La révision de la Constitution, le 12 novembre 2008, permettant à Bouteflika de briguer un troisième mandat, a fini de formaliser la domestication de l'institution législative. La session d'automne du parlement prendra fin dans une semaine. Une session qui n'aura « accouché » que d'un seul projet de loi (loi de finances 2010). Cet état de fait soulève une question fondamentale. Notamment celle du rôle de l'institution législative et de l'exercice de son plein pouvoir dans le cadre de ses prérogatives institutionnelles. En théorie, l'APN jouit de prérogatives de contrôle sur le pouvoir exécutif et de l'initiative des lois. L'Assemblée populaire nationale est dotée également du pouvoir de la constitution des commissions d'enquête et de la possibilité de censure du gouvernement. Mais dans la réalité, l'institution législative semble « abandonner » totalement ses pouvoirs à l'Exécutif. La révision de la Constitution, le 12 novembre 2008, permettant à Bouteflika de briguer un troisième mandat, a fini de formaliser la domestication de l'institution législative. Les projets de loi initiés par le gouvernement passent comme une lettre à la poste. Aucune mention de censure n'a été votée, excepté celle votée par le groupe parlementaire du FFS, durant la première législature (1997-2002), contre un projet de loi du ministre de l'Intérieur de l'époque, Mustapha Benmansour, qui voulait instaurer des sociétés privées de gardiennage. Aucune commission d'enquête parlementaire n'a été constituée, hormis celle initiée par le FLN pour enquêter sur la fraude électorale des législatives de 1997, mais sans pouvoir rendre publiques ses conclusions. Un système politique fermé Le Parlement n'a jamais été cet espace où les questions d'intérêt national sont débattues en toute démocratie. « Il est loin d'être ce reflet de toutes les sensibilités politiques nationales », a estimé un ancien député du FLN, qui a préféré garder l'anonymat. Pour le politologue Rachid Tlemçani, rien d'étonnant. Il estime, avec une marque d'ironie, que « l'APN exerce pleinement son pouvoir de chambre d'enregistrement. On ne lui demande pas de faire autre chose. Les députés sont intronisés par le pouvoir de sorte à redistribuer la rente. Elle contribue à distribuer la rente dans le but de maintenir la paix sociale au sein de l'élite politique et légitimer ainsi le statu quo ». Le Parlement est-il vraiment inutile ? Pour sa part, le professeur en sciences politiques, Ahmed Rouadjia, considère qu'il a la fonction de « façade démocratique au régime ». « Il est instrumentalisé par le pouvoir, donc il ne peut être cette institution qui exerce pleinement son pouvoir. Il n'a aucune efficience, c'est un Parlement incolore », juge-t-il. Dans son analyse, Abdeslam Ali Rachdi pense que l'APN ne peut jouer son rôle dès lors qu'elle est « inscrite dans l'idéologie populiste comme son nom l'indique, (une Assemblée populaire nationale) ». « C'est la nature même du régime populiste, qui consiste à ne pas admettre des institutions intermédiaires où le chef traite directement avec le peuple », a ajouté, l'ancien parlementaire du FFS. Sur le fond, Ali Rachdi considère que « le problème ne se pose pas au niveau des textes. La Constitution s'inspire des principes universels, mais les lois sont conçues de sorte à vider le principe constitutionnel de sa substance. Il n'y a pas de conformité des lois avec les principes constitutionnels. J'en ai pour exemple, l'égalité entre l'homme et la femme qui est pourtant consacrée par la Constitution, mais vient le code de la famille qui consacre la discrimination ». En somme, le Parlement ne peut accomplir ses missions dans un système politique fermé où le vrai pouvoir s'exerce en dehors des institutions. Il ne peut être cette institution recouvrant la réalité politique nationale dès lors que les élections sont truquées. D'aucuns pensent pourtant que le fonctionnement d'une assemblée légistative porte la mesure de l'enracinement de la vie démocratique dans un pays.