Qu'est-ce qui empêche l'Etat algérien d'agir et de procéder à un diagnostic exhaustif des incidences de ces essais et d'exiger de la France réparation ? Selon le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques présenté à l'Assemblée nationale française, le 5 février 2001, sous le titre « Les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France entre 1960 et 1996 », c'est en février 1956 que l'Etat français a décidé de se doter de l'arme atomique, soit durant la guerre de Libération menée héroïquement par le peuple algérien. La question du choix du site destiné aux essais nucléaires s'était posée avec acuité et c'est naturellement que le gouvernement français avait opté, sur proposition du « groupe mixte des expérimentations nucléaires », en 1957, pour le Sahara algérien. Un site situé à 700 km au sud de Colomb Béchar, à proximité de Reggane. Dans ce rapport, il est fait mention du déroulement des essais nucléaires, et la base avancée pour le tir choisie était à Hamoudia. Cette base, qui comprenait tous les moyens logistiques nécessaires (aérodromes, forages pour l'alimentation en eau, base vie située à 15 km de Reggane), était dénommée Centre saharien d'expérimentations militaires (CSEM). C'est dans ce site qu'ont eu lieu les quatre premiers tirs atmosphériques effectués entre le 13 février 1960 et le 25 avril 1961. Les essais en galerie eurent lieu, quant à eux, plus au sud et à l'est, à proximité d'In Ecker, à 150 km au nord de Tamanrasset, au niveau d'une autre base dont l'intitulé est Centre d'expérimentations militaires des Oasis (CEMO). La population saharienne vivant dans un rayon de 100 km autour d'In Ecker avoisinait, en ce temps, deux mille personnes, note le rapport des parlementaires français. Les effectifs des personnels civils et militaires affectés aux essais comptaient environ dix mille personnes au CSEM à Reggane et deux mille logées en base vie au CEMO à In Ecker. Aux termes de ce rapport, il ressort clairement qu'il y a eu deux types d'essais : les essais aériens de Reggane et les essais en galerie dans le Hoggar. Les essais aériens à Reggane Le premier essai, dénommé Gerboise Bleue, du 13 février 1960, suivi de Gerboise Blanche du 1er avril 1960, Gerboise Rouge du 27 décembre 1960 et Gerboise Verte du 25 avril 1961, effectués à partir d'une tour, dont les explosions eurent lieu à 100 mètres d'altitude, ont été « à l'évidence très polluants », selon les indications du physicien français Yves Rocard qui assistait à ces expériences. En effet, de l'aveu même des spécialistes en la matière, même pour des explosions à faible altitude, les aérosols fortement radioactifs produits par l'explosion restent en suspension dans la troposphère ou dans la stratosphère pendant plusieurs années. Tenant compte de l'hypothèse selon laquelle il pourrait exister une zone contaminée de 150 km de long environ de la zone d'essais, cela nous conduit à penser que certaines régions proches du lieu du tir devaient receler une dose substantielle de radioactivité. Les essais en galerie dans le hoggar En 1961, les autorités françaises, qui faisaient l'objet de critiques de plus en plus vives de la part des pays africains situés à la périphérie du Sahara, s'étaient rendues compte que la technique d'essai utilisée était à l'évidence polluante malgré toutes les précautions prises pour minimiser les retombées. On décida alors d'abandonner les essais aériens à Reggane et de s'orienter vers des tirs souterrains qui devaient permettre de « piéger » dans la roche la plus grande partie des éléments radioactifs produits par les explosions. La solution retenue fut celle de tirs en galerie, dans un massif granitique du Hoggar, le Tan Afella. Les engins à tester étaient placés au fond de galeries horizontales longues de 800 à 1200 mètres, refermées par un bouchon de béton. Même si les autorités françaises en charge des essais tentent de minimiser les impacts en expliquant, dans les différents rapports présentés, que la sécurité des explosions était améliorée puisqu'une grande partie de la radioactivité, expliquent-elles, restait contenue dans la cavité formée par le tir, toutefois ce qui est redoutable pour nombre de spécialistes est que les produits de fission volatiles ou gazeux pouvaient en effet s'échapper sous l'effet de la pression. C'est ce qui devait arriver, en effet, le 1er mai 1962, où un nuage radioactif s'est échappé de la galerie de tir, d'après de nombreux témoignages. Ces tirs ont perduré jusqu'à après l'indépendance de l'Algérie. De novembre 1961 à février 1966, 13 tirs en galerie ont été effectués. En ce sens, se pose la question des déchets qui auraient pu résulter des opérations d'essai. Les installations ont certainement été démantelées mais, comme le regrettent certains spécialistes qui indiquent que peu de détails ont été donnés sur la nature de ce démantèlement et sur d'éventuelles opérations de décontamination effectuées sur le site, la destination des déchets produits au cours des expériences et par les opérations de démantèlement. C'est pourquoi il est nécessaire de rouvrir aujourd'hui ce dossier et de faire le point, de façon sereine et objective, sur les tenants et aboutissants qui entourent ces essais et pouvoir, corrélativement, répondre aux questions qui s'imposent. Pourquoi la France a-t-elle continué à expérimenter l'arme atomique dans le Sahara algérien longtemps après l'indépendance ? A-t-elle respecté les principes généraux de sécurité ? L'Algérie a-t-elle engagé une étude afin de déterminer l'impact des radiations nucléaires aussi bien sur la santé des populations que sur l'environnement ? Pourquoi les champs de tir n'ont-ils pas été interdits, depuis, à la population ? Le risque de contamination est-il toujours présent ? Est-ce que l'Etat algérien a défendu les intérêts des victimes algériennes dans cette affaire et exigé leur indemnisation ? A quand la vérité et l'indemnisation des populations exposées ? S'agissant des victimes algériennes, il faut préciser que des chiffres sont avancés par les autorités françaises. 2700 personnes ont été exposées mais seules 500 doivent être indemnisées. Comment et sur quelles bases juridiques ou médicales a-t-on sélectionné ces 500 personnes étant donné qu'aucune enquête officielle n'a été réalisée ? Pendant que les autorités françaises s'expriment clairement sur ce dossier, la partie algérienne s'enferme dans un silence troublant. Sinon, qu'est-ce qui empêche l'Etat algérien d'agir et de procéder à un diagnostic exhaustif des incidences de ces essais sur l'environnement et des maladies liées aux effets de la radioactivité sur les populations concernées et d'exiger de la France réparation ?