Les termes de l'emploi, des salaires et de la productivité ont de tout temps été au centre des débats, étant donné leur impact global sur le niveau de vie des travailleurs, et sur la société en général et l'économie nationale en particulier. En effet, ces trois segments ont fait l'objet de nombreuses initiatives gouvernementales, mais ils demeurent, en dépit de tout cela, des volets qui nécessitent davantage de réflexion. C'est autour de ces trois segments, que de nombreux experts ont été regroupés, dimanche soir au siège de la Fondation Freidrich Ebert Stiftung, à Alger, afin de mettre en balance, durant une conférence-débat, les différentes politiques entreprises par les pouvoirs publics en la matière. Une conférence présidée par M. Bouzidi Abdelmadjid et tenue par M. Hamouda Nacer-Eddine, spécialiste en questions d'emploi. En effet, l'absence d'une politique fiable et crédible d'information économique et sociale en Algérie constitue un important handicap pour prévoir les indices socioéconomiques permettant de planifier des stratégies sur un bon nombre de questions. L'ONS, principal organisme en charge de la statistique, a, d'ailleurs, souvent été pointé du doigt et accusé de publier des statistiques qui ne reflètent en rien la réalité du terrain. Le manque de fiabilité des chiffres et de la crédibilité de l'ONS sont causés, selon M. Hammouda, par une panoplie d'entraves. Problème de transparence et de fiabilité des enquêtes en Algérie Pour lui, l'ONS se focalise uniquement sur le taux de chômage comme un indicateur majeur, alors que le BIT préconise un certain nombre d'indicateurs, environ dix- sept, pour analyser et cerner le marché du travail. En outre, actuellement cet indicateur est calculé sur un échantillon relativement faible, et ce, sans tenir compte de la règle qui dit que la marge d'erreur est très importante, lorsque la taille d'échantillon est relativement faible. Ce qui induit que le marché du travail n'est pas alimenté suffisamment d'informations pour qu'il y ait une analyse fiable. A ce propos, le conférencier dira qu'"il y a un Problème de transparence et de fiabilité des enquêtes en Algérie" En France, le taux de chômage est fixé à partir d'enquêtes de type administratif et non pas ménagères. Alors qu'en Algérie, les statistiques administratives posent un problème. L 'Agence nationale de l'emploi (Anem ) et les autres caisses sont censées enregistrer ne serait-ce que la main-d'œuvre déclarée. Or les données publiées par ces différentes caisses, si on les compare aux chiffres d'emplois créés, on aura des résultats totalement différents. Par ailleurs, la mesure de l'emploi agricole, selon le conférencier, est vraiment problématique. "Les chiffres des enquêtes sont caractérisé de très fortes fluctuations", a-t-il indiqué. Pour ce qui est des salaires, M. Hammouda dira "qu'il y a un problème de la configuration institutionnelle de la statistique publique. La synergie de plusieurs secteurs fait défaut. La statistique publique ne doit pas se limiter uniquement à l'ONS." Selon lui, il y a, également, un problème de l'exhaustivité des estimations de la valeur ajoutée sachant pertinemment "qu'il existe en parallèle une économie informelle beaucoup plus importante que l'économie officielle." Sous un autre angle, le conférencier a noté que l'Algérie exporte essentiellement des hydrocarbures. Sur ce point précis, M. Hammouda a indiqué que "toute cette manne pétrolière qu'on exporte n'est autre que la production d'une infime partie de la population active. C'est environ 2 à 3 % de la population active qui produit la totalité de la richesse nationale", a-t-il souligné. L'Algérieest un importateur netde main-d'œuvre En outre, l'augmentation des recettes pétrolières sans une augmentation de la productivité du travail, et ce, durant une période conjecturale primée par une hausse des cours, a fait en sorte qu'il y a une manne. "Les pouvoirs publics ne se soucient, apparemment, pas de tirer profit de cette manne de manière à créer des emplois permanents". Et d'un autre côté, l'Algérie importe des équipements, des médicaments, des aliments…quelle est la part de la main-d'œuvre qui est incorporée dans toutes ces importations ? En faisant convertir les importations en terme d'emplois, un téléphone importé, par exemple, correspond à beaucoup d'emplois qualifiés. "De cet angle, dira le conférencier, l'Algérie est un importateur net de main-d'œuvre". Autrement dit, à travers les produits importés, on crée de l'emploi sous d'autres cieux. En d'autres termes M. Hammouda dira que "non seulement, l'Algérie souffre d'une manière inquiétante de chômage, mais elle fait la relance des économies des pays pourvoyeurs de nos produits importés". Un des intervenants au cours du débat, en l'occurrence Saïd Anane, responsable de l'emploi et du travail au ministère du Travail, a souligné que l'Algérie utilise des critères fiables pour recenser les chômeurs et que l'Algérie s'inspire dans ce cas des directives de l'Organisation internationale du travail (OIT). En ce qui concerne les méthodes de recensement, M. Anane a souligné que l'Etat peut procéder à des enquêtes auprès des ménages. L'emploi informel est pris en compte dans ce recensement. Même si les concernés se considèrent au chômage dans ce cas, l'Etat considère que la personne concernée a un emploi. Par ailleurs, M. Anane a tenu également à se focaliser sur les dispositifs de la lutte contre le chômage entrepris par les pouvoirs publics, notamment le dispositif d'aide à l'insertion professionnelle (DAIP) ainsi que les mesures incitatives qu'il englobe. En outre, M. Anane dira que l'Anem est en train de connaître d'importantes mutations, ce qui permettrait d'effectuer un travail performant à l'avenir. Sur ce point, le conférencier s'est demandé s'il y a un accompagnement, un suivi et un contrôle pour mesurer le vrai impact de ces dispositifs, tout en déclarant "qu'il doit y avoir un système d'observation indépendant afin de mesurer l'efficacité ou l'inefficacité de cette politique", a-t-il suggéré.