Selon les dispositions de ce dernier, les personnes physiques et morales auront la possibilité d'empêcher que des renseignements licitement sous leur contrôle ne soient divulgués à des tiers ou acquis ou utilisés par eux sans leur consentement et d'une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes, sous réserve que ces renseignements : – a) soient secrets, en ce sens que dans leur globalité ou dans la configuration et l'assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s'occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles ; – b) aient une valeur commerciale parce qu'ils sont secrets ; – c) aient fait l'objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances destinées à les garder secrets. L'application des dispositions de l'ADPIC concernant la confidentialité a donné naissance à un litige entre les Etats-Unis et l'Argentine. En effet, le 30 mai 2000, les Etats-Unis ont demandé l'ouverture de consultations avec l'Argentine concernant le régime juridique argentin applicable aux brevets, défini dans la loi n°24 481 (modifiée par la loi n° 24 572), la loi n° 24 603 et le décret n° 260/96 et le régime régissant la protection des données défini dans la loi n°24 766 et le règlement n° 440/98, ainsi que par d'autres mesures connexes. De l'avis des Etats-Unis, l'Argentine ne protège pas contre l'exploitation déloyale dans le commerce les données non divulguées résultant d'essais ou d'autres données non divulguées, lesquelles doivent être présentées pour obtenir l'approbation de la commercialisation de produits pharmaceutiques ou de produits chimiques pour l'agriculture. Le 31 mai 2002, les Etats-Unis et l'Argentine ont notifié à l'OMC qu'ils étaient arrivés à un accord au sujet de toutes les questions soulevées par les Etats-Unis dans leur demande de consultation concernant le présent différend et l'affaire Argentine (protection conférée par un brevet pour les produits pharmaceutiques et protection des données non divulguées résultant d'essais pour les produits chimiques pour l'agriculture). La protection selon le droit comparé Sur le plan des législations internes et commençant par loi jordanienne n° 15 de 2000 sur la concurrence déloyale et les secrets commerciaux, qui considère d'après l'article 04 que toute information qui est considérée comme un secret commercial se caractérise par : le caractère secret ; la valeur commerciale par rapport au caractère secret ; le titulaire du droit a pris des mesures raisonnables pour maintenir la confidentialité à la lumière des circonstances actuelles. C'est d'ailleurs la même position qu'on retrouve dans la loi égyptienne n°82 de l'année 2002 concernant la protection des droits de la propriété industrielle, qui a consacré la partie 3 aux informations non divulguées et qui a énuméré, d'après l'article 55, les mêmes conditions de la confidentialité précédemment citées par la loi jordanienne. Pour les Etats-Unis, le Cohen Act de 1996 assure une protection renforcée des entreprises et des particuliers contre le vol du secret des affaires en prévoyant de lourdes sanctions à l'égard des contrevenants. Cette loi établit un système juridique répressif inédit qui réprime le vol d'information confidentielle à valeur économique et qui consacre la notion de secret d'affaires. Son article 1839 édicte une définition du «secret d'affaires». Il s'agit de «toute information confidentielle, quelle que soit sa forme, sa nature et son support, qui présente une valeur économique propre, réelle ou potentielle et qui ne consiste pas en des connaissances générales susceptibles d'être facilement et directement constatées par le public.» Une condition supplémentaire doit cependant être remplie pour que la protection de l'information soit valable : «Le titulaire de l'information doit avoir pris des mesures raisonnables pour maintenir le secret.» En Allemagne, trois infractions relatives au secret des affaires sont définies et réprimées par la loi allemande sur la concurrence déloyale, dite «UWG» (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb) : la communication non autorisée de secrets d'affaires par les salariés de l'entreprise concernée, le vol de secrets d'affaires et l'exploitation de documents ou d'instructions couverts par le secret des affaires. Quant au droit français, il est marqué par un éclatement