Le grand chanteur et poète algérien a donné, samedi dernier, un concert exceptionnel, un événement phare de la semaine. Dix-neuf ans après avoir donné un concert à l'Atlas, dans un climat délétère, marqué par la montée de l'intégrisme islamique, ‘'Da Lounis'' revient et se produit pour la énième fois dans la même salle sise à Bab El Oued. 15 heures, soit presque une heure avant le début du concert, une foule compacte se pressait devant les portes de l'Atlas. On doit jouer des coudes pour pouvoir y accéder. D'ailleurs, ils étaient nombreux, les admirateurs de notre Brassens kabyle, qui n'ont pu y assister. Incontestablement, le concert de Lounis Aït Menguellet est l'évènement phare de la semaine. «Ça fait longtemps qu'on n'a pas vu autant de monde ici...», nous fait remarquer Karim qui habite juste à côté de la salle. 16 heures passées de quelques minutes, le spectacle commence. Ce sont ses amis, Ben Mohamed et Kamel Hamadi qui montent les premiers sur scène, pour parler de Lounis: «Nous sommes très contents qu'il soit parmi nous aujourd'hui, et on espère que ce ne sera pas la dernière fois», diront-ils. Quelques minutes après, c'est le grand artiste-poète qui fait son apparition sur scène, sous les youyous des femmes et les applaudissements de l'assistance. Même à 60 ans, le sage d'Ighil Bouhamès, à l'allure athlétique, fait vibrer son public et l'emporte dans une promenade musicale et poétique. Il entame son concert par ses fameux titres des années d'or. Tout à tour, le chanteur interprète Içhal ihedhregh fellam, (J'ai longtemps parlé de toi), Ikhef itrun (Larmes), Warasdhelmagh, ainsi que d'autres chansons qui ont fait le succès de ce fier montagnard. Le public en grand connaisseur du répertoire de cette figure de la chanson kabyle, reprend en choeur certains titres. Des chansons sentimentales, il enchaîne avec ses chansons engagées de la fin des années 1980. Tantôt à caractère politique et tantôt à caractère social, comme Achimi (Pourquoi), Amedyas (Le poète) ou encore Atas Atas Mazal El Hal, il faut dire que ces textes sont la preuve que les changements politiques en Algérie à la fin des années 1980 et puis le début de la tragédie nationale ont laissé leur empreinte sur l'oeuvre de Lounis. Dans cette période, l'artiste met en musique des textes quelque peu différents des précédents. Il écrira des poèmes, dans lesquels il abordera d'autres questions sociales et politiques. C'est au cours de cette période d'ailleurs que ce révolté fait preuve d'un engagement inaltérable en faveur de l'identité berbère du peuple algérien. A peine 19 heures, celui que Kateb Yacine considérait comme le plus grand poète algérien, quitte la scène. «J'espère qu'on aura souvent l'occasion de se rencontrer...», dira-t-il avant de saluer son public qui se disperse entonnant toujours les chansons merveilleusement interprétées par leur idole.