Eux, dont les prises de position et les conclusions toujours rapides et compulsives obéissent à des raisonnements souvent complexes et alambiqués, ont délaissé les équations qui ne rapportent plus. Le divorce est tellement consommé qu'en avril dernier, les autorités algériennes, à travers le ministre de l'Enseignement supérieur, Tahar Hadjar, ont tiré la sonnette d'alarme en réaction à des statistiques inquiétantes concoctées par l'autre ministère, celui de l'Education nationale. En effet, cette dernière institution révèle que moins de 4% des élèves choisissent de s'inscrire en mathématiques au lycée. Hadjar reconnaissait que malgré l'ouverture de 145 filières universitaires aux bacheliers en mathématiques, la déficience est importante et cela surtout dans le volet formation de spécialistes en mathématiques, en math info et même en modélisation. «Il est vrai qu'en général le niveau des étudiants a bien baissé en mathématiques. Le constat est bien réel dans les différentes spécialités qui nécessitent l'apport d'un enseignant issu de la faculté de mathématiques», témoigne le professeur Boukhetala Kamel, rapportant l'expérience de ses collègues. Le doyen de l'unique faculté de mathématiques du pays (à l'USTHB, les autres étant selon ce responsable des départements) assure toutefois que les inscrits dans son établissement ont un niveau «satisfaisant à 70%». Mais pour le commun des apprenants et de leurs parents, tous paliers confondus, les mathématiques sont un domaine réservé aux torturés de l'esprit. Dans un nouveau système de valeurs, où même l'algorithme le plus complexe n'arrivera pas à en déterminer les fondements, les maths n'ont pas la cote. Malgré leur univers illimité, ils peinent à investir celui des algériens en dehors des calculs simples sonnants et trébuchant. Y compris dans les «grandes» études, où la majorité des universitaires tentent de fuir cet univers souvent abstrait. «Il y a essentiellement deux problèmes qui empêchent l'essor des mathématiques», analyse le doyen. D'abord, celui de la langue des études. «Dans le primaire et le secondaire, les élèves étudient les maths en arabe. Une fois à l'université, c'est le français qui est imposé. Donc, les inscrits se retrouvent largués. Malheureusement, il n'y a pas de synergie entre le secteur de l'éducation et celui de l'enseignement supérieur», opine-t-il. Le second problème est d'ordre culturel. «Pour être matheux, il faut aimer les mathématiques. Mais, aujourd'hui, avec cette culture de khobzistes, même les parents dénigrent cette spécialité car elle ne rapporte pas», poursuit le Pr Boukhetala. Mais malgré ces maux, les mathématiques reprennent leur place. «La faculté de mathématiques compte actuellement 1 800 étudiants. Elle a 10 laboratoires de recherche, une dizaine de mastères, 4 licences et 260 enseignants. C'est assez conséquent tout cela», se félicité le doyen en affirmant que la diversification des offres de cursus adaptées aux réalités économiques a contribué au nouvel élan de la spécialité. «Nous avons ouverts 4 masters en recherche opérationnelle et un master en mathématiques financières. Ce sont des maths qui s'adaptent à l'environnement. Nous sommes loin d'avoir une économie planifiée, donc, il faut des nouvelles règles. Ces règles sont posées par les mathématiques qui assureront les bases d'une économie volatile», développe le responsable pour dire, que c'est le besoin qui crée la demande sur ce domaine. Avec les mathématiques financières, ce sont les mondes des assurances, des organismes financiers et autres secteurs dépendant des analyses et de l'évaluation des risques qui seront les meilleurs recruteurs. Ainsi, voilà que les études qui semblaient tellement abstraites, touchent du concret sonnant et trébuchant.