«L'Algérie ne peut faire face, seule, aux effets des essais nucléaires malgré les efforts qu'elle fournit. Elle manque encore d'expérience et d'experts en la matière», a indiqué, hier, à Alger le ministre de Moudjahidine, Cherif Abbas, à l'occasion de l'ouverture du colloque international sur les effets des essais nucléaires français en Algérie. «L'Algérie pourra acquérir la technologie nécessaire, mais cela prendra du temps. Mais la conscience humaine doit faire pression sur le responsable de ces essais pour qu'il assume sa responsabilité envers la nature, envers les détenus algériens et les nomades qu'il a utilisés comme cobayes. Car la France a commis un crime contre l'humanité», estime-t-il. Mostepha Khiati, président de la Forem (Fondation nationale de la promotion de la science et du développement de la recherche), appuie les propos du ministre en soulignant la nécessité d'aborder cette question d'un point de vue «humain». «C'est ainsi que nous pourrons toucher les institutions internationales. Une concertation de plusieurs pays pour la même cause, développée dans un cadre politique, est également nécessaire. Le Niger et le Mali partagent avec nous le Sahara. Ils sont donc concernés par cette question. Une concertation avec ces pays nous aidera à nous faire entendre et effacera des esprits cette idée que les revendications de l'Algérie concernant la question des effets nucléaires s'inscrit dans la cadre d'un règlement de comptes colonial. Quant aux rapports publiés récemment dans le Parisien, ils n'ont pas un grand impact, sauf peut-être auprès de la communauté française et internationale. Mais le débat est ailleurs», explique-t-il. Des rapports que le Parisien a procurés, d'après l'avocate Fatima Ben Braham, d'une façon détourné sans l'aval du ministère de la Défense. LA FRANCE DOIT FOURNIR LES CARTES D'ENFOUISSEMENT DES DÉCHETS NUCLÉAIRES La France doit s'impliquer, ajoute M. Khiati, en remettant à l'Algérie les dossiers médicaux et les archives de santé qu'elle a en sa possession. «L'Algérie à l'indépendance manquait de médecins. Ce sont donc des médecins militaires français qui ont effectué des diagnostics sur la population du Sahara et ce, jusqu'à 1975. La France n'a jamais remis les diagnostics à l'Algérie. Pis, elle a envoyé des prélèvements à des laboratoires israéliens», révèle-t-il en faisant savoir que le coût de la prise en charge des victimes directes et indirectes des essais nucléaires, de 1960 jusqu'à nos jours, dépasse le 1 milliard d'euros. «Les 150 détenus algériens que la France a utilisés comme cobayes étaient ligotés à des poteaux à 1 km seulement du point zéro, à Reggane. A In Ekker, 3500 Algériens ont travaillé dans la base nucléaire. La France leur a fait croire qu'ils étaient là pour creuser des mines d'or ! Ils n'avaient sur le corps que des blues de travail !», dit-il en ajoutant que la France doit fournir aussi la carte d'enfouissement des matériaux et déchets pour pouvoir clôturer les sites et empêcher ainsi la population locale d'y circuler d'une part et utiliser les objets contaminés, d'autre part. Le ministre de la Solidarité nationale Djamel Ould Abbas, présent à cette rencontre, a affirmé que «l'un des principaux objectifs de ce colloque est d'appeler la France à décontaminer le Sahara.» Dans le même sens, l'expert français Bruno Barilliot souligne dans sa communication qu'il est indispensable d'exiger la pleine reconnaissance des responsabilités et que la France doit impérativement engager un processus de réhabilitation environnementale. Une réhabilitation urgente d'autant plus que les régions contaminées sont toujours fréquentées par la population locale, selon Rolland Desbordes, expert français, qui a effectué une étude sur In Ekkel en 2009. Pour conclure, M. Khiati propose que «si la France refuse d'assumer ses responsabilités, l'Algérie doit porter plainte au niveau des institutions internationales.»