Trois amis de confessions différentes, Mohamed, musulman, Jésus, chrétien et David, juif, se proposent d'entreprendre un périple à travers les terres millénaires d'Al Andalus en Espagne. Un voyage dans la mémoire qui leur permettra de connaître (de se re-connaître) par le biais d'itinéraires, les lieux symboliques de l'Espagne musulmane. Un hymne à la tolérance, au respect d'autrui et au métissage des cultures. Mais ce qui nous intéresse, et c'est là où vous verrez la relation directe avec Robin Crusoé, c'est qu'il est l'auteur d'un roman philosophique au titre de Risalat Hadj Ibn Yaqzan, littéralement « le récit de Hadj Ibn Yaqzan » : une réflexion chargée de néoplatonicisme musulman, sur l'isolement et les possibilités individuelles de l'homme, un des textes utopiques les plus singuliers du moyen-âge. En 1671, l'un des plus grands représentants de l'orientalisme anglais, Edward Pococke, traduit le roman au latin avec le titre de Philosophus autodidactus (Le philosophe autodidacte, tel qu'on le connaît en occident). Ce roman, d'une grande qualité littéraire, où s'illustrent les relations dialectiques entre philosophie et religion, s'inscrit dans la ligne d'autres penseurs hispano-arabes comme Ibn Baya (Avempace) ou celle de l'école zahiri. Ce récit raconte donc l'histoire de Hadj, un solitaire, abandonné et perdu dès sa naissance sur une île déserte. Loin de toute société humaine et éduqué par une gazelle, ce jeune héros, sorte de philosophe inné, découvre par lui-même les grandes vérités intelligibles. Après son illumination initiatique, il reçoit la visite de Asal, habitant d'une île voisine, dont les enseignements philosophiques et religieux, exposés sous forme allégorique, coïncident avec les vérités que Hadj avait appréhendé tout seul en perfectionnant ses facultés naturelles. Tous deux incompris par les gens auxquels ils essaient de transmettre leur savoir et leur expérience, ils retournent sur leur île et décident d'y vivre comme des « savants ». Là je pense que vous voyez la relation du début car Daniel Defoe s'en inspira largement pour rédiger son « Robinson Crusoé ». On pense également que Baltasar Gracián, le célèbre jésuite aragonais du XVIIº siècle dont on a déjà parlé, a été aussi influencé par cette l'œuvre en écrivant « El Criticón ». - Donc, en quelque sorte, Daniel Defoe aurait tout simplement pris l'idée du personnage perdu dans une île déserte et en aurait fait un roman d'aventure, lance Jesús. - Oui, c'est bien cela car toutes les approches théoriques, le message philosophique contenues dans l'œuvre d'Ibn Tufayl, toutes les allégories, toute la symbolique sont occultés dans le « Robinson Crusoé »de Defoe - Mais ce n'est pas vrai, vous êtes partout…