330 familles ont vécu dans ce qui aura constitué le plus vieux site de l'habitat précaire en Algérie. Hier, aux premières lueurs de l'aube, ordre était donné à des dizaines de familles d'évacuer leurs demeures de fortune, abritées par l'un des plus anciens bidonvilles d'Algérie. Soit celui dénommé «Boumzar», érigé sur les hauteurs du quartier «Dessoliers» dans la commune de Bourouba à El Harrach. Un bidonville aux allures tentaculaires et qui a pris racine dans ces lieux bien avant l'indépendance, dans les années 1930, presque aux limites temporelles qui ont vu naître le fameux code discriminatoire de l'indigénat, érigé par l'Etat colonial français d'antan. Mais ce 5 août 2006, conformément aux directives du président de la République M.Abdelaziz Bouteflika qui a publiquement donné son engagement de mener une guerre sans merci aux bidonvilles, l'heure a sonné pour que Dessoliers dise enfin adieu au campement Boumzar. Dessoliers était plutôt ce quartier paisible qu'on a voulu dédié aux fonctionnaires mais qui a fini par être, lui aussi, gagné par l'avancée implacable du phénomène des mansardes spontanées. L'opération était menée jusqu'à hier matin par une armée de monstres mécaniques qui s'acharnaient à détruire un enchevêtrement inextricable de maisonnettes construites en parpaing et couvertes d'éléments de toiture en éternit et de tôles. Alors qu'une armée d'ouvriers formée par près de sept cent cinquante hommes de l'Epic Netcom était là pour déblayer au plus vite les restes d'un passé, qui, par la magie d'un simple coup de pelleteuse a semblé déjà...lointain. Aux abords du chantier gigantesque ainsi entamé, les éléments de la Protection civile étaient également là pour parer à toute éventuelle urgence, notamment les probables fuites de gaz et autres impondérables infailliblement liés à ce genre de situation. Tandis qu'une présence discrète mais efficace de CRS veillait à la sérénité de cette action attendue de longue date. Ainsi, et au fur et à mesure que le déblayement battait en mesure, ceux qui furent les anciens locataires du bidonville Boumzar, étaient logés avec un soin méticuleux dans leurs nouveaux appartements désormais situés au «site 110», une nouvelle cité au quartier La Montagne à Bourouba, El Harrach et aux 144 Logements Diar El Afia dans la même localité. Ce relogement se déroulait encore vers midi, sous l'oeil vigilant des autorités locales et de quelques autres responsables, dont le chef de département de l'Opgi de Dar El Beïda, M.Aouar, qui explique que «les logements qui accueillent aujourd'hui les 49 familles du bidonville Boumzar étaient déjà prêts puisque déjà livrés en 2001». Néanmoins, il ajoutera que «ces derniers ont dû subir quelques restaurations après le séisme de 2003 d'où le retard mis pour leur exploitation». Rappelons que bien avant ce relogement, des citoyens ont déjà élu domicile dans cette cité en y occupant des F3. Notre interlocuteur n'a pas manqué de nous rappeler un souci d'ordre civique, à savoir celui de voir les nouveaux résidants prendre soin de leur bâti et de leur cadre de vie qui semble agréablement contraster avec l'environnement qui lui est immédiat. Notons que d'autres familles issues du bidonville Boumzar ont été évacuées récemment vers des chalets du côté de «Boubsila» non loin du chef-lieu de la commune de Bourouba. L'on rappelle, par ailleurs, que d'ici à la fin de l'année en cours, d'autres relogements de même type suivront dans cette circonscription administrative. Les heureux bénéficiaires du nouvel habitat ne tarissent pas d'éloges envers les autorités, notamment le wali délégué d'El Harrach, M.Mohamed Hatab. C'est que, nombreux sont ces citoyens qui passent de la sorte, subitement, au statut de propriétaire de logement et qui vivent ce passage comme un fait marquant dans leur vie. Historique. C'est souvent le cas pour tous ceux que nous avons rencontrés et qui sont nés, puis ont élevé leurs enfants dans le bidonville Boumzar. En début d'après-midi entre Dessoliers et Pilem, cet autre ex-quartier «arabe», le bidonville Boumzar subissait encore les assauts impétueux des engins venus le terrasser. Du milieu de la poussière et comme nous nous y attendions, une foule de mécontents surgit de ce chantier à ciel ouvert. Corollaire naturel de ce genre de conditions, elle brandit une liste de griefs retenus contre les responsables locaux , en pointant notamment quelques indus bénéficiaires qui auraient injustement joui des nouvelles attributions de logements alors que d'autres plus méritants seraient encore réduits au rang de laissés-pour-compte. Des jeunes et moins jeunes nous hèlent et crient «à un scénario fait de chipa et de non-respect d'une liste originelle, authentique, celle devant ressortir les vrais locataires du cantonnement Boumzar et établie conformément à un premier recensement de l'armée nationale populaire en 1983». D'aucuns évoquent quelque 150 personnes injustement écartées de la liste des bénéficiaires. Mais ce mécontentement semble, tant bien que mal, maîtrisé bien qu'alors nous avons cette impression qu'il couve. Plus loin, un rassemblement de badauds dissertent et vont de leur bagout pour prédire ce que sera Boumzar après le passage tonitruant des engins mécaniques? Mais nous apprenons souvent que les services de la wilaya d'Alger se penchent déjà sur le dossier de la transformation de toutes les surfaces occupées par des bidonvilles en centres de loisirs afin d'éviter la construction d'autres habitats précaires dans ces endroits. «La meilleure façon d'éradiquer les bidonvilles est l'utilisation de l'assiette du terrain, après avoir délogé les occupants, pour la construction de centres culturel, sportif ou éducatif», nous a déclaré, à ce sujet, le directeur de l'habitat d'Alger, M.Mohamed Smaïl, rappelant que le nombre des bidonvilles recensés dans la capitale est de 40.000. «L'idée de bâtir, sur des espaces qui ont été occupés, a émergé après avoir constaté que d'autres bidonvilles étaient érigés sur la même place quelques temps après l'éradication des premiers, a-t-il précisé tout en indiquant que l'opération d'éradication des bidonvilles a déjà commencé dans certains sites de l'Algérois, notamment à Mohammadia, Zéralda et Chéraga. Dans ce sens, notre vis-à-vis fera savoir qu'une trentaine de bidonvilles ont été éradiqués entre 2005 et 2006, «afin d'éviter qu'ils se multiplient et n'atteignent une situation incontrôlable». Enfin, et afin d'éviter toute possibilité de fraude ou d'occupation illégale, le directeur de l'habitat d'Alger a souligné que des visites «inopinées» seront effectuées sur les lieux dans le but de «contrôler si les familles bénéficiaires habitent toujours les chalets qui leur ont été attribués».