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Le ministère accorde des dérogations d'inscription en classe préparatoire et bloque des bourses d'excellence
Publié dans El Watan le 16 - 12 - 2015

L'Ecole nationale supérieure d'agronomie (ENSA, ex-INA), un établissement de formation et de recherche qui a bâti sa renommée au fil d'un siècle au point de devenir une institution, n'a pas fini de subir le poids de décisions irréfléchies du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique. Alors que notre pays est en quête d'un nouveau modèle économique recentré sur l'agriculture, des enseignants-chercheurs demandent l'intervention de leur ministre pour que cette «école» puisse être considérée comme un atout pour l'Algérie et comme une pièce maîtresse dans la construction de la société de la connaissance et de l'innovation, au service des nouveaux défis économiques du pays.
Après les grosses turbulences qu'elle a subies pour que son jardin botanique soit préservé de la destruction, cette école est soumise à une autre secousse due à l'inscription d'une vingtaine de bacheliers en classe préparatoire sans la moyenne requise, sur dérogation du ministère. «Du jamais vu depuis que l'ENSA a été érigée en grande école», s'indignent les enseignants.
Comment le ministère peut-il accorder de tels privilèges alors que, par ailleurs, il fixe les règles d'accès aux grandes écoles et à l'université sur la base des moyennes au bac ? Lors de l'opération des inscriptions universitaires de 2015, le ministre en personne a déclaré que «l'orientation est un concours de classement» et que «la moyenne générale du bachelier demeure le premier paramètre à prendre en compte».
Des enseignants de l'école lui demandent donc d'expliquer comment son département a permis à des privilégiés qui ont eu 12,43 de moyenne au bac de s'inscrire dans les classes préparatoires de l'ENSA, où le dernier inscrit sur la liste a une moyenne de 13,63. A-t-on demandé l'avis des bacheliers et des familles qui se sont soumis à la règle de «la sélection par les résultats du bac», et non pas à celle des «relations et des privilèges» ? Cette injustice est officiellement publiée par l'école sur son site web, avec la liste des étudiants concernés par les dérogations.
C'est un précédent qui va conduire l'unique Ecole d'agronomie d'Algérie sur la voie de la médiocrité et des «négociations à la baisse», estiment ces enseignants.
Pour preuve, la rupture de ce premier rempart contre «le chantage des interventions» a ouvert la voie aux dérapages au niveau des spécialités. En fin de trimestre de cette année 2015, une étudiante, transférée de l'université, débarque en quatrième année dans l'une des spécialités les mieux classées de l'école.
C'est un mépris total pour les autres étudiants en spécialités qui se sont soumis aux règles du classement obtenu après moyennes du tronc commun et aux traditions de l'école qui organise publiquement, en amphithéâtre, le dispatching des étudiants dans les spécialités selon l'ordre de mérite.
Le drame de cette nouvelle ère de la médiocrité est qui tue l'excellence. Dans ce même département qui voit arriver une étudiante de l'université sans avoir subi les critères de classement de l'école, un jeune et brillant maître de conférences classe A, ayant soutenu deux thèses de doctorat à l'âge de 30 ans, s'est vu refuser un détachement pour une formation post-doctorale, avec bourse offerte par le gouvernement espagnol, suite à sa réussite à un concours international.
Selon les propos du directeur de l'école, lors de la réunion de la commission de formation à l'étranger, le chef de cabinet du ministre aurait décidé que cet enseignant n'irait pas en détachement.
Les enseignants demandent donc à leur ministre de statuer sur l'ingérence de son chef de cabinet dans la gouvernance des établissements et dans la gestion du plan de formation et des carrières des enseignants.
La rationalité universitaire ne permet pas de comprendre qu'un ministère puisse accorder officiellement des dérogations d'inscription en classe préparatoire à des bacheliers n'ayant pas la moyenne d'orientation, et bloquer dans la même école la formation à l'étranger d'un jeune enseignant, qui a décroché une bourse internationale d'excellence, sur une thématique retenue comme prioritaire par le conseil scientifique de son département. Sachant que des enseignants de statut similaire d'autres universités ont bénéficié de détachements pour des post-doc. La différence entre les inscriptions illégales accordées en classe préparatoire, c'est que les concernés ont pris la place des plus méritants. Alors que le jeune enseignant bloqué ne demande qu'à bénéficier d'une bourse d'excellence qu'il a méritée par voie de sélection internationale (classé 9e sur 71 candidats de différents pays).
Le deux poids et deux mesures, les injustices flagrantes risquent de devenir le lot quotidien des étudiants.
«Monsieur le ministre, arrêtez cette descente aux enfers de l'unique Ecole d'agronomie d'Algérie. Jusqu'où iront ces ‘dérogations de la médiocrité' ?» s'insurgent les enseignants engagés dans la sauvegarde de l'ENSA. Ils demandent au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique d'intervenir pour que le fonctionnement et la gestion pédagogique de leur école soient en conformité avec son rang d'excellence et que les blocages subis par leur collègue dans sa démarche de formation post-doctorale soient levés.
Venant d'un milieu modeste, ce jeune enseignant, qui s'est construit tout seul, est soutenu par ses aînés tout simplement parce qu'il incarne l'excellence de la jeunesse qui doit construire l'Algérie de demain.
Professeur Aïssa Abdelguerfi


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