La France a le secret des polémiques stériles. Après les minarets, la burqa, l'identité nationale, c'est le hamburger halal que la classe politique n'arrive pas à digérer. Les partis s'étouffent d'indignation. Une indigestion électoraliste. Paris De notre correspondant Petite leçon de libéralisme, capitalisme, pour les nuls. Quand il y a une forte demande, l'offre s'adapte. C'est le principe même de l'offre et de la demande. A Roubaix, la chaîne de restauration rapide Quick a voulu capter une clientèle qui lui échappait. Installée dans une zone à forte implantation de la communauté musulmane, l'enseigne a misé (apparemment avec succès) sur le halal. Depuis novembre, la chaîne, qui possède 350 restaurants en France, a ainsi ouvert huit établissements spécialisés halal. Trois de ces restaurants Quick Halal sont en banlieue parisienne, deux à Marseille et les autres à Toulouse, Villeurbanne et Roubaix. Mais dans un pays en proie au doute sur son identité nationale, c'est l'extrême droite qui impose son menu électoral. La vice-présidente du Front national, tête de liste aux régionales dans le Nord-Pas-de-Calais, joue à nouveau sur les peurs en invoquant la (l'in)visibilité et la peur de l'Islam. « Il faut que les musulmans expriment leur désir de vivre leur foi personnelle dans la sphère privée, sans empiéter sur la sphère publique. Tous ceux qui viendront acheter dans ce Quick paieront en réalité une taxe aux organismes islamiques de certification. Je trouve cela inadmissible », tranche la fille de Jean-Marie Le Pen. Et la classe politique de s'indigner sur « la remise en cause des principes républicains ». Le Parti socialiste, embarrassé, cherche une réponse juridique. Le maire PS de Roubaix juge l'offre « discriminatoire ». « Ce qui est contesté, c'est l'exclusivité du produit à la vente. A Roubaix, il n'existe que ce seul Quick. Pourquoi les Roubaisiens seraient obligés d'aller à Lille ou ailleurs pour trouver du bacon ? », explique l'avocat de la Mairie. René Vandierendonck, maire PS, se défend de faire le jeu du Front national. « Contrairement au FN, je ne réfute pas à Quick le droit d'avoir une offre halal, surtout à Roubaix, où la population musulmane est importante. Je présume qu'on peut obtenir à l'amiable un retour à la diversité. » Pour le mouvement patronal Ethic, il faut savoir raison garder. Dans un communiqué, il tente de désenfler la polémique : « Ce choix halal résulte tout simplement de la rencontre entre l'offre et la demande et d'un choix marketing. Que ce choix réponde à un goût particulier, au succès d'une spécialité étrangère ou à une tradition culturelle ou religieuse relève de la liberté d'entreprendre. Quant à l'offre commerciale elle-même, elle satisfait pleinement, puisque deux enseignes Quick ont été obligées de refuser des clients. » Même son de muezzin à Al Kanz, site dédié aux consommateurs musulmans. « Aurait-on eu droit à toutes ces saillies médiatiques si, au lieu du halal, Quick avait choisi un autre positionnement, une autre niche, celle du bio ? Un Quick thématique avec exclusivement des menus mexicains ou chinois, aurait-il eu une telle résonance médiatique ? Non, assurément non. Et si vraiment c'est le communautarisme qui pose problème, pourquoi tolère-t-on qu'en plein Paris, au 240, boulevard Voltaire, dans le 11e arrondissement, on puisse trouver un Franprix entièrement casher ? Sans parler de la chaîne KFC, qui, depuis des années, prétend vendre du poulet halal dans tous ses restaurants. » L'un des animateurs du site, Fateh Kimouche, livre une leçon d'économie : « Dans cette histoire, c'est le capitalisme qui sert de révélateur. Il n'y a rien de religieux, c'est une logique de business. Dans le fast-food test de Villeurbanne, le chiffre d'affaires a bondi de 30 % la première semaine. C'est la logique économique qui prend le dessus. Si le chiffre d'affaires est multiplié par deux, ils n'auront aucune hésitation. » A la prochaine polémique, les sujets ne manqueront pas. « Egorger le mouton de l'Aïd dans sa baignoire », « Le couscous est-il compatible avec les valeurs républicaines ? », « Les prénoms à consonance musulmane sont-ils une agression contre l'intégration ? »… Le musulman, cet être cache-chômage, a hâte que les élections passent. En appréhendant déjà les suivantes.