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«Aucune loi n'est assez protectrice de la femme»
Publié dans El Watan le 19 - 08 - 2015

En tant qu'engagée pour la protection sous toutes ses formes de la femme, quel constat faites-vous sur la situation de l'Algérienne ?
La situation et la place de la femme dans notre pays est aujourd'hui tributaire de plusieurs paramètres, notamment du projet de société qui reste très ambigu à ce jour, avec l'adoption d'un mode de vie et de pensée lié au religieux et la résurgence d'une mentalité socioculturelle rétrograde.
Ce qui n'était pas le cas dans les années 1970/80 où la vie algérienne était laïque et les Algériens «fidèles au concept de la religion du juste milieu». Mais entre temps, des partis politiques islamistes ont été agréés en 1989 et, le wahhabisme a connu une exportation tous azimuts a travers des financements occultes, des aides aux partis d'obédience islamiste et aux associations de bienfaisance et de charité.
Ce qui a fait le lit à l'émergence d'un comportement social où les us et coutumes tolérants et apaisants de la religion de nos aïeux ont été définitivement relégués au fin fond du puits. D'où tous nos malheurs durant les années de terrorisme qui a traumatisé et fragilisé le peuple algérien.
Par ailleurs, sans remettre en question l'essor considérable de son développement social, économique, professionnel, politique, scolaire ou formateur de ces dernières décennies, sur le plan des droits, la femme algérienne, notamment en zone rurale, reste tributaire de mentalités socioculturelles rétrogrades.
Elle continue à se battre pour arriver à atteindre le plus élémentaire de ses droits, celui qui porte atteinte à sa dignité et sa vie : la lutte contre les violences sous toutes leurs formes.
Ce projet de loi est, semble-t-il, bloqué par le Sénat sous la pression, dit-on, des zaouïas et des partis de la mouvance islamiste qui se seraient ligués contre son adoption ou pour procéder à une autre révision de ses articles en vue d'asseoir plus, une suprématie sur la femme, basée sur la discrimination.
Ce qui n'augure rien de bon pour celles qui subissent des humiliations au quotidien et les paient parfois de leur vie.
Le bloc islamiste, l'Alliance de l'Algérie verte, a pratiquement fait capoter le projet de loi sur la violence contre les femmes en accusant le gouvernement de céder aux pressions étrangères. Jusqu'à preuve du contraire, l'Etat semble avoir reculé. Quelle lecture faites-vous ?
Chez les néo-conservateurs qui se retrouvent dans tous les partis existants sur la scène politique algérienne et chez les chefs islamistes en particulier, le discours théologique — concernant la femme en raison du climat ambiant — est devenu porteur, agressif et oppressant, plus que les questions économiques et sociales ou même les actuels conflits géopolitiques régionaux.
Le recours au religieux, prétendument moral, reste le seul argument de la scène politique pour débattre de la question de la femme, de sa jupe trop courte ou trop longue, d'être battue ou pas, de travailler ou non, d'être trop maquillée ou pas, de faire de sa vie ce qu'elle ne veut pas….
Abandonnée aussi par les partis démocrates et les hommes de progrès qui se sont repliés, il ne lui reste que ses yeux pour pleurer ou, encore une fois, se rebeller contre un ordre archaïque établi qui veut la priver de ses droits les plus élémentaires, si l'Etat ne prend pas en charge sa protection immédiate.
Quant à la déclaration et aux accusations de la classe politique aux velléités rétrogrades, dire que le gouvernement a cédé aux pressions étrangères, de notre point de vue, en tant que militante sur le terrain, observateur et acteur de cette tragédie de la violence faite aux femmes, le pouvoir politique donne l'impression de céder davantage aux prétendus politiciens collaborateurs et chefs de zaouïas moralisateurs qu'à l'étranger, qui se fiche éperdument du sort de la femme algérienne tant que ses intérêts économiques sont préservés.
Le seul souci des pays étrangers reste le bien-être de leur citoyens. Les femmes algériennes n'ont jamais rien demandé à l'étranger, n'attendent rien de lui, ne lui demandent rien.
Leur combat est unique, il se fait dans la douleur. Le peu de droits qu'elles ont, elles le doivent à leur seule détermination. Arrachés au prix d'énormes sacrifices. L'histoire de l'Algérie est jalonnée d'exemples.
L'Algérienne n'a pas sa pareille à travers le monde dans son combat millénaire contre la discrimination et la domination, depuis la Kahina, Fatma N'soumer et, plus près de nous, Hassiba Ben Bouali, Djamila Boupacha, Djamila Bouhired… Ce sont toutes des Djamilate.
Pourquoi ?
