On répète souvent que l'acte d'importer est plus facile que celui d'exporter. Est-ce une question de réglementation, de mentalité ou de volonté politique ? Que ce soient les importations ou les exportations, elles obéissent globalement aux règles du commerce extérieur (passages en douane, logistique internationale, paiements en devises, etc.). Il existe néanmoins des particularités des unes par rapport aux autres. C'est cet aspect qui prédomine dans notre pays. A l'importation, les opérateurs ont la possibilité d'être financés en devises à condition d'avoir une surface financière en dinars suffisante et être en règle sur le plan réglementaire par rapport à l'activité elle-même. Il suffit, dans ce cas, de procéder à la domiciliation bancaire (procédure obligatoire) pour pouvoir concrétiser les opérations d'importation. Avec le niveau élevé des réserves de change, nous avons assisté à une prolifération d'importateurs dès lors que l'accès aux devises est garanti ainsi que la rentabilité. Cela s'est fait malheureusement au détriment de la production de biens et services. En revanche, à l'exportation, c'est tout autre chose. Il est de notoriété que les opérations d'exportation nécessitent un savoir-faire, des frais spécifiques lourds, une confrontation à de nombreux intermédiaires, et une prise de risques élevée, dont on sait que les entreprises algériennes, en majorité des PME, ne sont pas toujours à même d'accepter. Il y a précisément le fait de la taille de ces entreprises en termes de moyens matériels, humains, financiers, organisationnels et technologiques pouvant les handicaper à l'approche des marchés étrangers. Ces raisons avancées ne doivent aucunement occulter la dimension micro-économique où il est reconnu et démontré par des analyses que les entreprises, quelle que soit leur taille, celles dont le chiffre d'affaires comporte un pourcentage élevé de produits exportés, enregistrent un taux de croissance largement supérieur à celui de leurs concurrentes dont les activités à l'exportation sont modestes, voire nulles. Ainsi, une entreprise qui réussit à vendre à l'étranger est donc mieux armée pour affronter ses concurrents nationaux qu'étrangers, car elle est capable de s'adapter à l'évolution des situations. Les infractions et les fraudes liées aux importations nous coûtent cher. Où se situent les limites des systèmes de contrôle et à quels niveaux se situent les responsabilités ? Le démantèlement tarifaire auquel a procédé l'Algérie à partir de 2001 (ordonnance n°01-02 du 20 août 2001 instituant un nouveau tarif douanier) est considéré comme étant précoce du fait que l'économie algérienne, fortement bureaucratisée par un long passage par la planification rigide, et à plus forte raison rentière (rente pétrolière), ne peut logiquement se permettre aussi rapidement une ouverture sur l'économie mondiale sans aucune préparation. Le rush sur les importations a généré des pratiques malsaines qui ont gangrené non seulement le commerce extérieur, mais également toute l'économie nationale. Aussi, relève-t-on des atteintes au contrôle des changes, à la fuite des capitaux par la surfacturation, l'évasion fiscale par la sous-facturation, la mise sur le marché de marchandises de contrefaçon, voire dangereuses pour la santé des consommateurs, la corruption à différents échelons de la chaîne du commerce extérieur, un secteur informel puissant, etc. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics d'assurer un contrôle en amont et en aval des opérations d'importation sans pour autant pénaliser les opérateurs intègres, surtout ceux qui activent dans la sphère de la production. L'absence ou l'insuffisance de coordination des différentes administrations et institutions concernées par le commerce extérieur est manifeste. Il existe de nombreux dysfonctionnements par lesquels certains importateurs arrivent à contourner la réglementation, comme par exemple la pratique des lettres de crédit depuis que le crédit documentaire a été rendu obligatoire pour ceux qui effectuent la revente en l'état. Les entreprises nationales qui arrivent à exporter sont très rares, mais il y en a quand même quelques-unes (SIM, Hamoud Boualem, NCA Rouiba). Qu'est-ce qui rend ces exceptions possibles et pourquoi ont-elles du mal à se dupliquer ? Il est reconnu qu'en Algérie il existe un potentiel latent de diversification des exportations du fait même de la présence de nombreuses PME publiques et privées. Mais l'activité d'exportation elle-même n'arrive pas à décoller malgré la mise en place d'un mécanisme de promotion des ventes à l'étranger, qui d'ailleurs gagnerait à être amélioré compte tenu des limites rencontrées par les exportateurs eux-mêmes. Les entreprises algériennes exportent de façon sporadique. Rares sont celles qui perdurent dans l'acte d'exporter. La question de l'adaptation des produits aux marchés étrangers, l'assistance du secteur bancaire et de la douane, l'assurance-qualité, les normes techniques, la logistique, etc., sont autant de paramètres à prendre en considération pour espérer réussir à l'exportation. Le mode de gouvernance des entreprises, ainsi que la faiblesse manifeste de la productivité constituent aussi des handicaps à l'exportation. Enfin, les pouvoirs publics se doivent également d'ouvrir la voie aux entreprises vers l'exportation en leur facilitant l'accès aux différents marchés. Le commerce mondial est certes régi par les règles de l'OMC dont l'Algérie est encore en dehors, mais cela ne doit pas l'empêcher de déployer une diplomatie sur les plans économiques et commerciaux en faveur de ses entreprises. La signature d'un accord d'association avec l'Union européenne et l'adhésion à la Grande zone arabe de libre-échange n'ont pas eu les effets escomptés en matière d'exportations hors hydrocarbures. La prospection de nouveaux marchés (Afrique, Moyen-Orient, Asie, Amérique latine) doit être continuelle. La crise actuelle nous impose de trouver d'autres sources de devises. Où se situe réellement notre potentiel d'exportation et vers quels marchés faudra-t-il regarder ? En dehors des hydrocarbures, le potentiel d'exportation est latent et en même temps fragile dans l'industrie manufacturière (agroalimentaire, pétrochimie, engrais, etc.) et l'agriculture (produits de pêche, fruits et légumes). L'Algérie a rarement atteint le seuil de deux milliards de dollars hors hydrocarbures. La crise économique nous donne l'opportunité de construire une économie diversifiée nécessitant plusieurs années d'efforts et une stratégie à long terme. Le schéma organisationnel de nos ministères est dépassé par l'ampleur des défis auxquels ils doivent faire face pour arriver à sortir de la mono-exportation. Il faudrait opérer un changement organisationnel qui corresponde à la situation de crise. L'acte d'exporter doit devenir une priorité nationale. Mettre en place divers mécanismes économiques qui ont fait leurs preuves dans différents pays, comme par exemple la création d'une zone franche d'exportations, la mise en place de groupements d'intérêts communs à l'exportation, etc. Et pourquoi ne pas ériger un Secrétariat d'Etat au commerce extérieur pour plus de synergie entre les différents acteurs concernés par les échanges commerciaux avec l'étranger ? Pour le moment, il faut se contenter de gérer les réserves de change le plus rationnellement possible en attendant les probables résultats d'une diversification de l'économie nationale sur le moyen et long termes, à condition de mener de nouvelles réformes, surtout avec la nouvelle orientation du commerce international autour des chaînes de valeur mondiales.