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Si Al Azhar ne m'était pas conté
Publié dans El Watan le 09 - 01 - 2010

« Le bien est ce qui est bien au regard de l'intellect, de la loi et du peuple. Au-delà, il n'y a rien ». C'est là, en résumé, ce qu'Aristote aurait dit au souverain abbasside, Al Mamoun, lors d'un songe que celui-ci avait fait. L'anecdote est rapportée par Ibn Anaddim (Xe siècle), dans sa fameuse compilation Al-Fihrist (catalogue). C'était le temps où les gouvernants éclairés, dans le monde arabo-musulman, avaient vraiment pignon sur rue, c'est-à-dire sur les préoccupations immédiates et futures de leurs sociétés. Que de chemins parcourus depuis, mais à la renverse, hélas, trois fois hélas ! Al Azhar, pour ne citer que cette institution qui a, aujourd'hui, plus de mille ans d'existence, ne fait que ressasser les vieilles litanies, se plaisant ainsi, contre vents et marrées, à s'ériger en clergé tout en sachant pertinemment qu'il n'y a pas de clergé en Islam. Et voilà encore que celui qui préside aux destinées de l'Egypte, loin d'approfondir ses classiques, c'est-à-dire, l'œuvre d'Al Mamoun et de ses semblables, ordonne à Al Azhar de le suivre au pas, et celui-ci de se précipiter pour cautionner des thèses politiques aussi saugrenues que stupides. Ainsi donc, une muraille est en voie de construction pour barrer la route aux Palestiniens, comme si ces derniers étaient de la trempe de Gog et Magog.
Après avoir été royaliste du temps des Khédives, socialiste du temps de Nasser, puis, partisan d'un pseudo-libéralisme sous le régime de Sadate, le voilà, aujourd'hui, déboussolé, n'agissant que sur ordre et orientation d'un système politique en retard de plusieurs révolutions : le mur entre nous et la Palestine est « hallal » à cent pour cent ! Bouffis d'orgueil, puisqu'ils se croient détenteurs de la vérité religieuse, les hommes d'Al Azhar ne fréquentent le palais de Son Excellence que pour s'éloigner, plus que jamais de tout ce qui est rationnel. Ne les a-t-on pas vus cautionner l'ingérence militaire au Yémen, en 1962, l'interventionnisme égyptien en Irak, du temps des deux frères, Abdessalem et Abderrahmane Aref, en 1963 et en 1966, la pseudo unité entre l'Egypte et la Syrie entre 1958 et 1961 sans compter les tentatives de s'ingérer dans les affaires de la révolution algérienne ? Al Azhar ne semble pas faire le distinguo entre « jetez-les à la mer » (entendez les sionistes), et « donnez-leur l'accolade au Caire ! ». Quelle différence peut-il y avoir entre la muraille de la honte, en voie de construction aux dépens des Palestiniens et l'encerclement des derniers indiens, en 1890, qui furent décimés par l'armée américaine à Wounded Knee ? C'est à croire, aujourd'hui, qu'il existerait une similitude complète entre le comportement foncièrement négatif d'Al Azhar vis-à-vis de la Palestine et des Palestiniens et celui du maître du Vatican qui s'était montré prompt à obtempérer aux ordres du nazisme durant la Deuxième Guerre mondiale. Contrairement à la prédiction du grand poète grec, Constantin Cavafy (1863-1933), les barbares ont fini par arriver dans un pays comme l'Egypte, et ils ont trouvé des clercs pour légiférer dans le mauvais sens ! En somme, Al Azhar est une institution à revoir, à corriger pour le bien de l'Egypte et de ses voisins directs, car la bousculade sociopolitique, qui pourrait avoir lieu dans la vallée du Nil à n'importe quel moment, ne permettra sûrement pas aux aiguilles de l'horloge d'aller à rebours. N'a t-on pas vu dernièrement comment un coup de pied dans un ballon a permis, pour la première fois dans l'histoire, de changer la configuration politique du monde arabe ?

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