Cet article est le fruit d'une réflexion et d'une étude approfondie de la situation de l'Algérie. L'histoire longue et tourmentée de l'Algérie a dégagé son originalité. Elle n'est pas seulement un souvenir, une consolation, une fierté, mais une lumière qui illumine l'avenir. Le peuple est le vrai héro de l'histoire, lui seul la fait. L'Algérie a payé le lourd prix, le prix du sang pour accéder à l'indépendance. La Révolution est comme le piège, elle se referme parfois sur ceux qui l'ont faite. Les martyrs appartiennent à tout le peuple et prioritairement à leurs héritiers, aux membres de leur famille, à leurs enfants, la chair de leur chair. Il y a plus d'anciens combattants après la guerre de Libération nationale qu'avant. Le système politique ne dure que par la corruption et la répression. L'espoir de voir naître en 1962 une République indépendante progressiste s'est effacé devant le détournement de la Révolution, et son accaparement par l'armée des frontières. C'est un fléau qui s'est abattu sur l'Algérie. La nature du système politique mis en place après la décolonisation permet de prendre conscience que l'émancipation du peuple est une condition indispensable pour la mise en œuvre de la souveraineté nationale et la citoyenneté. Il a reproduit le pouvoir colonial, anesthésié le pouvoir populaire, étouffé toute vie démocratique et jugé toute contestation comme atteinte à la sûreté de l'Etat. Une question incontournable se pose avec acuité et mérite réponse. Qu'a apporté à l'Algérie son indépendance ? La libération du territoire. Nous revenons, après une guerre inhumaine, à la cécité politique du colon. A la place du colonialisme externe, le colonialisme interne. Les dirigeants n'ont-ils pas suivi ce qu'a fait dire Albert Camus à Caligula : «J'éliminerai les contradictions et les contradicteurs.» Pour René Cassin, vice-président de la Déclaration universelle des droits de l'homme : «Les guerres d'indépendance ont-elles réellement libéré les peuples et les citoyens, ou leur font seulement changer de tuteurs, de maître, de dominateurs.» Régnant sans frein ni partage, le système politique refuse le dialogue et mène le pays au désastre Il ne faut pas laisser passer sous silence la terreur qu'il a fait régner durant la décennie 1990. La violence engendre la violence, et il est inutile de se demander qui a engendré le processus. La répression a atteint le point culminant avec les arrestations, les procès, les lourdes condamnations qui se succèdent à un rythme impressionnant, qui rappellent celles de la guerre de libération. Le DRS s'est distingué par une férocité exceptionnelle dans la répression. Les prisonniers sont détenus au secret, divers moyens de pression psychologique et physique sont utilisés pour leur extorquer des aveux. La torture était systématiquement et scientifiquement pratiquée pour briser l'individu afin qu'il dépende du tortionnaire. Cette pratique est un «art», une science qui a sa stratégie, ses savants, ses exécutants. Dire non à la torture, c'est dire non à l'inhumanité. Les disparitions forcées ont installé la peur dans le pays. Les services du DRS ont pris le pas sur le pouvoir politique. Ils ne font rien de ce qu'ils disent et ne disent rien de ce qu'ils font. Ils doivent accorder le faire et le dire, et dire ce qu'ils font. Le «qui tue qui ?» Des atrocités ont été commises par les Groupes armés islamiques (GIA) et le système politique. Le peuple algérien mérite une seconde fois la palme de martyr. Il faut parler haut et fort pour enrayer l'intoxication mentale menée par des journalistes qui dénoncent le «qui tue qui ?», qui veut dire que dans la guerre civile la violence répond à la violence. Il n'y a pas de pouvoir judiciaire, seul une autorité judiciaire. La tutelle qu'exerce le système politique sur la magistrature est intolérable. Les magistrats ont accepté de rentrer dans cet engrenage que certains désapprouvent, mais que bien peu ont osé dénoncer. Les locaux de la cour de justice où travaillent les juges et les procureurs et la salle de délibération de la cour étaient truffés de microphones pour les surveiller. Les avocats ont conservé leur indépendance et en toute