Le message du Congrès de la Soummam a été politique et sa démarche stratégique. Il avait signé, comme le soutiennent ceux qui y ont pris part, les bases d'un Etat algérien civil et moderne, en structurant et organisant la lutte par régions et en donnant la ligne directrice de ce que l'indépendance devait être le nom. La Soummam affirmait la primauté du politique sur le militaire et appelait à la constitution d'une République démocratique et sociale. Que reste-t-il du message des congressistes ? Une date pour certains, un symbole pour d'autres. Si le régime a tout fait pour réduire de l'importance de ce congrès et même l'occulter, les partis de l'opposition n'ont pas été nombreux à se revendiquer du message de la Soummam. Si certains évoquent cette date juste à l'occasion, seuls le Front des forces socialistes (FFS) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) reprennent dans leurs discours, de manière récurrente et avec insistance, la référence au Congrès de la Soummam et l'importance d'appliquer la revendication majeure de République démocratique. «Le sens capital de cet événement réside dans la nature politique et contractuelle d'une stratégie de libération nationale élaborée par le Congrès de la Soummam… Pour la première fois, le FLN se donne une plateforme politique. Mais une première également, les structures de l'ALN et du FLN ont été précisées… Le principe de la primauté du politique sur le militaire avait une portée et garde, jusqu'à nos jours, une validité incontestable», disait feu Hocine Aït Ahmed dans un entretien accordé au Quotidien d'Oran en 2002, sur ce que fut le Congrès du 20 août 1956. Hocine Aït Ahmed avait soutenu le Congrès de la Soummam, contrairement à d'autres dirigeants du FLN de l'extérieur. «J'étais le seul, à la prison de la Santé, à reconnaître les décisions du Congrès de la Soummam. Pour toutes les raisons indiquées et surtout en raison du consensus national qui y fut esquissé et qui pouvait servir de support international à la constitution d'un gouvernement provisoire», témoigne Aït Ahmed, qui y voyait un consensus salutaire pour constituer en urgence le GPRA et en finir avec la lutte de clans et de personnes. Et d'ajouter dans le même entretien : «L'Algérie n'en serait pas là, exsangue et dévastée, si Abane n'avait pas été assassiné par les siens et si Ben M'hidi n'avait pas été exécuté par les autres. En d'autres termes, si le principe du primat du politique sur le militaire avait été respecté.» Et de noter : «La Plate-forme de la Soummam a été le premier pacte politique contractuel, donc fondé sur le respect du pluralisme et non pas sur un consensus populiste.» C'est le sens d'ailleurs de la démarche de sortie de crise que prône le FFS à travers la refondation d'un consensus national. Rééditer un Congrès de la Soummam sur l'urgence de dépasser la logique des clans et sauver le pays du pire. La référence à la réunion de la Soummam est présente dans quasiment chacune des sorties médiatiques importantes de ce parti, créé en 1963, en réaction d'ailleurs au coup de force militaire qui avait mis au pas le politique. Recueillement, meeting populaire et conférences seront au rendez-vous de la commémoration par ce parti de la date du 20 Août 1956. « Espoir inachevé» Pour le RCD, la référence à la Soummam est un devoir car elle représente «l'espoir inachevé d'un peuple». «La conduite de la Révolution pour une Algérie démocratique et sociale était le concentré des résolutions du Congrès de la Soummam dont nous célébrons aujourd'hui le 60e anniversaire. Il n'est nullement utile de chercher à développer un argumentaire pour démontrer que ce Congrès constitue l'acte ultime des luttes pour la résurgence et la refondation d'un Etat algérien après la longue nuit coloniale et la période trouble de l'occupation ottomane», nous dit Atmane Mazouz, secrétaire national chargé de la communication au RCD. Notre interlocuteur estime que «60 ans après, les résolutions du Congrès de la Soummam restent d'actualité. On ne peut que s'incliner devant la pertinence et la lucidité du texte». Atmane Mazouz souligne que depuis sa création, «le RCD a produit plusieurs documents qui mettent au centre le moment fondateur de la Soummam pour l'Etat algérien. L'essence démocratique et sociale de ce que doit être notre Etat est au cœur du programme du parti, mieux dans la plateforme de transition élaborée à Mazafran avec d'autres forces politiques, en juin 2014, elle a été notre fil conducteur». Et d'affirmer : «Les tentatives de restaurer un système qui a conduit le pays à la ruine au moyen d'un retour à la pensée unique indiquent que les héritiers des pourfendeurs de la Soummam sont de plus en plus isolés… Soixante ans après, les espoirs suscités par les efforts d'ingénieux façonniers de l'Algérie indépendante, on en est encore face à un pouvoir qui cherche à esquiver et repousser l'avènement du projet de la Soummam dans le but d'enchaîner le pays et l'empêcher de vivre dans son époque.»