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Témoignage du défunt Omar Belouchrani
Publié dans El Watan le 17 - 07 - 2016

Membre de la direction de la Fédération de France du PPA-MTLD 2,3 , il a été associé aux préparatifs à l'origine du 1er Novembre 1954 et mis dans la confidence par Mohamed Boudiaf, bien avant des militants responsables à un niveau élevé1, ce qui l'a conduit à s'engager progressivement dans le CRUA1. Il a été par la suite membre de la direction politique du FLN – 1955 – Fédération de France du FLN4, ainsi que membre fondateur de l'AGTA (Représentation de UGTA en France) 5,6,7.
Omar Belouchrani a été arrêté le 12 novembre 19578 à Paris, emprisonné d'abord à Barberousse (actuellement Serkadji), puis au camp de Berrouaghia. Après sa libération à l'été 1959, il quitte l'Algérie pour rejoindre la Tunisie, puis la RFA, où il se met au service du FLN et de l'UGTA1. A l'indépendance, il est élu membre de la Commission exécutive de l'UGTA. Il a reçu la médaille de résistant, ainsi que le titre de Cadre supérieur de la nation dans les années 1980. Il est décédé le 2 janvier 2011. Ses enfants ont tenu à lui rendre hommage en évoquant son combat à travers la publication de ces quelques lignes écrites en 2002 sur une partie de son parcours durant la révolution algérienne :
«J'ai été présenté aux dirigeants du DGB1 en tant que représentant de la délégation extérieure de l'UGTA par Tunis, pour régler les problèmes des travailleurs algériens en Allemagne et établir les meilleures relations possibles entre les deux centrales syndicales dans le cadre de la solidarité internationale, puisque affiliées à la CISL2.
Grâce à l'appui et l'aide de M. Hans-Jürgen Wischnewski, secrétaire du SPD3 député à l'Assemblée européenne de Strasbourg (menacé de mort par la «main rouge», cette solidarité eut un aspect concret et immédiat. Cet ami sincère de l'Algérie, bien connu de nos dirigeants, créa un «comité d'entraide aux travailleurs nord-africains» pour nous permettre de disposer d'un bureau au centre-ville de Cologne en son nom, et donc couvert part l'immunité parlementaire. En fait, tous les travailleurs algériens de la RFA étaient des militants du FLN.
Au départ, Bonn était une sorte de zone de lieu de transit pour les Algériens pour rejoindre la Tunisie et le Maroc. Ensuite, l'arrivée de jeunes Algériens fuyant le service militaire français posait un problème par leur nombre. Il fallait les loger, leur trouver un emploi, pour ne pas être une charge pour la Fédération. Les militants syndicalistes, anciens responsables de l'AGTA dissoute, avaient pour mission d'assurer cette tâche en accord avec l'ambassade algérienne à Bonn et l'organisation régionale d'Allemagne (FLN) sous l'autorité de la Fédération.
Début 1960 : l'activité syndicale déployée en RFA, sous le couvert de la délégation de l'UGTA, était dans la réalité une activité sociale et syndicale de la Fédération de France.
Les permanents constituant ce collectif «syndical» étaient :
• Mostefaoui (que j'ai remplacé)
• Sadki Allaoua à Cologne
• Sleymi Saïd à Stuttgart
• Mouloud Kabene (Aissani Rachid à Essen)
En 1961 : Damaerdji Oudjedi Djillali et Nehar Rabah (après une formation de deux années en DDR4) sont venus nous rejoindre. Nehar Rabah fut désigné en Belgique, Allouchiche Smaïl et Boussaad Moussa, qui terminaient leur formation syndicale par un stage pratique dans les syndicats du DGB à Cologne, étaient en contact permanent avec le collectif.
Ce collectif se réunit régulièrement à Cologne pour :
• Evaluer le travail fait
• Coordonner les actions à entreprendre
• Faire le point sur les relations avec les autorités locales et syndicats allemands.
• Rembourser éventuellement des frais ou dépenses justifiés.
• Etablir un bref rapport d'activité.
Exemple d'activité :
Les jeunes Algériens étaient réceptionnés par un service de l'ambassade à Bonn. Dès qu'ils étaient plus de six, un groupe de 6 à 12 militants était constitué.
1- Une réunion était tenue pour les sensibiliser genre : «Vous êtes des représentants du peuple algérien en guerre …», «vous devez avoir un comportement digne». «Respecter le pays d'accueil» etc. (De toute façon, l'encadrement politique était la mission de l'organisation).
2- On leur donnait toutes les informations sur leur destination, la date de départ, etc. Les militants étaient avisés et les attendaient sur le quai de la gare d'arrivée et les prenaient en charge pour tout le reste : logement, emploi, permis de séjour, permis de travail, etc. Les destinations :
Hambourg, Bern, Duisburg, Essen, Dortmund, Frankfurt, etc.
Je souhaite souligner que durant toute l'activité de ce collectif, il n'y eut jamais d'interférence ou le moindre malentendu avec les structures de l'organisation ou du service de l'ambassade. Tout se déroulait dans une parfaite harmonie et le respect mutuel à tous les niveaux et sur le terrain. Nos militants, là où ils se trouvaient, développaient les contacts avec leur environnement et gagnaient la sympathie des Allemands envers l'Algérie.
