En Algérie, les chiffres des accidents de la circulation sont de plus en plus effroyables. L'hécatombe routière a gagné même les zones urbaines, de l'avis même des services de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) qui déclarent avoir recensé 176 décès et 4362 blessés dans 3683 accidents survenus en zone urbaine. De son côté, dans son bilan d'action pour les sept premiers mois de l'année en cours, la Gendarmerie nationale déclare avoir comptabilisé 12 352 accidents causant le décès de 2216 personnes et des blessures à 21914 autres. Même si ces chiffres sont en légère baisse comparés à ceux de la même période de l'année écoulée, ils demeurent néanmoins effarants. Le nombre d'accidents a baissé de 13% de janvier à juillet 2015, comparativement à la même période de 2014, tandis que le nombre de décès a décru de 2% et celui des blessés de 15%. Ceci dit, la problématique de l'insécurité routière demeure plus que jamais intacte et fait apparaître en toile de fond plusieurs défaillances dans le système de la prévention.
Des tueurs sur nos routes D'après plusieurs acteurs de la prévention routière, tout un travail doit être fait avant de se lancer dans un processus de répression, seule réponse apportée jusqu'ici au phénomène de l'hécatombe routière. Les milliers de retraits de permis de conduire, dont les chiffres sont périodiquement et fièrement déclarés par les forces de l'ordre, ne servent pas à grand-chose. Les chauffards qui enfreignent le code de la route font des excès de vitesse, slaloment entre les véhicules, dépassent dangereusement à droite et circulent sur la bande d'arrêt d'urgence et montrent un véritable déni pour cette pièce. Confiants en leur maîtrise de leur véhicule, ces chauffards sont souvent la première cause de cette hécatombe. S'ajoutent à ces comportements dangereux au volant d'autres causes qui ne sont pas moins périlleuses. Toutefois, les causes liées à l'homme et à son comportement au volant occupent la première place de la pyramide des facteurs à l'origine d'autant de morts et de blessés sur nos routes.
Des campagnes de sensibilisation à effet infime Dépassée par tous ces chiffres qui donnent froid dans le dos, l'unique solution entreprise par le mouvement associatif est la sensibilisation. Des campagnes sont organisées tout au long de l'année mais leur impact sur le comportement des conducteurs reste minime et souvent limité dans le temps. «Comment voulez-vous sensibiliser un conducteur inconscient, qui accorde peu d'importance à la vie humaine ou qui n'a pas travaillé dur pour se procurer un véhicule ? Ils sont insensibles, égoïstes et se prennent pour les maîtres du volant», déclare M. Aissa, formateur dans une auto-école à Bab El Oued, à Alger. «Dans les cours que je dispense, j'essaye d'être le plus sévère possible et je tente de responsabiliser les futurs conducteurs dans chaque geste.» Le travail du moniteur d'auto-école, qui se résume souvent à l'apprentissage du code de la route et à la manipulation du véhicule, n'est pas suffisant. Une éducation à la prévention routière dès le plus jeune âge devrait être introduite dans le cursus scolaire.
Principe bonus/malus Même si les auto-écoles sont à incriminer dans le comportement des conducteurs, certains observateurs pointent du doigt les compagnies d'assurance qui ne semblent pas intéressées par le principe bonus/malus. Il consiste à donner des réductions aux bons clients qui n'ont pas commis d'accident et de corser la facture à ceux qui sont réputés par leurs multiples sollicitations de la compagnie d'assurances. Dans ce sens, Hassan Khelifati, PDG d'Alliance Assurances, déclare que ce principe est la préoccupation majeure de plusieurs secteurs, malheureusement il n'est pas applicable pour plusieurs raisons. «La première est l'absence du fichier national des conducteurs ainsi que la différence entre les systèmes d'information des 13 compagnies qui font de l'assurance automobile. Remédier à l'incohérence dans les fichiers de ces compagnies est le cheval de bataille de l'Union algérienne d'assurance et de réassurance (UAR)», estime M. Khelifati, également vice-président de l'UAR. Concernant le carnet de l'assuré, qui était exigé des clients à une certaine époque pour pouvoir changer de compagnie d'assurance, M. Khelifati explique que cette pièce qui démontrait l'historique du client n'est plus d'actualité. La raison invoquée est la concurrence et le désir d'avoir des clients à tout prix. «Une réflexion est menée au sein de l'UAR pour trouver un compromis dans ce sens. Toutefois, le travail des compagnies d'assurance ne suffit pas. Il faut mettre en place le permis de conduire biométrique qui permettra d'avoir un fichier national des conducteurs. Cette disposition, ainsi que l'introduction du système de retrait de points, l'augmentation du seuil des sanctions financières pourraient, à mon avis, freiner cette hécatombe», conclut-il. En attendant que toutes les parties concernées dans ce carnage routier soient enfin impliquées dans une lutte effective, des milliers de vies humaines se brisent sous l'œil passif de l'Etat, premier responsable de la situation.