L'appel de l'ex-président intervient au lendemain de la mort de 140 personnes dans des frappes aériennes de la coalition arabe conduite par l'Arabie Saoudite sur la capitale Sanaa, contrôlée par les rebelles. Qualifiant le royaume wahhabite de «réactionnaire» et «rétrograde», l'ancien président a exhorté ses compatriotes à «affronter cette flagrante agression tyrannique par tous les moyens». Et d'ajouter : «Le ministère de la Défense, l'état-major et le ministère de l'Intérieur doivent prendre les dispositions nécessaires pour accueillir les combattants sur les lignes de front à la frontière à Najrane, Jizane et Assir», les trois provinces saoudiennes frontalières. Il a appelé le Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies (ONU) à «prendre des décisions contraignantes pour mettre fin à cette agression barbare des Al Saoud», la famille régnante en Arabie, et «de leurs alliés».Parmi les victimes des raids figurent des personnalités politiques et des responsables militaires. La coalition a nié, dans un premier temps, toute implication, avant de publier un communiqué dans la nuit annonçant une enquête «immédiate». Dans la matinée, des milliers de personnes ont manifesté à Sanaa contre le «massacre» de samedi. Allié de Riyad, Washington, a annoncé samedi le réexamen de son soutien à la coalition arabe, qui a déjà été réduit ces derniers mois. «La coopération sécuritaire des Etats-Unis avec l'Arabie Saoudite n'est pas un chèque en blanc», a déclaré le porte-parole du Conseil de sécurité nationale à la Maison-Blanche, Ned Price. Washington dans la gêne Le carnage de samedi met Washington dans une situation inconfortable quant à sa gestion des conflits dans la région, notamment en Syrie où il dénonce régulièrement les massacres des civils commis, à son avis, par le régime de Damas. En outre, les relations entre Washington et Riyad n'ont cessé de se détériorer ces deux dernières années, en particulier après une amorce de rapprochement entre les Etats-unis et l'Iran et la vision américaine sur la crise syrienne. L'accord sur la liquidation des armes chimiques détenues par Damas malgré la «ligne rouge» fixée sur l'usage de ces armes, et l'accord sur le nucléaire iranien en juillet 2015 à Vienne ont contrarié l'allié régional de Washington. Et en mars dernier, dans ses déclarations publiées par le magazine The Atlantic, le président américain a reproché à Riyad d'avoir cherché à influencer d'autres pays musulmans, dont l'Indonésie, en exportant l'idéologie wahhabite, et il l'a appelé à «partager» sa présence au Moyen-Orient avec son rival iranien. La «concurrence» entre les Saoudiens et les Iraniens qui a contribué à alimenter des guerres par procuration en Syrie, en Irak et au Yémen, «nous commande de demander à nos amis (saoudiens) aussi bien qu'aux Iraniens de trouver un moyen efficace pour cohabiter et d'instaurer une sorte de paix froide». Pour l'Arabie Saoudite, la priorité consiste à neutraliser l'Iran. Au Yémen, la révolte des Houthis est considérée par le royaume wahhabite comme des manœuvres déstabilisatrices de l'Iran dans la région. Sur les fronts syrien et libanais, Téhéran soutient Damas et le Hezbollah libanais, et Riyad avec les Emirats arabes unis et le Bahreïn parrainent le Mouvement du 14 Mars de l'ancien Premier ministre libanais Saad Hariri. Par ailleurs, deux jours avant la commémoration des 15 ans de l'attentat du World Trade Center, le Congrès américain a approuvé une loi qui autorise les victimes américaines à poursuivre en justice des pays étrangers soupçonnés de soutenir des attaques contre les Etats-Unis. Quinze des 19 auteurs des attaques du 11 Septembre sont de nationalité saoudienne. Dans la nuit du 25 au 26 mars 2015, l'Arabie Saoudite, à la tête d'une coalition arabe, lançait une opération militaire aérienne au Yémen contre les rebelles houthis, minorité zaydite d'obédience chiite. Objectif : chasser les Houthis de la capitale Sanaa, qu'ils occupent militairement depuis septembre 2014, et rétablir le pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié à Riyad. Sur le plan régional, l'offensive vise à contrer l'influence de l'Iran. Plus d'un an après cette campagne militaire, non seulement cet objectif n'est pas atteint mais, de surcroît, il a suscité l'hostilité des populations yéménites. En août dernier, le département américain de la Défense a annoncé que les Etats-Unis allaient vendre à l'Arabie Saoudite des chars, des véhicules blindés, des mitrailleuses lourdes et des munitions, représentant un contrat de 1,15 milliard de dollars. Conformément à la procédure américaine en la matière, c'est le département d'Etat qui a approuvé cette vente d'équipements à Riyad, contrat qui sera concrétisé par le feu vert technique du Congrès, selon un communiqué du Pentagone. «Cette vente, telle qu'elle est proposée, contribuera à la politique étrangère et à la sécurité nationale des Etats-Unis en permettant d'améliorer la sécurité d'un partenaire régional stratégique qui a été et qui continue d'être un acteur leader pour la stabilité politique et les avancées économiques du Moyen-Orient», a indiqué l'Administration américaine. Depuis 2004, les Houthis mènent la guerre au pouvoir central de Sanaa. Jusqu'en 2010, six guerres ont eu lieu entre les deux belligérants. Le président de l'époque, Abdallah Saleh, les justifie par le fait que les Houthis veulent rétablir l'imamat aux dépens de la République. Le Qatar propose ses bons offices pour trouver une issue au conflit. Cependant, la médiation de 2007, suivie d'un traité en février 2008, n'a pas empêché la reprise des combats en avril de la même année. De son côté, Riyad est intervenu militairement en novembre 2009 à Saada, bastion des Houthis, une ville située à ses frontières. En août 2010, un autre traité a été signé à Doha entre le gouvernement et les insurgés. Après le départ de Abdallah Saleh du pouvoir, ils poursuivent leur guerre contre les nouvelles autorités de Sanaa. En la circonstance, les partisans de l'ancien président deviennent les alliés des Houthis.