Parce qu'elles sont ainsi faites, parce qu'elles sont révolutionnaires et ne supportent pas d'être des esclaves, soumises et maltraitées éternellement.
La question des droits des femmes est portée à bout de bras depuis de longues années par le mouvement féminin algérien, qui a mis entre parenthèses sa lutte pour ses droits depuis 1990, parce que le feu était dans la demeure, parce qu'il fallait se rassembler contre la terreur durant la terrible décennie rouge…
Elles étaient conscientes du danger qui allait emporter littéralement le pays.
Et pour constituer un rempart contre le terrorisme qui tuait et menaçait de mort les Algériens qui ne s'alignaient pas sur leurs thèses, les femmes ont mis sous le boisseau la revendication de leurs droits.
D'où justement la dislocation de la famille que prétendent défendre aujourd'hui les faux dévots, alors qu'ils affichaient un silence assourdissant sur les massacres faits à la famille algérienne durant dix longues années. Je suis d'autant plus éberluée quand je les entends dire que la loi est contraire aux préceptes coraniques ! Ces prétendus politiciens vocifèrent de fausses vérités, affichant un comportement religieux ostentatoire.
Leurs clameurs ne sont pas de nature religieuse, ce sont celles des ennemis de leur femme, de leur mère, de leur sœur, de leur fille, pour plus de soumission, pour garder le pouvoir machiste qu'ils se sont octroyé au nom de Dieu.
Ils cachent sous un discours religieux tronqué un autre, truffé de bêtises, un discours de politique politicienne qui a trouvé sa place dans une société devenue bigote, une société divisée par eux en bons et mauvais musulmans. De quel droit agissent-ils ainsi en toute impunité ?
Il est du devoir de l'Etat de protéger ses citoyens contre toute forme de violence. Et actuellement ceux qui s'opposent à cette loi infligent une violence encore plus évidente contre la moitié de la société. Les femmes ne veulent pas de ce mode de vie religieux et de cette pensée des ténèbres, elles ne veulent pas mourir sous les coups d'un mari, d'un frère ou d'un père ou celle d'un collègue de travail.
Elles ne veulent plus de la violence physique, ni psychique, ni sexuelle, ni financière.
Le monde a changé. Il est en pleine mutation pour plus de progrès, d'équité et de justice, plus de développement, plus de savoir et de technologies. Chaque femme algérienne aspire à cela et réclame sa part, elle est née libre, dans un monde respectueux où sa dignité est préservée. On veut la renvoyer à l'âge de pierre, à la «djahiliya» ! L'évolution de la société est un des préceptes de l'islam, il n'y a pas de raison qu'elle en soit privée.
Ce qui est hallucinant c'est que le pouvoir en place donne l'impression de céder sur des questions aussi importantes que celles qui régissent les relations familiales, plus que cela, sur un projet d'amendement du code pénal voté à l'APN, émanant du président de la République qui en avait fait la promesse lors de son discours du 8 mars 2015. On nage en plein délire !
L'APN a voté, le 5 mars dernier, une loi qui protège la femme en préservant notamment ses ressources financières face à son conjoint, du harcèlement moral, conjugal et dans les lieux publics. Le texte est cependant qualifié par les islamistes de «contraire aux préceptes coraniques» et «visant la dislocation de la famille». Qu'en dites-vous ?
Effectivement la loi votée le 5 mars à l'APN prévoit la protection des biens de la femme et notamment ses ressources financières. De mon point de vue, quand on décide de se marier, c'est pour fonder une famille, construire ensemble un projet de vie choisi à deux.
Il est nécessaire qu'on mette ensemble ce que l'on possède pour faire aboutir ce projet, pour un avenir radieux et serein, pour la protection de l'un et l'autre…
On ne regarde jamais à la dépense quand il y a de l'entente, de l'affection et de l'amour pour sa famille. Heureusement, pour des milliers de femmes, la question ne se pose même pas quand il y a cet amour et cette générosité ; malheureusement, des milliers d'autres, en cas de conflit, ne sont pas protégées. Les exemples sont légion.
Je peux vous raconter des tas d'histoires de femmes accompagnées et soutenues par AFAD à la suite de conflits. Tout se meut en haine, une haine féroce, la guerre est déclarée, les enfants sont pris en otages… Ne s'en sort que le plus fort dans notre société. Et l'homme reste le plus fort.
Il est censé protéger et aimer les siens, mais en cas de conflit, de dispute, de séparation, de maladie, de handicap, c'est la guerre, tout le monde en pâtit.
La femme est la première victime, notamment dans une société en pleine mutation sociale ou l'individualisme est érigé en valeur, où sa place dans la société n'est pas encore définie et où le rôle et la responsabilité de l'homme l'est encore moins.