circonstance leur liberté de parole. Ils ont rendu et rendent de grands services à la cause de la justice et de la liberté. Des voix qualifiées se sont élevées contre l'assassinat de la défense et défendre ce qui reste de la justice. Le pouvoir Le président Abdelaziz Bouteflika imprime sa propre marque à la marche des affaires de l'Etat, et la totalité des grands dossiers relève de sa compétence. Il exerce une dictature parce qu'il dispose de moyens militaires, policiers et du DRS, qui lui permettent de tenir en main les leviers de commande du pays. Il n'a pas le droit, mais le prend, de violer de façon délibérée, voulue, réfléchie, outrageante, la Constitution du 7 février 2016 qui l'a fait passer du statut de monarque absolu au statut de monarque constitutionnel. L'autorité est incontestée à la tête de l'Exécutif, si elle émane d'élections propres et honnêtes. Le Président n'accepte pas les risques électoraux inhérents à la démocratie, et préfère des élections truquées qui lui assurent une victoire à la Phyrrus sans risque et sans gloire. Il ne recule pas devant les moyens illégaux, le trafic des urnes pour arriver au pouvoir et le garder. Il ne peut acquérir la légitimité, car il a été hissé au sommet de l'Etat par des élections préfabriquées, dont le maître d'œuvre est le DRS secondé par le ministère de l'Intérieur et les walis. Désigné par des élections massivement truquées, il usurpe ses prérogatives, substitue au règne du droit le règne de la dictature avec de nouvelles féodalités. Pour assurer à ses clans une prolongation infinie au pouvoir, une seule condition : perpétuer le trafic des urnes. Il faut faire de l'abstention aux élections truquées une consigne impérative, et une attitude offensive. Pour ses partisans, le président Bouteflika va de succès en succès, alors qu'en réalité il va d'échec en échec qui nécessitent un changement pour redonner confiance aux Algériens. Il suffit de prononcer son nom pour que les membres du Parlement «élus» pour la plupart par des élections truquées applaudissent ou se lèvent et acclament en chœur, «l'homme providentiel, le guide suprême». On se croirait en Corée du Nord. Un Président qui n'œuvre pas à établir un Etat de droit expose le pays à la déliquescence de ses institutions, au désordre et à la subversion. Au nom des droits de l'homme, il faut condamner ce pouvoir et les pratiques de sa police politique avec ses agents infiltrés, les délateurs et indicateurs attribués en espèce, les réseaux camouflés sous des réseaux sociaux, qui sont son travail quotidien. Dictature, affairisme, népotisme, corruption sont les quatre piliers de ce pouvoir. L'Algérie ne respecte pas les droits de l'homme, les viole et pratique l'injustice avec continuité La dictature étouffe les droits de l'homme qui contiennent les germes de sa perte, il est juste d'être hostile au maintien de la dictature. Les valeurs fondamentales sont celle du droit contre l'injustice, celle de la liberté contre la tyrannie, celle de l'humanité contre la barbarie. Les valeurs de vérité, de liberté, de justice, exercent une influence sur le comportement politique des Algériens. Les droits de l'homme sont inscrits dans la Constitution, mais ils ne sont pas respectés dans la réalité et constamment bafoués. Ils sont une noble cause qui comporte des risques qu'il faut affronter avec courage, sang-froid et lucidité. La tolérance se nourrit de vitalité, d'humour, d'intelligence, de ténacité et surtout de la conviction inébranlable que le combat vaut la peine d'être mené pour son triomphe. Une dictature qui prépare une Constitution pour une démocratie, c'est une absurdité. Il faut parler des prisonniers politiques et d'opinion comme ceux du M'zab, montrer leurs photos, donner leurs noms, des nouvelles de leurs condition de vie dans les prisons et réclamer leur libération. L'Organisation internationale actuelle des droits de l'homme est basée sur les triptiques : la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH) qui est un monument historique, les deux pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques et aux droits économiques, sociaux et culturels, les mécanismes juridiques de protection et