Acte VIII des «gilets jaunes». Même si elle a beaucoup faibli, la mobilisation n'a pas pour autant disparu des villes de France, notamment à Paris et au niveau de plusieurs ronds-points stratégiques en province. Dans la capitale française, plusieurs groupes de manifestants ont investi l'Hôtel de Ville, d'où ils ont entamé une marche autorisée par la préfecture de police en direction de l'Assemblée nationale. Sur place, un des leaders des «gilets jaunes» a prononcé une allocution dans laquelle il a répondu aux accusations d'Emmanuel Macron prononcées à l'encontre de «quelques irréductibles casseurs», selon le président français lors de son discours de fin d'année. Un autre rassemblement a été également organisé sur les Champs-Elysées complètement quadrillés par les forces de l'ordre. D'autres rassemblements et marches ont aussi eu lieu dans les villes de province. A Marseille notamment, où Bernard Tapie a mis les rotatives de son quotidien La Provence à la disposition des «gilets jaunes» pour imprimer des tracts ou des journaux d'information. L'ancien ministre de la Ville de François Mitterrand a déclaré soutenir les manifestants, une «véritable opposition populaire» à l'establishment parisien et bourgeois, selon lui. A Calais, Toulouse, Montpellier, Montluçon et dans de nombreuses petites villes françaises, les «gilets jaunes» ont battu le pavé, obligeant parfois les forces de l'ordre à user de gaz lacrymogène, comme à Montpellier, pour disperser les manifestants. Plutôt que de rendre publics les lieux de leur ralliement à Paris, les «gilets jaunes» semblent avoir choisi une autre stratégie, celle-ci consiste à s'éparpiller dans de nombreuses rues parisiennes en vue de dérouter les forces de l'ordre. Après le quartier Montmartre la semaine dernière, les manifestants ont investi hier le boulevard Haussmann, très fréquenté par les touristes à cause de ses magasins de luxe. Ils scandaient : «Parisiens avec nous». Le même scénario s'est répété à la place de l'Opéra, à la place Madeleine et même au niveau du Quartier latin. Macron affaibli Le discours de M. Macron n'a pas apaisé les «gilets jaunes». Le mouvement La France en colère, activant sur les réseaux sociaux, a envoyé jeudi dernier une lettre ouverte au président français lui demandant de répondre favorablement à leurs demandes. Cette lettre publiée sur Facebook, ils ont averti que «la colère des Français pourrait se transformer en haine» si le gouvernement continue à faire la sourde oreille. Ce mouvement a également dénoncé la brutalité et la férocité avec lesquelles les forces de l'ordre ont réprimé les manifestants. «La colère va se transformer en haine si vous continuez, de votre piédestal, vous et vos semblables, à considérer le petit peuple comme des gueux, des sans-dents et des gens qui ne sont rien», ont-ils écrit dans cette lettre qui a eu un grand écho auprès des Français. Ils ont ajouté : «Vos actes et vos paroles vous ont clairement discrédité et sont hautement condamnables au regard des droits de l'homme.» Et de demander au passage : «Justice pour nos blessés et nos morts. Nous demandons justice à nos revendications et la mise en place de médias vraiment indépendants qui reconnaissent notre souffrance et notre droit face aux outils répressifs et médiatiques que vous avez mis en place.» Une longue lettre au vitriol à l'endroit du président français, qui tente de reprendre la main après plusieurs semaines de déstabilisation politique dont il a fait l'objet. Mais les ennuis ne semblent pas finir pour M. Macron qui enregistre des démissions en cascade ces derniers jours. A commencer par son chargé de communication à la Présidence qui a décidé de claquer la porte pour des «raisons personnelles». Affaibli politiquement, accusé de ne défendre que les riches et d'être éloigné de la réalité du peuple, Emmanuel Macron espère reprendre du terrain avec le débat national qu'il compte lancer bientôt pour soulager la colère des gens. Mais les «gilets jaunes» ne veulent pas de ce débat, ils proposent un référendum d'initiative populaire pour statuer sur certaines questions économiques et politiques. Alors que le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, veut reprendre les places publiques et vider les ronds-points de France des «gilets jaunes», ces derniers restent déterminés à poursuivre leur mobilisation malgré un léger essoufflement. Ils peuvent compter sur les 55% de Français qui soutiennent leur mouvement.