Cinquante-trois ans après la fin de la guerre de Libération nationale, les martyrs sombrent toujours dans l'oubli. Des dizaines de tombes des chouhada sont abandonnées sur les hauteurs de la commune d'Ammal, au sud de Boumerdès, à Djerrah et Ath Oulmou, qui étaient le théâtre de nombreuses batailles. Sur un rayon de près de 2 km², on compte plus d'une centaine de tombes individuelles et collectives. C'est le cas des ossements des 28 martyrs gazés dans une grotte à Ath Oulmou. «Ils ont été exhumés durant les années 1980 pour être inhumés dans ce qui était au préalable un carré des martyrs au lieudit Amdouh, à Djerrah. Or, jusqu'à nos jour, ce qui est constatable sur les lieux, c'est une cuvette recouverte d'herbe», témoigne Rabah Haddadou, militant de l'ALN, les larmes aux yeux. «Amdouh, c'est le lieu où s'est déroulée l'embuscade qu'a menée Ali Khodja, le 18 mai 1956», précise-t-il. Avec amertume, M. Haddadou poursuit : «Je pleurerais du sang pour ces martyrs abandonnés. Ils étaient tous jeunes, beaux. Ils se sont sacrifiés, mais qu'on ne les délaisse ainsi.» Les sept villages qui existaient auparavant dans la région de Djerrah ont été tout simplement rayés de la carte. Les montagnes d'Ammal aussi le fief de grands révolutionnaires, à l'instar de Ali Khodja, le commandant Azzedine, Ouamrane, Boualem Bouguerri, Si Lakhdar (Mokrani Rabah) et autres. Khier Friakh, un témoin oculaire encore en vie, raconte aussi ce qu'il a vécu et vu : «Deux infirmières de l'ALN, Khoukha et Chafiâa tombées au champ d'honneur à Ath Oulmou sont toujours au même endroit à Mouzguene… dans ce ravin», désigne-t-il de son doigt. Haddadou et Friakh montrent aussi les autres tombes de martyrs dans plusieurs grottes de la région. «Nous avons trois martyrs gazés dans la grotte de Tikourbaz, ils sont encore dedans. Plus de 70 dans celle de Tifraout, 25 à Takanchout…» A Tizi Ghir aussi, tout le groupe de Bouguerri Boualem, une trentaine de martyrs, sont toujours dans une tombe collective sans entretien. Friakh explique qu'à l'époque de la guerre, l'enterrement des chouhada se faisait sur place. «Quant aux 230 soldats français tués en 1958 dans cette région, ils ont été tous récupérés sur le coup via des hélicoptères de l'armée française», ajoute-t-il. L'association culturelle Assirem de la commune d'Ammal a adressé, aux autorités de la wilaya de Boumerdès, une requête de trois points : réhabiliter les tombes des chouhada, ériger des fresques devant les grottes et classer la région patrimoine historique. Une commission de la direction de la culture de la wilaya s'est déplacée sur les lieux et a établi un rapport. Malheureusement, sans suite depuis une année.