Le ministère de l'Intérieur soudanais a annoncé hier qu'au moins 816 manifestants ont été arrêtés depuis le début du mouvement de contestation déclenché par la hausse des prix du pain et qui s'est transformé en des protestations antigouvernementales. Au moins 19 personnes, dont deux membres des forces de sécurité, ont été tuées depuis le début de la contestation, selon les autorités. Amnesty International a fait état, quant à elle, de la mort de 37 manifestants. Devant la disparité de ces chiffres, l'ONU a appelé à une enquête indépendante. Ces chiffres montrent que les autorités soudanaises sont décidées à étouffer ce mouvement par n'importe quel moyen. «Le nombre total de manifestants arrêtés jusqu'à maintenant est de 816», a indiqué le ministre Ahmed Bilal Osmane devant le Parlement, dans un premier bilan des interpellations depuis le début des manifestations à travers le Soudan, qui ont commencé le 19 décembre dernier. Les manifestations ont gagné plusieurs villes du pays, y compris la capitale Khartoum. Le ministre de l'Intérieur a fait état de 381 manifestations en tout. «Les manifestations ont commencé pacifiquement, mais des voyous aux intentions cachées s'en sont servis pour s'adonner au pillage et au vol», a-t-il affirmé comme pour justifier la répression qui s'est abattue sur les manifestants, ajoutant que la situation était désormais «calme et stable». Situation stable ? Pas vraiment. Dimanche, de petits groupes de manifestants s'étaient encore rassemblés dans des quartiers du centre-ville de Khartoum pour une marche en direction du palais présidentiel, mais la police antiémeute les a dispersés à coups de gaz lacrymogènes. L'Association des professionnels soudanais, constituée d'enseignants, de médecins et d'ingénieurs, avait appelé samedi ses partisans à se rassembler dimanche pour une marche vers le palais présidentiel. D'autres marches similaires avaient été bloquées par les forces de sécurité ces derniers jours. «Nous allons marcher vers le palais dimanche pour appeler le président El Béchir à démissionner», avait déclaré cette association. Des manifestations ont également eu lieu dans la ville de Madani, située dans le centre du pays. Une autre s'est tenue à Atbara dans le Nord, où a débuté le mouvement de contestation. Plusieurs leaders de l'opposition, des militants et des journalistes ont été arrêtés par le Service national du renseignement et de la sécurité (NISS), depuis le début des protestations. Amputé des trois quarts de ses réserves de pétrole depuis l'indépendance du Soudan du Sud en 2011, le pays est confronté à une inflation de près de 70% par an et à une grave crise monétaire. Les prix de certains produits, comme les médicaments, ont plus que doublé et plusieurs villes, dont Khartoum, souffrent de pénuries de pain et de carburant.