Au village Agouni Arous, dans la daïra de Aït Mahmoud, à une vingtaine de kilomètres au sud de Tizi Ouzou, un recueillement a été organisé sur la tombe de Guermah Massinissa, première victime du Printemps noir, tué le 18 avril 2001 à l'intérieur de la brigade de la gendarmerie de Beni Douala. La mort de ce lycéen a été l'étincelle d'une tragédie qui a coûté la vie à 126 autres jeunes. Spontanément, la région s'était alors embrasée, un embrasement qui s'était propagé comme une traînée de poudre dans toutes les localités de la Kabylie. On avait enregistré des émeutes violentes et des affrontements entre jeunes et éléments des services de sécurité. Les manifestants prenaient pour cibles, notamment, les locaux de la gendarmerie. D'autres victimes tombaient à Bouzeguène, Azazga, Ouacifs, Aïn El Hammam et Tigzirt, entre autres, où l'on a dénombré des dizaines de morts et des centaines, voire des milliers de blessés. Devant cette situation et dans l'optique d'arrêter l'effusion de sang, des citoyens représentant des comités de village et de quartier avaient lancé l'idée de la création d'une structure pour canaliser la protestation. Il s'agit de la Coordination des archs, daïras et communes (CADC), qui avait vu le jour après une rencontre interwilayas qui a eu lieu dans la région d'El Kseur (wilaya de Béjaïa), où avait été décidée la grandiose marche du 14 juin qui avait déplacé vers la capitale des millions de citoyens venus des contrées lointaines pour crier leur ras-le-bol. Là aussi, la répression dans le sang de cette marche avait alourdi le bilan des victimes. Dès lors, les conclaves se multipliaient pour exiger, entre autres, le départ «immédiat» et «inconditionnel» des gendarmes. Une revendication qui a été satisfaite en 2002, avec la délocalisation de 14 brigades de ce corps de sécurité. Mais la crise n'avait pas été réglée, puisque les animateurs du mouvement citoyen maintenaient la pression jusqu'à la dislocation, en 2004, de la CADC entre partisans et opposants au dialogue avec le pouvoir. Un protocole d'accord a été paraphé entre l'Etat et la délégation «dialoguiste» sur «l'application de la plateforme d'El Kseur». Toutefois, d'anciens membres des archs estiment que cet accord n'a pas été respecté par le pouvoir. D'ailleurs, hier, lors d'un meeting animé au centre-ville de Tizi Ouzou, Mustapha Mazouzi, ancien délégué de la CADC, a déclaré que «ceux qui ont assassiné les martyrs du Printemps et leurs commanditaires doivent être jugés. Le combat continue». «Nous n'allons pas pardonner le sang des jeunes tombés sous les balles assassines des gendarmes en Kabylie», a-t-il martelé. Cette semaine, l'heure est également au recueillement à la mémoire des martyrs du Printemps noir dans plusieurs localités. Comme chaque année, les citoyens du village Ath Aïssi, dans la commune de Yakouren, daïra d'Azazga, prévoient de rendre hommage à Kamel Irchen, ce jeune tué le 27 avril 2001 au moment où il aspirait à la liberté, un mot qu'il a d'ailleurs écrit sur un mur avec son sang avant de rendre son dernier souffle.