de réalisation des droits de l'homme. Les deux pactes sont des traités juridiquement contraignants. Les Etats qui les ont ratifiés, dont l'Algérie, se sont engagés à accepter un droit de regard international par le biais du Comité des droits de l'homme de l'ONU, sur la manière dont ils respectent les droits de l'homme garantis par ces textes. L'Algérie n'accepte pas les normes juridiques internationales qu'elle a acceptées et vérifiées. Le féminisme est la revendication de liberté et de droits égaux à ceux de l'homme La femme possède les mêmes capacités que l'homme, les mêmes droits doivent lui être reconnus. Dans un pays où la séparation des genres — masculin / féminin — imprègne l'ordre social, il y a refus de faire passer dans les mœurs le principe et la pratique de l'égalité entre l'homme et la femme, qui est la moitié de l'homme pour ce qui concerne l'héritage et le témoignage. Les droits de la femme ne s'exercent que s'ils sont pleinement reconnus et respectés et non violés. Les lois sont faites par les hommes contre les femmes. Il faut donc changer les législateurs qui changeront les lois. La femme est l'égale de l'homme avec le respect en plus. Il faut condamner toute discrimination fondée sur le sexe. Des femmes, nombreuses, parviennent à mener de front leur activité profesionnelle et leur devoir de responsabilité familiale, tout en gardant le patrimoine humain et spirituel de leur origine. Les rivales qui expriment leur féminité sont pourchassées par les femmes à qui elles font de l'ombre, et qui ne laissent pas la misogynie aux hommes. Dans un ménage, le dominant n'est pas celui que désignent les apparences. Comment sortir du dilemme, l'alignement de l'Algérie sur les normes féministes égalitaires et le caractère irréversible de ses obligations internationales ? L'Etat a ratifié le pacte relatif aux droits de la femme, sans l'appliquer ou en émettant des réserves supprimées par la Tunisie. La liberté de la presse et la liberté d'expression sont des biens précieux Elles sont indispensables pour la lutte contre la corruption et l'arbitraire qui sont devenus, sous le règne du président Bouteflika, un mode de vie et de gouvernement. La presse face à la publicité est menacée dans ses intérêts et même son existence. Le prix de revient d'un journal étant parfois supérieur à son prix de vente, il lui faut pour vivre des allégements fiscaux et surtout l'apport de la publicité sans laquelle il lui serait difficile de subsister et surtout de gagner de l'argent. Sauver de la faillite le groupe El Khabar emblématique de la liberté de la presse et de la liberté d'expression, c'est s'exprimer sur l'actualité politique et le débat juridique, c'est donner leur place aux Algériens dans la vie publique, c'est être un acteur de la vie politique, c'est être écouté et entendu. Les Algériens très nombreux, que je salue, qui ont défendu la liberté d'expression qui nous concerne tous dans notre vie, sont-ils prêts à donner ce qu'ils veulent pour ramasser les deux milliards indispensables à El Khabar, parce que les procès en cours seront longs ? Jamais les liens qui unissent le peuple n'ont été aussi forts que dans l'affaire du groupe El Khabar. Maitenant il faut canaliser cet enthousiasme et ce patriotisme pour obtenir le changement du système politique, et non le changement dans le système. La presse ne connaît qu'une limite, l'obligation de vérité. Les journalistes des journaux libres sont sensibles aux arguments que leur imposent leur conscience, leur convictions, leurs sentiments de justice et d'équité, leurs sens de l'intérêt national. Les journaux libres comme El Watan, Liberté, El Khabar, le Soir d'Algérie et le Quotidien d'Oran que je lis, et d'autres, qui informent et forment l'opinion publique, propagent un savoir, un savoir-faire et un savoir-vivre. La justice rend ses jugements sur injonction du pouvoir politique La justice politique ne cherche pas à connaître la vérité mais se contente d'injonctions venues de la chancellerie, et surtout de la police politique. Le juge qui laisse transparaître son idéologie ou son opinion dans l'exercice de ses fonctions n'est plus crédible, ne peut rendre une justice