des sources et une relative inefficacité du droit pénal. – Le code pénal, en son article L 311-1, sanctionne le vol de documents confidentiels en tant que chose matérielle, mais ne réprime pas la violation des données immatérielles confidentielles qui y sont contenues. – L'article L 226-13 sanctionne la violation du secret professionnel et l'article L 323-7, l'intrusion dans les systèmes informatiques. – Les articles L 411-5 à L 411-8 répriment la fourniture de renseignements à une entreprise ou puissance étrangère. – La loi protégeant le secret en matière de propriété intellectuelle se limite au seul secret de fabrication. Cette inefficacité est peut-être liée à l'absence de définition de la notion de secrets d'affaires. D'ailleurs, d'après le rapport n° 4159, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 11 janvier 2012, fait par Bernard Carayon, député (au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République sur la proposition de la loi n°3985 de M. Carayon visant à sanctionner la violation du secret des affaires), votée en première lecture à l'Assemblée nationale le 23 janvier 2012, a pour objet de créer un délit de violation du secret des affaires. La protection vise toute information «de nature commerciale, industrielle, financière, scientifique, technique ou stratégique». La notion est donc très large. Elle requiert que l'entreprise ait mis en place des «dispositions raisonnables destinées à les garder secrets». La proposition se contente d'énoncer qu'est tenue au secret «toute personne qui en est dépositaire ou qui a eu connaissance de cette information et de mesures de protection». Les mesures raisonnables mises en œuvre pour assurer le secret seront précisées par décret. Selon le même rapport, le nombre d'attaques économiques, au sens large (débauchage d'un cadre, harcèlement juridique, atteinte à l'image, vol de secret industriel, etc.), visant des entreprises françaises, est en forte croissance. Selon son service, 1000 atteintes économiques ont été recensées en 2010, un quart d'entre elles constituant des violations du secret des affaires. Les cinq secteurs économiques les plus touchés sont, par ordre décroissant : l'aéronautique, la filière de l'énergie nucléaire, les laboratoires de recherche, le secteur automobile, la métallurgie et la sidérurgie. En 2005, par exemple, une étudiante de nationalité chinoise, ayant effectué un stage au sein de l'équipementier automobile Valeo, a exporté plusieurs fichiers informatiques confidentiels de ladite société sur son disque dur personnel, en dépit des règles de confidentialité qui avaient été portées à sa connaissance. Elle a fait l'objet d'une condamnation à un an d'emprisonnement (dont dix mois avec sursis) pour abus de confiance par le tribunal de grande instance de Versailles dans son jugement du 18 décembre 2007 (TGI Versailles, 18 décembre 2007, 6e ch.. corr., n° 0511965021, L. c/ Valéo, Communication Commerce électronique n°4, avril 2008, comm. 62, E. A. Caprioli). En 2007, un ancien salarié de l'entreprise Michelin, ingénieur de recherche affecté à un centre de recherche classé comme «établissement à régime restrictif», conformément à l'instruction interministérielle n° 486 du 1er mars 1993 sur la protection du patrimoine scientifique et technique dans les échanges internationaux, a collecté un nombre très important de données confidentielles, qu'il a ensuite cherché à vendre à des entreprises étrangères, concurrentes directes de Michelin. L'une de ces entreprises, la société Bridgestone, en a informé Michelin. L'ancien salarié «indélicat» a été condamné par le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand, le 21 juin 2010, à deux ans d'emprisonnement avec sursis et à une amende de 5000 euros, pour abus de confiance (TGI Clermont-Ferrand, ch. corr., 21 juin 2010, droit pénal 2010, comm. 116, par M. Véron ; Communication Commerce électronique n° 3, mars 2011, comm. 31, E. A. Capprioli ; O. de Maison Rouge, «l'affaire Michelin fera-t-elle jurisprudence en matière d'espionnage industriel ?», IElovepme.com, 5 mai 2010 ; Actes du colloque de la fondation Prometheus, la protection juridique des informations à caractère économique. Enjeux et perspectives. Assemblée nationale, 18 octobre 2010). Sur le plan procédural, lorsque des informations techniques sont jugées