Au moment où les pouvoirs publics multiplient séminaires, rencontres et journées d'étude autour du thème de la protection de l'environnement, les autorités oranaises préparent la mort de la zone humide de la Macta, classée sur la liste de la convention internationale de Ramsar, par l'installation d'une zone d'activité industrielle. Sur les lieux, les visites de délégations officielles se multiplient et tout laisse croire que le désastre écologique est programmé pour bientôt. D'une superficie de 23 ha, la zone humide de la Macta, située entre Oran et Mostaganem, est présentée par les spécialistes comme un site très rare en Afrique du Nord, en raison de sa diversité et de la richesse de sa biodiversité avec au moins 47 espèces d'oiseaux d'eau dont les flamants roses, 11 espèces marines et 16 rapaces ainsi que de nombreuses espèces terrestres, y compris celles classées comme rares, entre autres l'outarde canepetière et la sarcelle marbrée. La présence d'une végétation très variée a permis la nidification de nombreuses autres espèces telles que la poule sultane, le butor étoilé et le héron pourpré. L'inscription de ce poumon de la région sur la liste des zones humides d'importance internationale oblige le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir le maintien des caractéristiques écologiques spécifiques du site. Pourtant, cet engagement a été rompu avec la décision des autorités de l'installation coûte que coûte d'une zone d'activité industrielle d'une superficie de 154 ha, à Grurate (Cheharia), en pleine zone humide, du côté de la commune de Béthioua. La wilaya d'Oran avait lancé, en mai 2003, un appel aux investisseurs les invitant à déposer leurs dossiers au niveau du Calpi. La sonnette d'alarme avait déjà été tirée par les associations écologiques de Béthioua, mais ces cris de détresse sont restés sans écho. « Cette zone accueille des espèces d'oiseaux migrateurs en voie de disparition, des flamants roses et des canards sauvages. L'implantation d'usines de peinture ou de toute autre industrie conduira inéluctablement à un désastre écologique... », a déclaré un habitant de Béthioua, ingénieur en environnement. Contacté à ce sujet, le chef de la daïra de Béthioua, Salah Haffasi, a confirmé que la zone d'activité sera « tout prochainement » inaugurée. Ce responsable a exprimé son « étonnement » quant au fait que la Macta était un site classé donc protégé par un texte. « Quand je suis arrivé il y a trois mois, j'ai trouvé ce projet en cours, je n'ai fait que le suivre de loin, puisque c'est à partir d'Oran, au niveau du service du Calpi, que la zone d'activité est préparée. Les dossiers des investisseurs ont déjà été déposés et traités. L'inauguration de la zone d'activité est pour bientôt. Mais je n'ai jamais su que le site en question est classé... » Comment un tel projet peut-il être décidé par les autorités sans qu'il y ait une étude d'impact sur l'environnement ? Jusqu'à quand le caractère économique continuera-t-il à primer sur l'équilibre écologique ? Autant de questions qui restent sans réponses, mais qui confirment les appréhensions de nos interlocuteurs. Selon ces derniers, cette zone a été au centre de grandes convoitises d'un groupe d'industriels qui a fini par accaparer quelques parcelles au détriment de l'avenir de cette réserve naturelle, devenue au fil du temps le poumon vert de toute la région.