sereine et équilibrée débarassée de la politisation et du parti pris idéologique. L'attachement au principe de l'individualisation des peines doit être réaffirmé, car la responsabilité pénale est personnelle. La justice ne rend pas ses décisions en toute indépendance. Au juge de comprendre d'où souffle le vent, et à quelle raison il doit se plier. Le verdict doit être d'inspiration juridique et non politique. Le problème est de rendre au magistrat dont le rôle de la nation est son indépendance matérielle et spirituelle. L'Etat accepte le recours devant le Conseil d'Etat et la Cour suprême qu'il s'est apprivoisés de sorte qu'il continue à s'octroyer le droit régalien d'être à la fois juge et partie. Le Conseil d'Etat qui doit être l'efficace protecteur des libertés individuelles contre les excès du pouvoir, le rempart de la légalité, le garant des libertés, devient le défenseur du pouvoir exécutif. L'Algérie consomme plus qu'elle ne produit, importe beaucoup et exporte peu à part les hydrocarbures Combien d'irresponsables ont eu la haute main sur l'économie au cours de ces 17 dernières années, ont tenu les rênes de l'économie, les commandes de l'administration, pour s'assurer une longue conservation du pouvoir qui est devenu anarchique et devrait être remplacé. La politique économique et sociale conduite a montré ses limites, le dinar ne cesse de se déprécier, la monnaie n'est que le reflet de l'économie. Le déséquilibre financier et monétaire étant établi, il faut limiter l'accroissement de la masse monétaire, c'est-à-dire arrêter de faire marcher la planche à billets, l'inflation est déjà à deux chiffres. Le pouvoir est du côté des patrons, de l'économie de l'offre et de la demande, les Algériens dans leur grande majorité sont du côté des salariés, de l'économie de la demande et de la redistribution sociale. Abdelmalek Sellal, le Premier ministre, adopte les mesures conservatoires que la conjoncture rend indispensables. Il ne dispose, pas aux yeux du peuple, de qualités de vision nécessaires pour donner les orientations et les instructions que puissent le faire passer du rôle de Premier ministre à celui de chef de l'Etat. Le peuple algérien doit devenir pleinement maître de son destin Dans le système politique, ceux qui commandent le pays ce ne sont ni le président de la République ni le gouvernement, mais les décideurs de l'armée, car qui commande l'armée commande le pays. Le président Bouteflika a voulu inverser les rôles, a-t-il réussi ? Ce n'est pas sûr. Toute son énergie avait pour but d'appliquer la conception de de Gaulle : «L'autorité individuelle de l'Etat est confiée tout entière au Président par le peuple qui l'a élu. Il n'en est aucune autre ni ministérielle, ni civile, ni militaire, ni judiciaire, qui ne soit conférée et maintenue par lui.» La situation actuelle de l'Algérie est grave, une analyse réaliste doit être faite. Il y a un excès de décentralisation, tant sur le plan national que sur le plan régional. La décentralisation allège la tutelle, clarifie les responsabilités, transmet les ressources. L'Etat devra donner aux collectivités locales une véritable autonomie, leur restituer la maîtrise de leurs décisions, ce qui implique la responsabilité de leurs dirigeants. La corruption est un véritable fléau De nombreux dirigeants du pays sont corrompus ou corrupteurs. La corruption s'est développée de façon rapide dans les rangs du pouvoir, affectant tous les secteurs d'activité. De hauts responsables de l'Etat ont été mis en cause de façon argumentée sans aucune démission, ni poursuites judiciaires. Le pouvoir prône l'impunité pour ceux qui le servent. Dans les affaires de corruption sont impliqués tous les organismes décisifs de l'Etat, les collaborateurs du Président qui les protège. L'évasion fiscale permet à des Algériens plus nombreux qu'on ne le croit de déposer dans des paradis fiscaux leur fortune afin d'échapper à la fiscalité de leur pays, ou de dissimuler de l'argent sale issu de différents trafics. Bouchouareb est nommé dans le scandale de Panama Papers. Il ne démissionne pas, car il est préjudiciable de céder devant la pression de l'opinion publique. C'est le signe