Le Comité de défense des internés des camps du Sud dénonce, dans une lettre adressée au chef de l'Etat, l'exclusion de ces « déportés » des dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. « C'est une forme de discrimination faite à l'égard de ces Algériens qui ont été arbitrairement déportés dans les camps du Sud au lendemain de l'arrêt du processus électoral de 1992 », a déclaré leur porte-parole, Noureddine Belmouhoub, lors d'un point de presse organisé, hier, au siège national du FFS à Alger. Le comité a choisi le 18e anniversaire du début « des déportations » dans les camps de Reggane pour réclamer « justice et réparation morale pour près de 24 000 Algériens – 18 000 selon la CNCPPDH de Farouk Ksentini – qui avaient passé, pour la plupart d'entre eux, quatre ans dans les différents camps du Sud, implantés dans des zones arides et radioactives de Reggane ».Les internés des camps du Sud, qui portent encore les séquelles des années de déportation, ne comprennent pas pourquoi la charte pour la paix et la réconciliation ne les a pas intégrés dans ses dispositions « alors que des terroristes condamnés par la justice ont bénéficié de ses largesses ». Dans leur lettre intitulée « Les irradiés de la République » adressée au président Bouteflika, ils écrivent : « Il est nécessaire de remédier à notre regrettable exclusion car c'est une forme de discrimination, les conséquences et les plaies sont là, visibles, douloureuses et choquantes, pour évoquer notre arbitraire internement programmé en zone où la présence et la teneur fortes de matières radioactives et pour rappeler l'humiliation des milliers de citoyens algériens et l'atteinte à leur dignité humaine (…). » Ils insistent uniquement sur une réparation morale : « Ceux qui veulent une réparation matérielle sont libres de le demander, mais nous, en tant que comité, nous nous contentons d'une réparation morale et politique », a tenu à préciser Belmouhoub. Il faut rappeler que les internés du Sud, à leur libération, ont réintégré leurs postes d'emploi, mais certains d'entre eux sont, jusqu'à présent, frappés d'interdiction de sortie du territoire national, a assuré un des internés, Ferdjellah Abdelfetah. Une autre « injustice » qu'ils dénoncent dès lors que la justice ne les a pas condamnés. Les internés des camps du Sud se disent être les premières victimes de « la tragédie nationale », d'autant plus qu'ils affirment qu'ils étaient « déportés puis internés dans des camps sans mandat légal et sans aucune forme de procès ». A ce titre, « l'Etat a le devoir moral et politique de faire justice si on veut réellement tourner la page d'un drame qu'on ne pourra jamais oublier », a affirmé Belmouhoub. Ce dernier n'a pas manqué de revenir sur les conditions dans lesquelles les internés avaient été arrêtés par les services de sécurité. « Toute personne soupçonnée d'appartenir au FIS ou sympathisant avec lui était embarquée. Et c'était comme ça à travers tout le territoire national. Nous avons vécu des moments dramatiques et nous portons encore les stigmates des années que nous avons passées dans les camps de Reggane, Oued Namous, Aïn Mguel et autres. En plus des séquelles psychologiques, nous sommes revenus de ces camps avec des maladies mortelles », a rappelé Belmouhoub, qui faisait partie, lui aussi, des internés. A ce propos, il est nécessaire de rappeler que le ministre de la Justice de l'époque, Ali Benflis, avait démissionné de son poste pour « ne pas cautionner des arrestations arbitraires faites en dehors de la loi ». Le Comité de défense des internés du Sud, créé l'an dernier, a indiqué par ailleurs que dans le cas où sa demande n'est pas prise en charge par les autorités du pays, il saisira le Conseil des droits de l'homme de l'ONU. « Après épuisement de tous le recours nationaux, nous allons sans doute interpeller les instances internationales, dont le Conseil des droits de l'homme des Nations unies », a assuré le porte-parole du comité.