Dans une démocratie, lutter contre la corruption est un exercice des plus simples car il s'agit de débusquer une rareté facilement détectable par le principe de transparence. Dans un environnement où l'absence de transparence est érigée en mode de fonctionnement, la sanction devient rareté et l'on apprend à se méfier des scandales qui éclatent et s'effacent comme une bulle de savon. Loin de nous l'idée de dédouaner ou d'enfoncer les mis en cause dans l'affaire Sonatrach, mais l'on apprend au fil des scandales (Khalifa, EGCA, Tonic, BRC, autoroute Est-Ouest) que rien n'est innocent et que les accusateurs et les accusés ne disent pas tout. Au-delà de la déferlante médiatique que la décapitation de Sonatrach a provoquée, il est utile de s'interroger sur ce feuilleton de scandales qui se suivent et se ressemblent mais qui, à aucun moment, n'engagent la responsabilité des ministres qui, sous d'autres cieux, auraient démissionné pour beaucoup moins que cela. « Nous l'avons appris par la presse. » Une phrase magique qui semble à elle seule effacer tout embarras chez ceux qui la prononcent. Un ministre est avant tout le premier responsable d'un secteur et même s'il n'est pas impliqué dans des affaires de malversation, il demeure le premier garant du bon fonctionnement de son département et doit donc répondre du non-respect des lois par ses collaborateurs. Dans une circulaire datée du 13 décembre 2009, le président de la République a instruit son Premier ministre de prendre des mesures de contrôle et de surveillance sur le train de vie des hauts responsables afin de détecter les signes de corruption. Cette décision a été prise un mois après la sortie du rapport de Transparency International classant l'Algérie à la 111e place sur 180 pays dans son indice de perception de la corruption, un classement qui est passé inaperçu à cause du tumulte provoqué par « la bataille sportive » entre l'Algérie et l'Egypte. Les deux pays sont d'ailleurs tombés, comme par hasard, ex æquo dans le match de la corruption. Un classement qui ne peut être perçu que comme un véritable camouflet jeté à la face d'un pays jouissant d'une manne pétrolière très confortable et d'un niveau de vie des citoyens des plus déplorables. La corruption devient un mode de gestion.Des opérateurs étrangers affichent une crainte à s'introduire sur un marché où les commissions s'érigent en déclaration de bienvenue. La crédibilité du pays vis-à-vis de ses partenaires étant engagée, il fallait donc agir et effacer l'affront. Mais est-ce que ces bulles de scandales éclatant ça et là sont l'aveu d'une réelle volonté politique d'éradiquer la corruption à la racine ou juste un mélodrame destiné à noircir les pages des journaux pour un moment et faire oublier quelque peu la grogne du monde du travail ? Autre question qui mérite d'être posée, celle de savoir si les moyens mis en œuvre pour lutter contre la corruption sont à la hauteur de l'aveu de vouloir combattre efficacement ce fléau qui a gangrené la vie économique et politique du pays. Il semblerait que ce n'est pas le cas puisque les structures qui sont censées contrôler les dépenses publiques n'ont aucun droit de regard sur la manière dont les deniers de l'Etat sont dépensés. Le recours au Département du renseignement et de la sécurité (DRS) est-il un signe d'efficacité de ce département ou de faiblesse des autres mécanismes dont c'est la raison d'être pourtant ? Le rôle de lutte contre la corruption que s'approprie aujourd'hui le DRS revient en premier chef à d'autres structures comme l'IGF, la Cour des comptes, la Banque d'Algérie ainsi que la police judiciaire, représentée par la police et la Gendarmerie nationale. Même si, en vertu de la loi, cette frange de l'armée a force de police judiciaire, il n'est pas rassurant de voir que les structures citées ci-dessus ne sont pas impliquées dans la destruction des réseaux de corruption, notamment lorsqu'il s'agit des grandes dépenses de l'Etat. Le Parlement, que la Constitution a gratifié de la prérogative de contrôle des dépenses publiques, ne peut, de l'aveu du président de la commission des finances (voir El Watan du 18 janvier 2010), vérifier les dépenses effectuées par le gouvernement durant une année. Autant les discours sur la lutte contre la corruption donnent un espoir de voir enfin une vie économique assainie, autant l'absence de mécanisme efficace de contrôle des dépenses des deniers de l'Etat suscite le doute. Une vraie lutte contre la corruption provoque un effet boule de neige et ne s'évapore pas comme une bulle de savon.