de la décadence. Par la corruption, des Algériens se sont enrichis pour des générations. Ceux qui franchissent la ligne rouge placent leur argent dans les paradis fiscaux, volent leur pays. Ils doivent selon la loi être traduits en justice et condamnés. Les scandales de la corruption sont si nombreux, qu'ils ne scandalisent plus. Ils impliquent des changements de politique et de personnel politique. Qui connaît le vrai patrimoine de nos dirigeants, et pas ce qu'ils déclarent ? Pour l'homme politique, l'exemplarité est une vertu. Répondre au message défaitiste de Farouk Ksentini, c'est dire pas de pardon pour les corrompus et les corrupteurs, qui ont ruiné le pays. Le président Bouteflika a fait de la dictature le fondement de sa politique La souveraineté du peuple est bafouée par le pouvoir sclérosé, qui considère que ce qu'il fait pour l'Algérie, c'est une dictature qui bénéficie d'un consensus national. Le système politique qui promettait déjà de gouverner «par le peuple et pour le peuple», a reproduit le pouvoir colonial. Bouteflika et Mediène Les signes avant-coureurs s'étaient multipliés depuis longtemps, résultat d'un conflit entre le Président et le chef du DRS Mediène, dit Toufik. Le premier en mettant à la retraite le second a d'après lui éliminé définitivement tout autre pouvoir que le sien. Mais le chef d'éta-major de l'armée Ahmed Gaïd Salah est présent et lui aussi veut le pouvoir. Non seulement Mediène au verbe économe a menacé de lever le voile sur bien des affaires de corruption, en particulier sur celles de la Sonatrach, mais il est passé à l'action en déferant ses dirigeants devant la justice. Il a signé sa mort politique. Dans la loi de la jungle que connaît bien Mediène, l'homme bien armé que se trouve face à un tigre doit l'éliminer ou se laisser manger. Mediène a voulu laisser le temps au temps, pour régler ce problème par les élections, alors qu'il lui fallait agir ou réagir très vite pour arracher non seulement la grosse molaire mais en extrayant d'autres dents cariées. Mediène qui a éliminé tous ses adversaire, a écouté les responsables de son camp et a pris la décision d'écarter le coup d'Etat. Si le Président avait pris l'initiative de se retirer de ses fonctions pour maladie grave et durable qui cristalliserait le soutien des Algériens, cela ne pourrait que le grandir en accomplissant un tel geste qui serait hautement apprécié, et lui vaudrait l'estime du peuple, malgré les immenses dégâts causés par sa gestion catastrophique. Il avait le choix entre la noblesse du renoncement, et le ridicule de l'entêtement. L'élection présidentielle du 17 avril et le spectacle auquel elle a donné lieu, ont montré que le pouvoir n'a pas pris la mesure de ses conséquences désastreuses pour le pays. L'idéologie qui a tenté ou s'est efforcée de légitimer la présence du Président sur la scène politique a trouvé sa meilleure expression dans l'ENTV qui a manipulé et intoxiqué l'opinion publique. L'opposition n'a pas le droit de débattre à la télévision nationale. Le motif de l'interdiction est : «Pas de propagande antipouvoir sur le petit écran, a dit Bouteflika.» Pourquoi le Président est resté au pouvoir, alors que gravement malade, il délégue ses pouvoirs au lieu de les exercer ? Parce que son départ déclencherait des réactions en chaîne inévitables dans ce système politique où si on enlève une pierre principale la maison s'écroule. L'armée détient la réalité du pouvoi La situation politique actuelle du pays permet de tirer la sonnette d'alarme. Il est nécessaire de l'examiner sérieusement sans chercher les subtilités ni sonder les reins et les cœurs, mais seulement les esprits, pour mieux mesurer l'extrême gravité de la situation actuelle, sans perdre sérénité et hauteur de vue. Le pouvoir domine la société par la force et la vertu de l'argent, la force pour l'argent et l'argent pour la force. L'Occident est favorable au pouvoir pour ses intérêts stratégiques, politiques et économiques. Mais restera-t-il insensible si la situation dégénère et gardera t-il le silence qui équivaut à la complicité avec le pouvoir ? L'Algérie est-elle sous la menace d'une guerre civile ? L'après-Bouteflika a