Les députés français ont entamé hier l'examen des mesures décidées dans l'urgence par le gouvernement, dans des circonstances parfois chaotiques, en vue d'apaiser la fronde des «gilets jaunes», la pire crise essuyée par le président Emmanuel Macron. Devant une centaine de députés, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a défendu «des réponses rapides, fortes et concrètes» au mouvement en cours depuis plus d'un mois, «condition d'un apaisement» même si «cela ne suffira pas». Présentée mercredi en Conseil des ministres, la «loi gilets jaunes» est soumise à l'Assemblée nationale en procédure accélérée, une initiative qui trahit le souci du gouvernement d'éviter que la colère populaire, qui s'exprime au grand jour depuis le 17 novembre, ne se prolonge jusqu'aux fêtes de fin d'année, voire au-delà. Le cinquième samedi de manifestations a été marqué, le 15 décembre, par un net affaiblissement de la mobilisation et par l'absence de scènes de guérilla urbaine, notamment à Paris, dont les images avaient fait le tour du monde. Les occupations de ronds-points à travers la France ont été par ailleurs largement levées par les forces de l'ordre. Mais des «gilets jaunes» se refusent à interrompre leur mouvement, malgré les concessions répétées de l'Exécutif visant à accroître le pouvoir d'achat, en particulier en allégeant la pression fiscale, première exigence des mécontents. Certains ont ainsi appelé à un nouveau samedi de manifestations, notamment à Paris et devant les grilles du château de Versailles, dans la banlieue de la capitale, ancienne résidence des rois où «le peuple» avait déjà marché au début de la Révolution de 1789. Le château, un haut lieu touristique, a annoncé jeudi sa fermeture préventive samedi. Les «mesures d'urgence économiques et sociales» dont les députés se saisissent visent notamment à augmenter de 100 euros par mois les aides sociales attribuées aux personnes touchant le salaire minimum, ainsi que la défiscalisation des heures supplémentaires et l'exonération d'une hausse d'impôts pour les retraités modestes. Préparé dans l'urgence, le projet de loi fait l'objet d'un montage technique complexe qui a donné lieu à plusieurs revirements de l'Exécutif, semant le doute chez certains «gilets jaunes». Le mouvement de contestation a entraîné une érosion de la cote de popularité, déjà basse, d'Emmanuel Macron, qui n'a désormais qu'environ un quart d'opinions favorables. Il met par ailleurs en péril la poursuite du vaste programme de réformes du chef de l'Etat, qui s'est fixé pour objectif de «transformer» la France. Après le code du travail et le rail, le Président a ainsi l'intention de s'attaquer, l'an prochain, à la refonte très sensible de l'assurance chômage et des retraites. Adoption express Le vote par les députés de la «loi gilets jaunes» pourrait être acquis d'ici la fin de la semaine, permettant au Sénat de se saisir du projet dès vendredi, en vue d'une adoption définitive avant les vacances parlementaires. Emmanuel Macron et Edouard Philippe espèrent ainsi entamer 2019 sur de nouvelles bases, comptant par ailleurs sur le «grand débat national», une vaste consultation sur les sujets évoqués par les «gilets», en particulier l'éventuelle mise en place d'un «référendum d›initiation citoyenne», un peu à l'image des votations populaires suisses. Voter cette loi «avant la fin de la semaine, ce n'est pas encore sûr, mais on fait tout pour, avec un travail assez consensuel avec les autres groupes politiques», a souligné le député Matthieu Orphelin, du parti présidentiel. Au Sénat, la Chambre haute où l'opposition de droite est majoritaire, son président Gérard Larcher a souhaité «un vote conforme», ce qui permettrait l'adoption expresse de ce texte. Des «gilets jaunes» promettent de leur côté de poursuivre les blocages ou les filtrages sur les routes et ronds-points, en dépit de leur démantèlement en cours par les forces de l'ordre. Une nouvelle mort, la neuvième en marge du mouvement, est survenue jeudi au cours d'un rassemblement de «gilets jaunes» dans le Sud-Ouest. «Il faut que cela s'arrête», a réagi le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner. Afin d'éteindre un autre feu qui commençait à se propager, le gouvernement a par ailleurs accordé, dans la nuit de mercredi à jeudi, une revalorisation salariale pour la police, qui commençait elle aussi à donner de la voix.