Pour l'auteur, Hocine Aït Ahmed «fut la seule personnalité à assumer cette position de principe – il s'agit de la protestation suite à l'interdiction du Parti communiste algérien (PCA). Le président Ferhat Abbas lui-même ne l'a pas fait…». Dans les faits, il en fut autrement. Il suffit de se rapporter au livre bien connu de Ferhat Abbas, L'Indépendance confisquée, pour le constater. En pages 136 et 137, Ferhat Abbas écrit : «J'étais président de l'Assemblée nationale constituante lorsque Ben Bella suspendit la publication du journal communiste Alger Républicain et interdit le Parti communiste algérien. Je lui fis observer qu'il portait atteinte à la liberté d'expression et se privait d'une opposition souvent constructive et utile.» Au-delà du fait relaté, l'attachement de Ferhat Abbas à la démocratie, dont il avait fait l'élément moteur de son activité politique, est une constante, un fondement de sa personnalité. Cette position le conduisit à respecter les acteurs de la vie politique et à apprécier leur apport. C'est ainsi que dans sa protestation auprès de Ben Bella, il n'a pas omis de rendre hommage aux hommes du PCA, dont il disait : «Les Alleg, Bachir Hadj Ali, Larbi Bouhali étaient d'authentiques marxistes. Ils étaient prudents et savaient tirer la sonnette d'alarme quand le gouvernement s'égarait dans les fausses voies.» D'ailleurs, comment peut-il en être autrement quand on sait que Ferhat Abbas a subi lui-même, ainsi que ses partisans, les affres de l'intolérance sectaire et politique depuis son combat dans les années 1920 contre le code de l'indigénat et le régime colonial ainsi que les phases suivantes. Cette même situation, hélas, a perduré au lendemain de l'indépendance puisqu'il fut interné, mis en résidence et ses biens confisqués pour être resté fidèle à ses convictions, à la démocratie et à la liberté et contre le pouvoir personnel car il en était persuadé que c'était l'unique chemin pour l'émancipation, la modernité, la justice sociale et le progrès. Cette fidélité, le regretté Hocine Aït Ahmed l'a bien rappelé dans l'hommage rendu dans les colonnes du magazine Jeune Afrique, au lendemain du décès de Ferhat Abbas, le 24 décembre 1985. Aït Ahmed attestait alors que «ce nationaliste modéré ne fut pas modérément nationaliste (…). Tacticien de génie et sans être opportuniste, il eut le sens des opportunités. En leader scrupuleux et intelligent, il a toujours eu conscience de ses responsabilités historiques». Il témoigna qu'il fut «un homme de conviction et de courage». Cela sonne comme un écho aux enseignements et à l'idéal auxquels avaient cru aussi bien Ferhat Abbas que Aït Ahmed, Abane Ramdane, Mohamed Boudiaf et Ben Khedda, qui ont voué leur vie et leur combat pour la consécration de la démocratie comme modèle de gouvernance le plus viable, dont la source est la souveraineté du peuple et l'alternance comme règle immuable de gestion. Mettre en lumière tous les faits de notre histoire récente, des événements et des positions des uns et des autres est, me semble-t-il, une manière de participer à l'hommage rendu à ce grand homme qui chérissait la démocratie et la liberté et qui vient de nous quitter : Hocine Aït Ahmed.