La rencontre littéraire Etonnants voyageurs devait s'ouvrir à Port-au-Prince le 14 janvier. Suite au terrrible séisme du mardi 12 janvier 2010, la tragédie des Haïtiens a entraîné une paralysie de toutes les activités et, fatalement, l'annulation de toute manifestation culturelle. Ainsi, le festival Etonnants Voyageurs, qui se déroule chaque année dans un pays avec pour but de promouvoir une littérature nationale liée à la francophonie, avait été programmé à Port-au-Prince du 14 au 17 janvier 2010. Sa tenue, pour la deuxième fois, en Haïti, avait été perçue comme un symbole de reprise de la vie culturelle dans ce pays qui compte des écrivains talentueux, aujourd'hui connus dans le monde entier. La plupart d'entre eux vivent à l'étranger, du fait des exactions dont ils ont été victimes depuis longtemps, et ils avaient été invités à rejoindre leur pays pour participer à l'évènement. La nouvelle du séisme a alerté les milieux littéraires internationaux au fait de ce rassemblement. On a appris ainsi le décès de l'écrivain haïtien-canadien Georges Anglade et de son épouse. Le grand romancier Dany Lafferière, prix Médicis 2009, venu à Alger en 2008 (voir interview Arts & Lettres du 13 nov.), était à Port-au-Prince, une semaine avant le festival, pour un documentaire qui lui est consacré. Il est sain et sauf, selon les organisateurs ainsi que l'écrivain Lyonel Trouillot, lauréat du prix Wepler 2009. Le romancier Louis-Philippe Dalembert a pu transmettre un e-mail avant la coupure des connexions et décrire l'état désastreux de la capitale de l'archipel et de sa population, livrée à elle-même. De même, le jeune poète James Noël a pu alerter son réseau sur Facebook et donner des nouvelles rassurantes quant à son sort. Sain et sauf également, Rodney Saint-Eloi qui a pu contacter les organisateurs. En revanche, aucune information n'a pu être obtenue sur plusieurs autres auteurs haïtiens, comme le grand poète Franketienne, les romanciers Jean-Claude Fignolé, Yannick Laurens, Gary Victor, Jean-Euphèle Milcé, Emmelie Prophète, Thomas Spear et d'autres encore. Dans la tragédie nationale de ce séisme qui vient s'ajouter à une situation sociopolitique déjà désastreuse, la concentration de tous ces écrivains risque d'être également catastophique pour la littérature haïtienne qui portait dans le monde la voix d'un peuple, depuis longtemps meurtri et déboussolé. Les autres écrivains qui devaient les rejoindre ont été informés du séisme à leur embarquement et ont dû rebrousser chemin. Parmi eux, l'écrivaine française, Muriel Barbery, auteur du fameux roman L'Elégance du hérisson et le congolais Alain Mabanckou qui était présent à Alger lors du Festival panafricain. De sa résidence dans le Midi de la France, le doyen des écrivains haïtiens, René Depestre, interviewé par une chaîne de télévision, a exprimé toute sa peine en formulant, cependant, l'espoir que cette catastrophe entraîne un sursaut salvateur de son pays que le régime de Papa-Doc et ses milices assassines de Tontons-Macoutes a plongé dans un cycle infernal.