La campagne de sape d'une rare virulence menée par les médias publics et privés proches du pouvoir contre l'homme d'affaires Issad Rebrab depuis son rachat de la majorité des actions du Groupe de presse El Khabar dénoncé par le gouvernement pour non-conformité avec la loi sur l'information est passée à une phase supérieure ces derniers jours. Elle s'est transformée purement et simplement en opération de lynchage médiatique. Témoignages accablants présentant l'homme d'affaires sous des traits peu avenants d'escroc patenté, présentation de documents à l'appui censés conforter les accusations de voyou en col blanc portées contre le patron de Cevital et, pour enfoncer un peu plus le clou, on brandit la thèse du complot contre la sécurité nationale et la stabilité du pays en lui faisant endosser la responsabilité des émeutes de 2011 et en l'accusant d'avoir financé le terrorisme. Si tout ce dont on accable aujourd'hui M. Rebrab est vrai, pourquoi l'Etat a-t-il laissé faire et en toute impunité l'homme d'affaires ? Admettre aujourd'hui — comme le font certaines voix officielles appelées à la rescousse pour alimenter le dossier à charge contre Rebrab, à l'instar de l'ancien Premier ministre Belaïd Abdeslam qui a révélé bien tardivement, après un quart de siècle de silence coupable, que M. Rebrab est redevable, dans les années 1990, au service des impôts la bagatelle de 140 milliards de centimes. Pourquoi l'ancien Premier ministre s'était-il tu pendant toutes ces années alors que sa responsabilité était pleinement engagée dans la mesure où, comme il le reconnaît, les faits se sont passés sous son gouvernement, même si, deux mois après cette affaire, comme il l'a indiqué dans son témoignage-accusation à Ennahar, il a été relevé de ses fonctions ? Une telle posture relève des tribunaux pour complicité passive ou active. Le fait de révéler les présumés soutiens à un haut niveau de l'Etat dont bénéficiait l'homme d'affaires, épinglant au passage le Dr Saïd Sadi, ennemi «laico-assimilationniste» — un courant auquel Belaïd Abdeslam a mené une guerre implacable durant son passage au gouvernement — et le défunt Larbi Belkheir qui n'est plus de ce monde pour se défendre, ne l'absout pas de ses responsabilités dans cette affaire d'évasion fiscale. Cette mémoire oublieuse retrouvée au crépuscule de sa vie ne peut pas être mise sur le compte d'un devoir de vérité et d'une quelconque volonté de soulager sa conscience d'un grave préjudice commis à l'encontre du Trésor public, qu'il n'a pas eu le courage politique de signaler et de traiter en son temps. Il n'est pas le seul à se prêter à ce jeu de la mémoire sélective. Avant lui, Ahmed Ouyahia, chef de cabinet à la présidence de la République, lequel avait eu à occuper auparavant plusieurs hauts postes de responsabilité dans les institutions de l'Etat en tant que ministre de la Justice et chef de gouvernement, avait menacé, quelques jours avant que ne s'abatte le déluge de feu sur Issad Rebrab, que si on ouvrait les dossiers de certains hommes d'affaires, il ne donnerait pas cher de leur peau. Pourquoi M. Ouyahia, qui a hérité de cette affaire pendante de Rebrab lorsqu'il était dans l'Exécutif, n'en a jamais parlé et n'a rien fait pour récupérer cet argent dissimulé ? Sur un autre plan, admettre publiquement que M. Rebrab était protégé par des personnalités influentes du système, c'est reconnaître que Abdelaziz Bouteflika, qui est le premier magistrat du pays, est un trois quarts de Président.