La programmation de cette réunion survient en rapport avec l'initiative du gouvernement d'union nationale, lancée depuis le 2 juin dernier par le président Béji Caïd Essebsi et à laquelle neuf partis politiques ont adhéré, en plus des centrales ouvrière (UGTT), patronale (Utica) et agricole (Unapt). Elle survient après le consensus dégagé entre les signataires de l'accord de Carthage sur le départ de Habib Essid. De longues tractations ont eu lieu entre les deux têtes du pouvoir exécutif, à Carthage et la Kasbah, avant de parvenir à cette issue. Finalement, et parce qu'il a refusé la démission, «assimilé à la désertion en temps de guerre», selon lui, le chef du gouvernement, Habib Essid a fini par se résigner à demander le renouvellement de la confiance du Parlement en son équipe. Une lettre a été adressée, mercredi dernier, dans ce sens au président de l'ARP. Le bureau de l'Assemblée s'est réuni, le lendemain, et lui a donné une suite favorable, en fixant au 30 juillet le vote de confiance. Abstention Habib Essid a donc demandé à l'ARP de lui renouveler sa confiance. L'article 98 de la Constitution prévoit en la matière la nécessité, lors du vote, d'avoir une majorité absolue en faveur du maintien du gouvernement. Or, le rapport de forces s'est déjà précisé lors d'un vote similaire au sein du bureau de l'ARP, sur l'éventualité de convoquer le chef du gouvernement pour soulever des questions. Lors de cette réunion, seul le représentant d'Ennahdha s'est abstenu, les autres ont été favorables à réprimander le gouvernement, mais l'abstention équivaut déjà à le laisser tomber. Donc, les jeux semblent déjà faits. Par ailleurs, le chef du bloc parlementaire de Nidaa Tounes, Soufiane Toubel, a affirmé hier sur les ondes de Radio Shems Fm que les députés de son parti n'accorderont pas la confiance à Habib Essid et qu'il est probable qu'ils s'abstiendront lors du vote. Soufiane Toubel a en outre précisé qu'une réunion du bloc se tiendra demain pour fixer la position à adopter lors du vote, en attirant l'attention sur le fait qu'accorder la confiance (ou la refuser) n'a rien à avoir avec les menaces dont le chef du gouvernement dit être victime. Du côté d'Ennahdha, les échos en provenance de Montplaisir laissent entendre que ce serait probablement l'abstention aussi. Une réunion de l'une des instances du parti décidera. Ce sera probablement le bureau exécutif, en vertu des recommandations du conseil de la choura en la matière. Avec une telle position d'Ennahdha et de Nidaa Tounes, le sort du gouvernement de Habib Essid est déjà scellé. Selon le politologue Slaheddine Jourchi, les deux partis optent pour l'abstention pour laisser la possibilité de reconduction des ministres appartenant à leur formation. Constitution et consensus Le choix de passer par cette voie pour démettre Habib Essid vient du fait que c'est l'unique possibilité constitutionnelle allant dans le sens de l'initiative présidentielle et prenant en considération les conditions actuelles de la vie politique en Tunisie. En effet, l'article 98 de la Constitution dit : «Le chef du gouvernement peut solliciter de l'Assemblée des représentants du peuple un vote de confiance relatif à la poursuite des activités du gouvernement… Si l'Assemblée ne renouvelle pas sa confiance au gouvernement, celui-ci est considéré démissionnaire… Dans ce cas, comme dans le cas de la démission, le président de la République charge la personnalité la plus apte de former un gouvernement selon les exigences de l'article 89.» En effet, la classe politique en Tunisie veut destituer Habib Essid, sans proposer quelqu'un pour le suppléer et ceci n'est possible que dans ce cas de figure. La motion de censure, prévue par l'article 97, doit s'accompagner par la proposition d'un nom pour la présidence du gouvernement. La destitution du chef du gouvernement selon les termes de l'article 99 (sur proposition du président de la République) n'est pas applicable pendant l'état d'urgence. Après la destitution de Habib Essid, prévue samedi prochain, la Tunisie va donc vivre dans les semaines qui suivent les tractations pour choisir le nouveau chef de gouvernement ainsi que l'équipe qui va l'épauler. Ce ne sera pas chose facile de trouver un consensus entre les neuf partis politiques et les trois organisations nationales qui ont signé l'accord de Carthage.