L'affaire du quinquagénaire de confession chrétienne, Slimane Bouhafs, continue encore à faire parler d'elle. Accusé d'«atteinte au Prophète Mohamed et aux préceptes de l'islam», il a été condamné, en l'absence de sa défense, le 7 août dernier, à «5 ans de prison ferme et 100 000 DA d'amende» par le tribunal de Beni Ourtilane près de Sétif. Jointe par téléphone, sa famille affirme que son procès en appel est programmé aujourd'hui par la cour de Sétif. Mais en attendant, il ne se passe pas un jour sans que de nouvelles révélations ne soient faites à son propos par ses avocats ou par les membres de sa famille. Ces derniers qui avaient dénoncé l'«embargo» exercé, selon eux, par «les pouvoirs publics sur l'accusé», assurent aujourd'hui détenir plus d'informations sur son cas. Le président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), Salah Dabbouz, qualifie l'affaire de «scandaleuse», après lui avoir rendu visite à la prison de Beni Ourtilane. «Slimane Bouhafs, qui a été interpellé dans la matinée du 31 juillet dernier, a été jugé le jour même à une heure tardive. Il m'avait informé, lors de ma récente visite, qu'il ignorait même qu'il avait été jugé. Déplacé vers le tribunal de Beni Ourtilane le 7 août, l'accusé, qui s'attendait à un procès, a été surpris d'entendre son jugement. Je vous assure qu'il est encore sous le choc», affirme Me Dabbouz, joint par téléphone. Pour rappel, au sujet de sa défense, sa famille avait révélé précédemment à El Watan que c'était «la justice qui avait informé les avocats que Bouhafs ne voulait pas de défense». Sauf que Me Dabbouz apporte aujourd'hui une autre version des faits : «Bouhafs m'avait informé qu'il aurait souhaité avoir des avocats. Il n'y a pas que cela, il m'avait aussi affirmé que les responsables de la prison l'ont laissé sans nourriture pendant 5 jours.» L'avocat assure que Slimane Bouhafs est dans un état de santé très affaibli ces jours-ci. Interpellé le 31 juillet dernier par des éléments de la Gendarmerie nationale pour des «publications partagées sur facebook», Bouhafs est sous les verrous depuis maintenant près d'un mois. Me Dabbouz précise : «Mon client a été mis en cause pour des discussions qu'il a eues sur sa messagerie privée de facebook, en 2010, avec des personnes de sa confession mais de nationalités étrangères. Selon lui, ce sont ces dernières qui ont initié les sujets en question et lui n'avait fait que débattre et donner son avis.» L'avocat assure que Slimane Bouhafs avait déclaré dans le procès-verbal de la police qu'il «respectait le Prophète Mohamed, qu'il n'était pas contre l'islam mais contre l'islamisme». «Bouhafs avait dit qu'il avait préféré l'église à la mosquée car cette dernière ne faisait que reprendre, selon lui, les mêmes propos et dogmes islamistes», témoigne Me Dabbouz. Selon notre source, Slimane Bouhafs, 49 ans, s'est converti au christianisme en 1999. Originaire du village Bousselam, daïra de Bouandas, wilaya de Sétif, il a avoué à son avocat qu'il était «constamment menacé par les prêcheurs de la mosquée de son village et par certains de ses proches». «Les prêcheurs de la mosquée ont carrément émis une fatwa contre lui. Ils ont décidé de le lapider publiquement. Quant aux agressions venant de ses proches, il a échappé, selon ce qu'il ma dit, au moins à trois tentatives», raconte Me Dabbouz. Et d'ajouter : «Mon client dénonce l'irresponsabilité de la justice et des services de sécurité qui ne l'ont pas protégé pendant cette période.» Pour rappel, plusieurs organisations non gouvernementales ont dénoncé l'incarcération de Slimane Bouhafs et appelé à sa libération par les autorités algériennes. L'ONG irlandaise de défense des militants des droits de l'homme, Front Line Defenders, qui a notamment défendu plusieurs militants dans le passé — dont Yacine Zaïd ou l'avocat Salah Dabbouz, dans sa récente affaire l'opposant à la justice de Ghardaïa — a condamné fermement la détention de Slimane Bouhafs à Sétif. Dans un communiqué rendu public le 10 août, cette ONG a exhorté les autorités algériennes «à procéder à la libération immédiate de Slimane Bouhafs et à annuler la sentence prononcée contre lui». Même revendication soulevée par Amnesty International qui, dans un communiqué rendu public samedi dernier, avait expliqué que «les dispositions figurant dans le code pénal et l'ordonnance 06-03 fixant les conditions et règles d'exercice des cultes autres que musulmans restent vagues». Elles ont été utilisées, selon l'ONG, pour «persécuter des personnes dans l'exercice pacifique de leur droit à la liberté d›expression, de religion et de conviction». A l'échelle nationale, c'est la LADDH, aile Hocine Zahouane, qui a pris la défense de l'accusé en émettant un communiqué où elle demande «la libération du détenu et la cessation de poursuites contre lui». Sur ce sujet, Me Dabbouz termine : «Je ne comprends pas pourquoi Bouhafs a été condamné à la peine maximale alors qu'il n'est pas un repris de justice comme l'explique si bien la loi algérienne. Cette dernière est claire, elle précise même qu'une telle sentence n'est applicable que si la personne est reconnue coupable, ce qui n'est pas le cas de Slimane Bouhafs.»