En pleines manœuvres pour un 4e mandat, le chef de l'Etat est victime d'un AVC, en 2013, qui le contraint à une longue période de convalescence en France. Le président Bouteflika recevait le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, ainsi que le vice-ministre de la Défense et chef de l'état-major de l'ANP, le général-major Ahmed Gaïd Salah. Et c'est durant ces visites, que ce dernier va faire basculer la situation. «Nous sommes tous les deux des moudjahidine. Je serais toujours là pour toi», lui aurait déclaré le vice-ministre, selon des sources bien informées. Par son soutien, Gaïd Salah va provoquer une fracture au sein de l'armée. Dès son retour de France, en juillet 2013, les changements commencent. D'abord le limogeage du colonel Fawzi de son poste de responsable du Centre de communication et de diffusion, dépendant du DRS. Au-delà des accusations présumées de détournement de la manne publicitaire, les plus avertis affirment que le Colonel a perdu son poste parce qu'il est soupçonné d'être impliqué dans la campagne menée contre le clan présidentiel. Pour ce dernier, la peur doit changer de camp. Ainsi, la machine se met en marche. Amar Saadani entre par effraction et confisque la direction du FLN, alors que Gaïd Salah s'offre les plus larges prérogatives pour devenir l'homme fort de l'ANP. Il reprend l'autorité sur la Direction centrale de la sécurité de l'armée (DCSA), qui relevait depuis deux décennies du DRS, mais aussi le centre de communication et de diffusion et dissout le service central de la police judiciaire. Une guerre de tranchées se déclenche. Gaïd Salah utilise ses prérogatives pour affaiblir le patron du Département du renseignement et de la sécurité, opposé au 4e mandat. Les généraux-majors Bachir Tartag, dit Athmane, patron de la direction de la sécurité intérieure (DSI), et Rachid Lallali, dit Attafi, patron de la Direction de la sécurité extérieure (DDSE), sont relevés de leurs fonctions, pour être remplacés par le général Abdelhamid Bendaoud, dit Ali, qui était attaché militaire pendant plus d'une décennie en France, et le général Mohamed Bouzit, dit Yacef, un enfant de la DSI. M'henna Djebbar est récupéré au bureau d'organisation du DRS, alors que Tartag est sans poste. La mesure irrite ce dernier. Il est vite récupéré par Gaïd Salah, qui en fait son conseiller, pendant un temps. Il se rapproche de Saïd Bouteflika, par l'entremise d'un homme d'affaires, avec lequel son fils est associé. Début 2014, le clan présidentiel ferme le jeu. Tout est ficelé, dans le but de permettre à Bouteflika de succéder à lui-même. En janvier 2014, Gaïd Salah, en tant que vice-ministre de la Défense, convoque une réunion extraordinaire du Haut Conseil de la fonction militaire (HCFM), qu'il préside. A l'ordre du jour, l'examen des mises à la retraite. Créé par ordonnance présidentielle en 2006, ce conseil regroupe le secrétaire général du ministère de la Défense, les chefs des forces aériennes, marines, terrestres, de la défense du territoire, de la Gendarmerie nationale, de la Garde républicaine, des six commandants des Régions militaires et du premier responsable du DRS, en l'occurrence le général Toufik. Durant cette réunion, quatre officiers supérieurs du DRS ont été mis à la retraite. Une autre liste de 17 officiers du DRS passe par ce conseil. Parmi eux, le général Tartag, mis aussi à la retraite. Amar Saadani attaque frontalement le patron du DRS, le général Toufik. Gaïd Salah ne réagit pas. Le vice-ministre revient à la charge dès la validation du 4e mandat. 74 militaires, dont des généraux-majors, des généraux, des colonels, des commandants et des sous-officiers, dont plusieurs issus du DRS, ont été également mis à la retraite. L'argument avancé : l'âge. Or la moyenne d'âge des chefs des Régions militaires et des forces armées dépasse largement les 65 ans. L'opération de purge va affaiblir davantage le Service du renseignement et de la sécurité. Sur le terrain, les conséquences vont vite apparaître. Les événements de Ghardaïa, la contestation des policiers et celle d'In Salah n'ont pu être évités. Une année après, le Président est toujours absent de la scène politique. Les affaires de l'Etat sont entre les mains d'une oligarchie qui l'a aidé à se maintenir au pouvoir, et qui a tout fait pour mener le pays à une situation de statu quo. Même affaibli, le DRS reste l'institution qui fait le plus «peur», parce qu'il détient toute la vérité sur les bénéficiaires des opérations de rapine et de bradage, dont le pays est victime…