Elle est lésée du point de vue divorce et même héritage en cas de décès de son époux, quand il n'y a pas d'héritier mâle. Il n'y a pas d'«ijtihad» religieux dans le monde musulman concernant ce volet, sachant que la femme travaille et contribue largement aux frais de la famille dans tous ses aspects. Alors oui, il est nécessaire de protéger la femme dans ce cas de figure.
Mon expérience depuis 25 années dans l'action humanitaire et sociale m'a mise face à des problèmes inextricables et qui n'ont pu être réglés dans bien des situations. La femme perd souvent toutes ses illusions et ses biens.
Seul l'Etat, à travers des textes de loi et une justice équitable peut préserver le devenir de la femme, quel que soit son rang social. C'est le devoir constitutionnel de l'Etat, le seul élément positif pour le devenir de la femme en situation de précarité.
Votre association, à travers Dar El Inssania de Annaba, annonce un décompte officiel de 760 femmes prises en charge (mères célibataires ou abandonnées…). Pensez-vous que la législation est assez protectrice de la femme algérienne contre la violence ? Que préconisez-vous pour la protéger ?
Aucune loi n'est assez protectrice concernant la vie d'une femme, son handicap, sa protection ou celle de ses enfants. Cela reste toujours des inconnues que la loi n'a pas cernés.
Cependant, si la loi votée à l'APN passe au Sénat, elle va être dissuasive et permettre ainsi à la famille de se construire sur un principe d'égalité et de respect. Les enfants seront épargnés de tous les désarrois, de toutes les scènes de violences familiales…
Et la société, du coup, ira vers plus de sérénité, de plénitude.
A travers notre expérience de la gestion des violences faites aux femmes, AFAD a toujours œuvré pour la médiation — avec les réseaux primaires que sont la famille — à lever l'urgence, à travers l'écoute et l'orientation de ces femmes pour pallier aux premières violences, passer les moments de traumatisme.
Le reste dépend de la femme, elle doit avoir comme leitmotiv le «compter sur soi», elle doit se former, trouver un emploi, un projet de vie. Son autonomie financière est une de ses portes de sortie, le reste — et le plus important à mon sens — relève des missions de l'Etat.
Mais je le répète : seul le texte de loi voté à l'APN, et peut-être adopté par le Sénat, pourra apporter une justice, un soutien à ces femmes victimes et les libérer de leurs bourreaux, à travers l'application de la loi sur le terrain. Cela leur donnera un espoir de préserver leur vie et leur dignité et celle de leurs enfants et de leur famille.
Pourquoi avez-vous ouvert un bureau à Paris?
L'ouverture de ce bureau s'est faite à partir d'un diagnostic établi avec des associations françaises sur la condition des femmes maghrébines qui arrivent en France, notamment les Algériennes, sans formation, sans travail, ni papiers.
Dans la grande majorité des cas, elles ne parlent pas la langue et ne s'intègrent pas dans la société qu'elles ont choisie comme deuxième patrie suite à un mariage contracté par des Français d'origine maghrébine : la famille venue d'Europe prend une femme au pays, plutôt que de laisser leur fils épouser une fille ayant vécu et grandi en France ou en Europe, car dite «libre ou libertine» dans leur esprit.
Mais en fait pas soumise, et autonome, n'acceptant pas facilement le diktat du mari ou l'ingérence de sa famille. Donc ils rêvent d'une épouse «du bled».
Ensuite, vu peut-être la difficulté d'adaptation et les premiers rêves envolés, ces jeunes femmes déracinées se voient attribuer un rôle de servante, pour ne pas dire de bonniche.
Elles se retrouvent sans le sou, maltraitées, battues, rejetées, comme on met à la porte un animal nuisible. Elles ne trouvent aucun soutien, elles atterrissent dans des foyers d'accueil pour femmes isolées où elles passent de longs mois dans l'attente d'un miracle.
C'est terrifiant de les voir dans cette situation. Revenir au pays serait pour elles une humiliation, en plus de l'attrait d'une sorte de liberté et d'un mode de vie qu'elles n'arrivent pas à intégrer totalement en raison de ce qu'elles ont subi comme privations et atteintes à leur dignité. Elles végètent dans ces centres en attendant une possibilité de sortie de crise, souvent très aléatoire.
Notre association compte intervenir autour d'un programme élaboré en fonction des désirs de ces femmes, soit pour rejoindre leurs familles en Algérie, soit pour se prendre en charge à travers une formation et l'apprentissage de la langue du pays d'accueil et une recherche d'emploi, avec le règlement de leur situation administrative. Tout ceci en étroite collaboration avec des associations européennes qui travaillent sur ces questions.


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