Cet accord a été signé le 1er mars dernier par le gouvernement malien à Alger. Dans un communiqué publié dans la nuit d'hier, la Coordination des mouvements de l'Azawad (CMA) dit avoir reçu une lettre officielle de la médiation l'informant de «l'organisation du paraphe, le 15 avril 2015 à Alger, de l'accord pour la paix et la réconciliation au Mali». Mais dans son communiqué, publié quelques heures après une déclaration unanime du Conseil de sécurité de l'ONU, vendredi, «exhortant les groupes armés de la Coordination à parapher le projet d'accord», la rébellion refuse de parapher ce document «dans son état actuel et à la date indiquée». La CMA, «tout en réaffirmant sa disponibilité à donner toutes les chances à l'aboutissement d'un paraphe, réitère, encore une fois, son attachement à la prise en compte des amendements qu'elle a remis à la mission internationale, le 17 mars 2015 à Kidal», dans le nord-est du pays. Lors de cette rencontre avec une délégation de diplomates internationaux et africains dans son bastion de Kidal, la rébellion a présenté une série de «points essentiels à introduire» dans l'accord, une exigence rejetée par la médiation comme par Bamako. Parmi les principales revendications figurent la «reconnaissance officielle de l'Azawad comme entité géographique, politique et juridique», en référence à l'appellation du nord du Mali par les rebelles, la création d'une assemblée interrégionale couvrant cette zone et un quota de 80% de ressortissants de l'Azawad dans les forces de sécurité». Visions inconciliables En résumé, l'accord du 1er mars appelle à «reconstruire l'unité nationale du pays sur des bases novatrices, qui respectent son intégrité territoriale, tiennent compte de sa diversité ethnique et culturelle». Sur le partage des pouvoirs, comme le souhaite Bamako, l'accord ne parle ni d'autonomie ni de fédéralisme et insiste sur l'unité, l'intégrité territoriale du Mali, ainsi que sur le caractère républicain et laïc de l'Etat. Le texte fait état néanmoins de l'appellation «Azawad» pour désigner le nord du Mali. Une revendication des rebelles reconnue comme une «réalité humaine» sans contenu politique clair. Il prévoit la création d'assemblées régionales dotées de pouvoirs importants, élues au suffrage universel direct dans un délai de 18 mois, dirigées par un président élu lui aussi, dont l'Etat ne contrôlera les actes qu'a posteriori et non a priori comme l'aurait voulu le pouvoir central. Côté sécurité, une armée restructurée, intégrant notamment des combattants des mouvements du Nord, «y compris dans le commandement», doit se redéployer progressivement dans cette partie du pays, avec des patrouilles mixtes au plus tard deux mois après la signature de l'accord. Les collectivités territoriales seront dotées d'une police. Sur le volet partage des richesses et développement, l'accord évoque la création d'une zone de développement du Nord, dotée d'une stratégie visant à le «hisser au même niveau que le reste du pays en termes d'indicateurs de développement» dans un délai de 10 à 15 ans. Cette stratégie serait financée notamment par la communauté internationale, appelée à contribuer «promptement et généreusement» à une conférence d'appel de fonds. Le gouvernement devra mettre en place à partir de 2018 un «mécanisme de transfert de 30% des recettes budgétaires de l'Etat aux collectivités territoriales (…) avec une attention particulière pour les régions du Nord». Comme il devra rétrocéder aux collectivités un pourcentage des revenus tirés de l'exploitation des ressources naturelles de leur sol, à déterminer d'un commun accord. Pour la réconciliation, une conférence nationale devra lancer «un débat approfondi entre les composantes de la nation malienne sur les causes profondes du conflit» afin d'aboutir à une «charte pour la paix, l'unité et la réconciliation nationale». Le texte évoque aussi une commission d'enquête internationale sur tous les crimes de guerre, contre l'humanité, génocides et autres violations graves des droits de l'homme pendant le conflit. L'application de l'accord sera confiée à un comité de suivi chargé d'arbitrer d'éventuels litiges, présidé par l'Algérie assistée du Burkina Faso, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad (vice-présidents) et comprenant les signataires : l'ONU, l'Union africaine, l'Union européenne et l'Organisation de la coopération islamique. Le nord du Mali était tombé au printemps 2012 sous la coupe de groupes djihadistes liés à Al Qaîda. Ils ont été en grande partie chassés lors de l'opération militaire «Serval», lancée par la France en janvier 2013, à laquelle a succédé en août 2014 l'opération «Barkhane», dont le rayon d'action s'étend à l'ensemble de la zone sahélo-saharienne.