L'ONS n'intègre pas les critères d'analyse adoptés par l'Organisation internationale du travail (OIT). Pour avoir les chiffres réels du chômage en Algérie, il faut réaliser des enquêtes fréquentes et approfondies. Et afin de réaliser cet objectif, il faut avoir un organisme indépendant. « L'idéal pour l'Algérie est de mettre en place un observatoire du travail et que les efforts soient conjugués pour faire une seule enquête sur le chômage dans le pays », plaide Mohamed Saïb Musette, sociologue et spécialiste du monde du travail en Algérie. L'orateur estime, dans ce sens, que les efforts et les moyens matériels sont actuellement dispersés. Cela influe négativement sur l'analyse. « Aujourd'hui, l'ONS fait des enquêtes, les ministères aussi font leurs propres enquêtes. Les efforts sont ainsi dispersés et aucune de ces institutions n'arrivent à faire des enquêtes fréquentes et détaillées », note-t-il, en précisant que la conjugaison des efforts pourrait être bénéfique pour le pays. « Je vous cite un exemple. L'un des secteurs où l'ONS ne donne pas de statistique est l'agriculture dans le monde rural. Dans ce secteur, le travail est saisonnier et l'enquête de l'ONS ne peut pas donner de résultats. Car avec une photo prise en octobre, les statistiques ne reflètent pas la réalité du travail dans le monde rural », explique-t-il. Cela renseigne, on ne peut plus clair, sur le peu de fiabilité des statistiques sur le chômage et l'emploi en Algérie. Un fait confirmé sur le terrain par les protestations sociales et les manifestations de jeunes demandeurs d'emploi. Les jeunes, en particulier les femmes, représentent la plus importante catégorie des personnes touchées par le chômage. Analysant les derniers chiffres de l'ONS, M. S. Musette relève l'ampleur du chômage chez les femmes. « Il faut intégrer la notion de travail décent » « Le taux de chômage féminin, après une baisse momentanée en 2006, a repris l'ascenseur pour dépasser le niveau de 2005, où il était estimé à 17,5%, pour se retrouver à 18,1% en 2009. Par contre, le chômage masculin est en net recul : d'un taux de 14,9% en 2005, il se retrouve à 8,6%. En clair, cette période a été profitable pour les adultes masculins et négative pour les jeunes et les femmes. Et le taux le plus grave est la jeune fille, diplômée au chômage », précise-t-il. Ce taux risque, souligne-t-il, de s'aggraver encore, en sachant que les filles sont plus nombreuses à l'université et réussissent mieux que les garçons. « La déconnexion entre l'université et le marché du travail est ainsi un fait établi. Autrement dit, si on veut agir encore sur le taux de chômage, les populations cibles sont toutes désignées », ajoute-t-il. Abordant la question du travail précaire, le sociologue apporte aussi des éclaircissements. Selon lui, le monde entier s'oriente vers des CDD. Un CDD n'est pas, estime-t-il, synonyme de précarité. « Le problème réside dans la qualité du travail. Les nouvelles normes du BIT portent sur la notion de travail décent : un travail bien rémunéré et pris en charge par la Sécurité sociale », déclare-t-il, en invitant l'ONS à intégrer dans ses enquêtes les nouveaux critères de l'OIT.