spécialement précieuses ou stratégiques, la personne détentrice de ces informations a intérêt à : – constituer un dossier contenant la description de ces éléments – faire un «dépôt privé», c'est-à-dire un dépôt non réglementé de données. De telles formalités libres ne procurent aucun droit ni monopole, contrairement au dépôt d'un brevet, par exemple. Elles permettent de prouver qu'à la «date certaine» du dépôt, l'entreprise détenait bien les informations pour l'établissement de la preuve de l'antériorité. Celui qui peut prouver la détention antérieure se place dans une position plus favorable dans le cadre d'un litige : action en concurrence déloyale ou en manquement à un engagement de confidentialité. Se ménager une preuve de l'ancienneté de la détention permet également, si quelqu'un dépose ultérieurement un brevet, de continuer à exploiter l'invention malgré l'existence de ce brevet – c'est ce qu'on nomme la «possession personnelle antérieure» en droit français. (Guide pratique du Medef, la protection des informations sensibles des entreprises, 2013). La protection selon le droit algérien Aucune loi algérienne ne prévoit la protection directe des secrets industriels et commerciaux, autrement dit une protection contre l'espionnage industriel. La protection est indirecte et dans un cadre général (le sujet des lois ne concerne pas directement les secrets), selon les textes suivants : – 1) Le code pénal promulgué par l'ordonnance 66-156 du08 juin 1966, (JO du 11 juin 1966, n° 49, p. 530 ). Art. 302. – Quiconque, travaillant à quelque titre que ce soit dans une entreprise, a sans y avoir été habilité, communiqué ou tenté de communiquer à des étrangers ou à des Algériens résidant en pays étrangers des secrets de l'entreprise où il travaille, est puni d'un emprisonnement de deux à cinq ans et d'une amende de 500 à 10 000 DA. Si ces secrets ont été communiqués à des Algériens résidant en Algérie, la peine est l'emprisonnement de trois mois à deux ans et l'amende de 500 à 1500 DA. Le maximum de la peine prévue par les deux alinéas précédents est obligatoirement encouru s'il s‘agit de secrets de fabrique d'armes et munitions de guerre appartenant à l'Etat. Dans tous les cas, le coupable peut, en outre, être frappé pour un an au moins et cinq ans au plus de l'interdiction d'un ou plusieurs des droits mentionnés à l'article 14 du présent code. – 2) Le décret n°84-387 du 22 décembre 1984 fixant les mesures destinées à protéger les documents classifiés,(jo du 26 décembre 1984, n° 69, p. 1608). Selon les dispositions du décret qui protège le document classifié, et qui est tout écrit, dessin, plan, carte, photographie, bande sonore ou filmée ou autre document ou support matériel contenant des informations à protéger. Les documents classifiés sont répartis suivant leur degré de sensibilité dans les catégories suivantes : – très secret : pour les documents qui mettraient en danger la sécurité nationale – secret : pour les documents dont la divulgation causerait un dommage certain aux intérêts de la nation et favoriserait un pays étranger – confidentiel : pour les documents dont la divulgation causerait un dommage à une activité gouvernementale, une administration ou une personnalité politique algérienne -diffusion restreinte : pour les documents dont la divulgation causerait un dommage certain aux intérêts de l'Etat, et qui de ce fait ne peuvent être communiqués qu'aux personnes qualifiées. – 3)Arrêté du 15 juillet 2002 déterminant les modalités d'application de l'article 22 du code des Douanes relatif à l'importation des marchandises contrefaites (jo 18 août 2002 n°56 p 14) Art. 10 : «Conformément à la législation en vigueur relative à la protection des données à caractère personnel, du secret commercial et industriel ainsi que du secret professionnel et administratif, le service qui traite la demande informe le titulaire du droit, à sa demande, des noms et adresse du déclarant et du destinataire s'il est connu, afin de lui permettre de saisir la juridiction compétente pour statuer au fond.» – 4) L'ordonnance n° 03-07 du 19 juillet 2003 relative aux brevets d'invention(jo du 23 juillet 2003 n°44 – p 23 ). L'article 59 de l'ord. 03-07 : «Dans ce cas, la juridiction compétente peut ordonner au défendeur d'apporter la preuve que le procédé utilisé pour obtenir un produit