Depuis les contes folkloriques, les grands récits d'aventures sont essentiellement symboliques. En effet, dans la majorité de ces récits (ou contes), la récupération du réel, la reconstruction de la vie ne surgissent pas du petit fait vrai, de la minutie du cadre et de l'accessoire, mais à travers l'élan continu et irrésistible d'une existence d'hommes où les jours se succèdent sans jamais se ressembler. Aussi, une des formes d'élection du roman d'aventures est-elle l'autobiographie. C'est la forme des Mille et Une Nuits, et tout particulièrement de Sindbad le marin, conte où s'expriment déjà et avec quelle richesse d'images toutes les caractéristiques du récit d'aventures. L'autobiographie, qui serait «orientale», d'après Americo Castro, a produit les récits des voyageurs arabes, puis le roman picaresque et de l'Espagne arabe (El Andalous) est passée en Angleterre, puis s'est propagée dans le monde entier. Depuis Lazarillo de Tormès jusqu'à Daniel Defoe, et même Stevenson, l'aventure est rendue crédible grâce à la première personne du singulier. En fait, le «je» sert non pas à intérioriser l'aventure, mais, au contraire, il aide à pénétrer dans le domaine du pur récit, à entendre au second degré, le plaisir de conter et d'écouter conter. Dans Les Mille et Une nuits, Sindbad le marin recherche les aventures. Il est l'aventurier par excellence, celui qui ne peut rester en place, qui a la vocation d'un départ sans cause ni but. C'est une irrésistible poussée qui le fait se lancer à travers les mers. Arbitraire dans son origine, l'aventure de Sindbad le marin l'est aussi dans ses péripéties. Cependant, son «je» nous pénètre et nous pousse à lire ses aventures. Avec Robinson Crusoé s'approfondissent encore le mythe de l'aventure et la figure de l'aventurier, en jouant des deux aspects du voyage : l'aspiration vers l'inconnu, la nostalgie du connu. Et l'aventure amène l'enrichissement de l'individu par l'action et la création. Parti, comme Sindbad, à la suite d'un accident, sur un coup du hasard, Robinson Crusoé le domine aussitôt, redresse les accidents, refuse les sortilèges pour reconstituer l'univers familier, un univers de l'enracinement, de l'immobilité. C'est le retour à la sécurité, dans un temps subjectif qui se mesure non plus au jeu, mais selon le rythme du travail et qui ne laisse plus pénétrer le hasard. Enfin, contes, récits, histoires et romans participent à notre divertissement. Ils excitent l'émotion puis détendent, libèrent, en un mot apportent l'émerveillement, l'incomparable plaisir de la fiction.