Longtemps confiné dans la seule lutte contre le terrorisme, le Département du renseignement et de la sécurité (DRS), l'ex-Sécurité militaire, se voit ces derniers mois confier de plus en plus d'enquêtes sur la corruption et les scandales financiers. La médiatisation des activités de ce service, habitué à agir dans l'ombre et commandé depuis le début des années 1990 par le général de corps d'armée Mohamed Mediène dit Toufik, a débuté avec l'enquête ouverte l'an dernier sur la gestion du complexe sidérurgique d'El Hadjar, ArcelorMittal, et de certains de ses sous-traitants tels que la firme indienne Grant Smity Works (GSW), spécialisée dans la récupération, le traitement et la vente de la ferraille massive. L'investigation qui y avait été menée alors par les éléments du Centre territorial de recherche et d'investigation (CTRI) de Annaba, une structure qui dépend directement du DRS, avait permis de faire éclater au grand jour une vaste entreprise de corruption et de détournement de devises fortes dans laquelle étaient impliqués d'importants cadres locaux et étrangers d'ArcelorMitall et de GSW. Le PDG de cette dernière et son superviseur seront eux aussi condamnés, en juin 2009, à 3 ans de prison ferme par la cour de Annaba. L'enquête qui a rendu compte de l'existence d'une corruption tentaculaire à l'est du pays n'a pas encore livré, à ce jour, tous ses secrets. Avant de se voir confier (ou de s'autosaisir) l'enquête sur les contrats illégaux de Sonatrach qui a, entre autres, débouché mercredi dernier sur la mise sous contrôle judiciaire du PDG et l'arrestation de deux vice-présidents de la compagnie, les enquêteurs du DRS se sont autosaisis du très explosif dossier du projet de l'autoroute Est-Ouest d'une valeur de près de 13 milliards de dollars dans lequel un bataillon de hauts cadres et d'anciens ministres sont accusés d'avoir, moyennant d'importantes commissions, aidé une compagnie chinoise à rafler une part du marché. Le choix de confier au DRS le traitement des grandes affaires de corruption peut correspondre à une volonté en haut lieu de donner un grand coup de pied dans la fourmilière pour essayer d'enrayer le phénomène de la corruption qui a atteint la cote d'alerte. La corruption s'est tellement propagée que celle-ci a fini par devenir un véritable sport national et mode de gouvernance. A l'instar de certaines nations du Sud ou en voie de développement, l'Algérie est régulièrement citée par les organismes internationaux comme étant l'un des pays les plus corrompus et les moins transparents au monde. En décidant d'appeler à la rescousse le DRS (une structure qui, il faut le souligner, n'a cessé de tirer la sonnette d'alarme concernant l'étendue du mal) dans le traitement des grandes affaires de corruption qui se sont empilées sur son bureau ces dernières années, le gouvernement confirme ainsi l'idée que les autres services de sécurité n'ont pas une marge de manœuvre suffisante pour prendre en charge des dossiers aussi sensibles. La remarque est surtout valable pour la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) dont certains responsables sont soupçonnés de « rouler » au profit de personnalités politiques impliquées dans les scandales financiers que le DRS vient de faire éclater au grand jour et de défendre des intérêts de groupes d'hommes d'affaires hors-la-loi. Beaucoup d'observateurs expliquent aussi l'apparition du DRS comme le principal fer de lance de la lutte contre la corruption par l'inefficacité du système judiciaire algérien. Pour étayer leur argumentaire, ces derniers rappellent que la justice s'est rarement autosaisie d'une grande affaire de corruption. Cela même quand celle-ci saute aux yeux.