identique est différent du procédé breveté. En demandant la production des preuves, la juridiction compétente tiendra compte des intérêts légitimes du défendeur en ne divulguant pas les secrets de fabrication et les secrets commerciaux de ce dernier». Dans ce cas, on se retrouve devant deux situations. Premièrement, le secret industriel et commercial peut remplir les conditions des brevets, alors : Premier cas : enregistrer le secret comme brevet. Il tombe dans le domaine public après 20 ans de la date du dépôt. Deuxième cas : garder le secret comme tel, une fois divulgué, il tombe dans le domaine public. Deuxiièmement, le secret industriel et commercial ne remplit pas les conditions du brevet, dans ce cas il faut le garder comme secret. – 5) La loi n° 04-02 du 23 juin 2004 fixant les règles applicables aux pratiques commerciales (jo du 27 juin 2004 n° 41 – p 3). Cette loi s'applique aux activités de production, de distribution et de services exercés par tout agent économique, quelle que soit sa nature juridique. Selon cette loi, l'agent économique est tout producteur, commerçant, artisan ou prestataire de services. Aussi, sont interdites toutes les pratiques commerciales déloyales contraires aux usages honnêtes et loyaux et par lesquelles un agent économique porte atteinte aux intérêts d'un ou de plusieurs autres agents économiques. Art. 27. — Au sens des dispositions de la présente loi, sont considérées comme pratiques commerciales déloyales, notamment les pratiques par lesquelles un agent économique «profite des secrets professionnels en qualité d'ancien salarié ou associé pour agir de manière déloyale à l'encontre de son ancien employeur ou associé…» La qualification de la divulgation de secret selon la loi 04-02 comme étant une infraction, et la poursuite relève de la compétence des juridictions. La sanction principale est une amende de 50 000 à 5 millions de dinars. Quant à la position juridictionnelle, on retrouve le litige opposant «la société A» et «la société B» (jugement rendu le 12 décembre 2006 par le tribunal d'El Khroub, section commerciale sous le n°1634/06), concernant l'exploitation illégale par la société B du même modèle de lampes de la société A. Sachant que le signe n'a pas été déposé comme marque, et l'invention n'a pas été déposée pour la délivrance d'un brevet d'invention, ce qui a donné lieu au rejet des revendications de la société A, pour l'exploitation illégale, du moment où l'invention n'a pas été déposée, donc l'exclusivité est rejetée et il appartient à quiconque d'exploiter les mêmes lampes non couvertes par un brevet d'invention et ainsi l'affaire a été rejetée pour défaut de fondement . Des faits similaires ont été exposés auprès de la Cour suprême (arrêt de la chambre des délits et contraventions, rendu le 28 mars 2007 sous le n°380811), et les juges de droit ont souligné la libre exploitation de l'invention non brevetée. Conclusion La meilleure protection juridique algérienne contre l'espionnage industriel concerne une législation directe et spécifique en matière de secrets, afin d'éviter certaines situations, pour des entreprises qui peuvent être victimes de violations du secret des affaires, à leur insu, sans jamais s'en rendre compte et d'autres, bien que conscientes de l'attaque dont elles ont été victimes, mais hésitent à déposer plainte, pour éviter de médiatiser l'atteinte dont elles ont fait l'objet et ne pas dégrader leur image de marque, d'autant plus que la législation en vigueur ne couvre pas tous les types de litiges. Et cela ne commence que par la reconnaissance des secrets comme étant un droit de propriété intellectuelle, ainsi la protection contre l'espionnage industriel suivant les dispositions de l'ADPIC, l'article 55 de la loi égyptienne et l'article 09 de la loi jordanienne. D'autant plus que parmi les questions posées par le conseil de l'ADPIC (OMC) à la délégation algérienne en 2002, on retrouve la question n° 100 : «L'Algérie est-elle d'accord que les renseignements non divulgués devront être protégés dans le cadre de l'ADPIC.» Et la réponse fournie par la délégation algérienne était la suivante : «L'Algérie envisage de mettre en place une législation spécifique conforme aux dispositions pertinentes de l'ADPIC.» Mais enfin, qu'en est-il de cette législation spécifique depuis 2002 jusqu'à 2015 ?