Cet après-midi, le grand chanteur mais surtout poète, sera sur la scène de l'Atlas, vingt ans après ses fameux concerts. Qui se souvient encore de cette année 1991 où l'art et la culture commençaient à être bannis ? Suite à des menaces islamistes, la chanteuse portugaise, Lynda de Suza, avait été obligée de reprendre sa « valise en carton », humiliation historique pour les traditions d'hospitalité de l'Algérie et camouflet à l'Etat qui l'avait invitée par l'un de ses organismes. Même les chanteurs algériens n'avaient pas échappé à cette répression morale qui annonçait des années tragiques. Là où l'on ne peut chanter, la haine et la mort ne sont jamais loins… Quand Lounis Aït Menguellet annonça un concert à l'Atlas, les menaces redoublèrent de férocité. On chuchotait à Alger que cela se terminerait par un bain de sang. C'était sans compter sur la détermination du poète et l'engouement de ses innombrables admirateurs qui se recrutent dans toutes les régions du pays, même parmi ceux qui ne comprennent pas le kabyle ou une autre version de tamazight. Il y eut non seulement un concert mais plusieurs, portés par des foules prêtes à tout pour écouter l'homme aux paroles ciselées et aux musiques authentiques. Cette mobilisation citoyenne demeurera dans les mémoires comme un fait marquant de la résistance à l'obscurantisme, mais aussi une démonstration, rare dans le monde, de l'attachement d'un public à un artiste et à son art. Lounis Aït Menguellet est d'abord un poète qui incarne, dans les temps modernes, la sagesse et l'audience profonde de ses prédecesseurs, tels Si Mohand Ou M'hand, Mostefa ben Brahim et d'autres encore, porte-parole des espoirs et des peines de leurs frères et sœurs, témoins de leurs époques et voix des sentiments humains. Mais il est aussi un homme de cœur, toujours attentif à la détresse des autres, un véritable acteur social qui n'a jamais hésité à mettre une main sur le cœur et l'autre à la poche pour diverses œuvres et actions au bénéfice des démunis. Et c'est loin d'être une posture chez lui ou une action de marketing car, c'est souvent bien après qu'on apprend ici ou là ses bienfaits. Né à Ighil N'bwammas en 1950, ce toujours jeune sexagénaire, écrit et compose depuis plus de quarante ans avec un talent qui ne néglige ni les paroles ni la musique toujours interprétée de manière sobre avec une économie instrumentale qui respecte le texte et s'appuie sur des mélodies qui « parlent » à tous les Algériens. Il a connu plusieurs fois l'Olympia de Paris, à partir des années 1970 où sa réputation commença véritablement à s'établir et à s'étendre en Algérie, dans l'émigration algérienne et auprès de nombreux mélomanes étrangers. L'ONCI (Office national pour la culture et l'information) qui organise ce concert, est assuré de faire le plein cet après-midi. Certains des admirateurs du poète pensent même que l'opérateur culturel pourrait programmer plusieurs concerts. Ils attendent surtout de l'artiste qu'il reprenne ses titres les plus connus et les plus aimés (difficile de choisir !) mais qu'il leur fasse le plaisir et la primeur d'une ou deux nouvelles chansons. En effet, Lounis Aït Menguellet, a annoncé jeudi, sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale, qu'il préparait pour ce printemps un nouvel album auquel il ne manquerait que deux titres. Avec ce concert hautement symbolique, cette nouvelle était tellement attendue. Salle Atlas, Bab-El-Oued, samedi 20 février 2010, de 16 à 18 h.