Je pense que les dirigeants allemands appréciaient que le collectif était vraiment composé de syndicalistes, que son activité était syndicale, sociale et donne des résultats concrets. Aucun Algérien ne cachait son appartenance au FLN, le DGB et le SPD aidaient l'Algérie dans son combat. Mais sur le plan syndical, le DGB était à l'aise envers ses voisins.
Diverses circonstances ont fait que nous avions, sans le vouloir, acquis le respect de nos partenaires par notre comportement quotidien, notre sérieux, à tel point que le collectif «devenait une autorité morale».
Exemple : lors d'une rencontre avec le «président» de Hambourg M. Blackstein, un des plus hauts responsables du SPD, nous nous sommes engagés à «assainir» éventuellement le groupe d'Algériens résidant à Hambourg dans le mois qui suivait si cela était nécessaire et demander de nous-mêmes l'expulsion des éléments «indésirables» en fournissant aux autorités les billets d'avion pour ce faire.
Il nous a accordé un délai de 3 mois pour régler nos problèmes d'Algériens. Quarante jours plus tard, M. Blackstein nous fait savoir qu'il a ordonné à la police de Hambourg, en cas de rafle ou de vérification d'identité ou autre, l'Algérien est dispensé de présenter quoi que ce soit. Il suffisait qu'il dise : «Je suis Algérien». En fait c'était «un sauf-conduit verbal».
Cette information aurait fait le tour des sièges de «la police des étrangers». Notre ami Wischnewski, tout en nous félicitant de ce succès, nous exprima sa joie d'avoir été l'intermédiaire et ressentait cela comme un hommage.
Fin 1960 : nous avons demandé à M. Willi Richter, président du DGB, qui, à l'époque comptait six millions d'adhérents, l'éventualité d'une formation syndicale de nos jeunes travailleurs dans leur centre de formation syndicale. Nous eûmes l'accord de principe, mais un certain délai était nécessaire pour permettre l'étude du projet par les responsables concernés.
Début 1961, au bout de deux mois je crois, le président du DGB nous propose :
1- Les stagiaires — un groupe de 20 à 25 — feront d'abord un stage d'apprentissage de la langue allemande à l'Institut Goethe, prise en charge totale par le DGB, plus une modeste somme «d'argent de poche» pour chacun. Durée du stage : 3 mois.
2 – Stage de formation syndicale de six mois dans un centre d'études du DGB près de Frankfurt, avec internat «argent de poche» maintenu.
3 – Possibilité d'un autre stage pratique dans les structures syndicales, avec prise en charge pendant six mois pour ceux qui auraient bien travaillé.
La responsabilité, le choix des éléments, leur suivi durant le stage…, nous incombaient entièrement.
La liste des candidats, une vingtaine, fut dressée avec l'avis favorable du collectif syndical et le frère Abderrahmane Barra, responsable de l'organisation en Allemagne. Les stagiaires furent informés de l'adresse de l'Institut Goethe à rejoindre, à la date fixée par le DGB.
Le directeur du centre d'études à Frankfurt, à notre deuxième visite du stage, nous a fait une évaluation positive du déroulement des études. Par la suite, il était clair que nous pouvions préparer un deuxième stage. Le directeur s'étant investi totalement et satisfait de l'ambiance
«algérienne» créée au Centre.
Le deuxième stage démarra début 1962, avec un effectif plus réduit, mais se termina en «queue de poisson», du fait du «cessez-le-feu» et la préparation du référendum. Fin 1961, la clôture du premier stage fut organisée par la direction et les stagiaires comme une fête, en présence du président du DGB, M. Richter, qui se déplaçait assez rarement. Il y eut la télévision et même un méchoui. Mais le succès de ce stage et le sérieux des stagiaires nous ont valu une bonne surprise.
Début 1962 : le DGB édita deux timbres syndicaux de solidarité pour l'Algérie de 10 et 20 fenning (centimes de DM).
Le collectif assurait la représentation de l'UGTA à la demande de Tunis. C'est ainsi que des membres se sont déplacés, à ce titre : Sadki Allaoua à Belgrade ; Mouloud Kaben à Conakry ; Nehar Rabah en Belgique, pour répondre à l'invitation faite à l'UGTA de Tunis.
– Nous avons assisté le frère Abderrahmane Bouzar, délégué par Tunis au congrès du DGB ainsi que le frère Boualem Bourouiba, qui nous rendit visite en 1962.
– Boualem me suggéra de voir avec le DGB la possibilité d'une intervention auprès de Volkswagen pour obtenir une réduction conséquente des prix de véhicule que l'UGTA envisageait d'acquérir.
J'ai informé, directement le président du DGB que l'UTGA aurait besoin de véhicules pour pouvoir se restructurer très rapidement. Nous avions très peu de moyens et que l'achat seulement de 2 voitures à Alger était une grande dépense dans l'immédiat.
Le président m'assura que le DGB prendrait à sa charge les voitures demandées. Moins de deux mois après, une délégation du DGB conduite par M. Richter arrivait à Alger pour offrir à l'UGTA un lot de 25 voitures Volkswagen dont 5 minibus équipés de haut-parleurs.


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