commencé. Il y a un conflit au sein de l'Etat. Le pouvoir étouffe les divisions au sein de l'armée et leur surgissement au grand jour est nuisible à chacun des clans. Tout pouvoir qui n'a pas le consentement libre des gouvernés est illégitime. Le pouvoir sera-t-il transféré de manière constitutionnelle par des élections pour la première fois propres et honnêtes, qui éliront comme Président un homme ou une femme de manière démocratique ? Je ne sais qui a dit : «Il faut que les choses s'enveniment encore, avant qu'elle puissent s'améliorer.» Mesmer, ministre de la Défense de de Gaulle, a écrit : «Une intervention militaire qui opprime le peuple, conduit lentement mais sûrement le peuple à la ruine, tout en enrichissant les tenants du pouvoir.» Le général de corps d'armée Ahmed Gaïd Salah qui se défend en attaquant, acceptera-t-il d'opérer une nouvelle distribution des attributions militaires et des responsabilités. La chute des trois tyrans, Ben Ali, El Gueddafi et Moubarak, n'a pas été suivie de la libération des peuples. L'été sera sans doute moins chaud politiquement qu'on peut le craindre, mais qu'en sera-t-il de l'automne et de l'hiver ? La Kabylie a eu son printemps le 20 avril 1980, mais l'été et l'hiver politiques sont vite venus et après ce fut la nuit, parce qu'elle a défendu la démocratie la liberté et la justice, le pluralisme politique, syndical et culturel et le respect de la vie humaine. La certitude est que le chef d'état- major de l'armée ne prendra le pouvoir que contraint par les événements. Un comité de sages La succession du président Bouteflika selon le système politique sera assurée par l'armée, qui comme d'habitude désignera une façade civile. La maladie grave et durable du Président a ébranlé le pays dans ses profondeurs et les conséquences ont pris de l'ampleur. Le système politique s'est trouvé face à trois difficultés, dont il a mesuré l'extrême gravité : le maintien du Président au pouvoir qui ne fait que déléguer ses responsabilités, l'armée qui détient la force et veut elle aussi le pouvoir, tout le pouvoir, peut avoir recours non pas au coup d'Etat, mais à l'état d'urgence, ou à l'état de siège, le peuple qui veut reprendre sa souveraineté et élire ses représentants à toutes les institutions de l'Etat par des élections propres et honnêtes. L'état d'urgence qui a duré 19 ans n'a pas éliminé la volonté du peuple d'être maître de son destin. Le changement se fera-t-il par un changement brusque et violent, un coup d'Etat pour maintenir les clans du pouvoir au pouvoir, par le recours au suffrage universel ? Là est le problème. En cas de changement par le pouvoir, quelle sera la réaction du peuple, va-t-il agir ou garder une passivité qui ne cesse d'étonner, opposer une faible résistance, ou se mobiliser pour modifier le rapport de force actuel ? Pour le chef d'état-major de l'armée, Ahmed Gaïd Salah, la politique d'agressevité perd de sa sérénité, mais pose pour lui l'épreuve du bac philo de cette année : être ou ne pas être. L'Algérie est divisée en deux, celle du pouvoir, de ses alliés et de ses ralliés et celle du peuple toutes tendances confondues. Deux idées sont à étudier. La première est que pour relier les deux parties de l'Algérie séparées par une rivière en crue, il faut un pont. La deuxième est que le feu dans la maison Algérie risque de s'étendre et il est urgent de l'éteindre. Réunir 20 à 30 personnes qui ont des convictions et des vues divergentes, mais unies par l'amour, qui ont une vision, une stratégie et une tactique, qui donneront à notre pays la politique réaliste et progressiste dont il a besoin. Ce comité de sages doit sortir le pays de la crise qu'il traverse et éviter une explosion. La recherche de la paix est primordiale, et les difficultés nombreuses. Elle est l'expression de la volonté, se bâtit sur la liberté et conduit à la liberté qui libère des forces nouvelles. Réaliser la collaboration la coordination la communauté d'action de toutes les forces patriotiques pour construire une Algérie forte et solidaire, qui puisse faire entendre sa voix au niveau régional et international, afin de réunir les peuples ayant la vision lucide d'un avenir commun.