduleuse, association de malfaiteurs, vol qualifié, détournement de fonds, faux et usage de faux, il devrait être rejugé à Alger. Mais des observateurs doutent de l'effet « déballage » de ses procès. Lors de son procès en 2007, des personnalités avaient été épargnées par l'instruction avant même le jugement. Diplomatie : Tensions annoncées au sommet arabe Dissension palestinienne, guérilla au Yémen, risque de scission au Soudan entre nord et sud : des questions brûlantes jalonneront le prochain sommet arabe en Libye du 27 au 28 mars. Mais certaines sources avancent la possibilité de remettre sur la table le projet d'un secrétariat général tournant et de décentraliser les instances de la Ligue arabe vers d'autres pays que l'Egypte. Ce sommet coïncidera de peu avec la visite du président soudanais Omar Al Bachir à Alger sur invitation du président Bouteflika. Alger a aussi un grand rendez-vous continental du 25 janvier au 2 février avec le 14e sommet de l'Union africaine à Addis Abeba en Ethiopie. 2010 sera également l'année où l'Union pour la Méditerranée devra chercher son second souffle après l'agression de Ghaza qui a bloqué le processus. Un secrétaire général de l'UPM issu d'un pays arabe - probablement de Jordanie - devra être prochainement nommé, en tout cas avant le second sommet de l'UPM prévu à Barcelone, en Espagne, en juin. Le futur secrétaire général sera basé à Barcelone avec des adjoints palestinien, israélien, turc et de la Ligue arabe. Par ailleurs, signalons la visite à Alger fin 2010 de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton presque une année après les visites du sous-secrétaire d'Etat Jeffrey Feltman et la chargée d'Afrique au département de la Défense US, Vicki Huddeston. Sahara occidental : Le statu quo Malgré l'optimisme prudent du nouveau représentant spécial de l'ONU pour le Sahara occidental quant à une reprise des négociations entre le Maroc et le Polisario, les observateurs considèrent encore loin la solution au conflit. Surtout que du côté marocain, avec la gestion de l'affaire Aminatou Haïdar, le projet de régionalisation de Mohammed VI, et la volonté du juge espagnol Baltasar Garzon d'enquête sur un « génocide » au Sahara occidental entre 1976 et 1987, la tendance est à davantage de crispation. Même une possible reprise des négociations de Manhasset n'exprimera, pour les deux parties, qu'une volonté de négocier. Pas plus.