Oul Lahlou revient ce printemps avec une plaquette aussi rêche que délicate. Un opus qui confirme l'allure duelle de l'artiste qui chante tantôt comme on sifflote, tantôt comme on mène une bataille. Azul Al Paris ! (Salut Paris) est le sixième album de l'auteur d'Ithbirenne (les pigeons) mais à qui colle toujours et collera encore le vociférant « Pouvoir assassin ». Une salve émeutière qui a fait fureur au temps, pas lointain, de la fronde du printemps noir. Anticonformiste à souhait, un soupçon anarchisant, avec son look franchement et résolument seventies, l'auteur-compositeur confirme là aussi sa vocation de briseur de tabous, quitte à se revendiquer saloupri et à faire froncer des sourcils. Dans Ifrakh tsaghanine (les oiseaux chantent), il tourne ainsi en ridicule la horma en haillons, celle d'abord insidieuse de la morale et l'hypocrite scandale de ceux qui croient que « l'olivier a été juste créé pour qu'il soit de leur main secoué »...un hymne à la fois rageur et ingénu à l'amour et à la liberté. Achnaf (moutarde sauvage) métaphore « botanique » du dédaignable dans l'imaginaire rural, en veut pour sa part à la violence sous toutes ses formes, celles du père et des différents avatars de l'autorité. La même malice créative est derrière Amarkoub n' Da ouali (l'âne de Da Ouali), une adaptation libre de Gare au Gorille de Georges Brassens, les insinuations salaces tournées en allusifs politiques. Des titres où le chanteur ne se prend pas la tête, cela dit, et qu'il décline un peu en s'amusant. Le ton n'est pas le même dans des titres dédiés aux aînés de la chanson kabyles, les Idir, Aït Menguellet, Matoub Lounès et Ferhat, amont fertile à qui il rend grâce. Ou cet autre où le chanteur adapte avec fortune l'antologique Métèque de Moustaki. Le résultat en est un délicieux épanchement de la poétique précieuse et indémodable des troubadours modernes dans un album qui, par ailleurs, s'abreuve des sources du terroir. Enfin Oul Lahlou tente le coup et chante en français un texte de Jean Krichnar. « Là d'où je viens là d'où je suis » est un morceau qui réclame une nouvelle fois la liberté et revendique la géographie du plaisir et de la vie comme pays. Les titres mis en musique par l'auteur portent également l'empreinte gracieuse de cet arrangeur de talent qu'est Bazou. On a droit à des envolées allègres, des berceuses, à des sonorités rock, à des touches du folklore... un produit super varié en somme que le cercle réduit des proches qualifie déjà d'album le plus élaboré d'Oul Lahlou. Azul Al Paris ! Devait être mis dans les bacs à partir du 7 mars en France et un peu partout ailleurs, puisque bénéficiant de la distribution internationale, pour être disponible quelques jours après dans le pays. Oul Lahlou est en concert au New Morning à Paris, aujourd'hui.